Commentaire du 23 septembre 2012 / Pierre Desroches (110e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses St-Pierre Claver et St-Stanislas de Kostka de Montréal. Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.
– Gino Fillion : caméra, montage des images et mixage.

« Faire l’expérience du Christ crucifié pour reconnaître la vraie identité de Jésus / La fragilité des disciples devant l’annonce de la croix / Le penchant naturel de vouloir être le plus grand / L’Église s’est souvent montrée dans sa grandeur et non dans sa petitesse / Jésus embrasse ce qu’il y a de petit en nous. »

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Évangile : Deuxième annonce de la Passion et appel à l’humilité (Marc 9, 30-37)
Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu’on le sache. Car il les instruisait en disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. » Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger. Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demandait : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Ils se taisaient, car, sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit : « Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille ne m’accueille pas moi, mais Celui qui m’a envoyé. » 

1ère lecture : Les méchants complotent la mort du juste (Sagesse 2, 12.17-20)
Ceux qui méditent le mal se disent en eux-mêmes : « Attirons le juste dans un piège, car il nous contrarie, il s’oppose à notre conduite, il nous reproche de désobéir à la loi de Dieu, et nous accuse d’abandonner nos traditions. Voyons si ses paroles sont vraies, regardons où il aboutira. Si ce juste est fils de Dieu, Dieu l’assistera, et le délivrera de ses adversaires. Soumettons-le à des outrages et à des tourments ; nous saurons ce que vaut sa douceur, nous éprouverons sa patience. Condamnons-le à une mort infâme, puisque, dit-il, quelqu’un veillera sur lui. »

Psaume 53, 3-5.7b-8

R/ Seigneur, à mon aide, mon secours et mon sauveur !

Par ton nom, Dieu, sauve-moi,
par ta puissance rends-moi justice ;
Dieu, entends ma prière,
écoute les paroles de ma bouche.

Des étrangers se sont levés contre moi,
des puissants cherchent ma perte :
ils n’ont pas souci de Dieu.
Par ta vérité, Seigneur, détruis-les !

Mais voici que Dieu vient à mon aide,
le Seigneur est mon appui entre tous.
De grand cœur, je t’offrirai le sacrifice,
je rendrai grâce à ton nom, car il est bon !

2ème lecture : D’où viennent la paix et la guerre (Jacques 3, 16-18 ; 4, 1-3)
Frères, la jalousie et les rivalités mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes. Au contraire, la sagesse qui vient de Dieu est d’abord droiture, et par suite elle est paix, tolérance, compréhension ; elle est pleine de miséricorde et féconde en bienfaits, sans partialité et sans hypocrisie. C’est dans la paix qu’est semée la justice, qui donne son fruit aux artisans de la paix. D’où viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces instincts qui mènent leur combat en vous-mêmes ? Vous êtes pleins de convoitises et vous n’obtenez rien, alors vous tuez ; vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre. Vous n’obtenez rien parce que vous ne priez pas ; vous priez, mais vous ne recevez rien parce que votre prière est mauvaise : vous demandez des richesses pour satisfaire vos instincts.

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Commentaire du 23 septembre 2012 (110e) – 25e semaine du Temps Ordinaire (année B)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

Jésus libère les siens de vouloir être les premiers et les plus grands

L’abbé Pierre Desroches

Bonjour mes amis ! Nous commençons aujourd’hui une troisième année d’enregistrement. Nous allons faire le 110e commentaire et on se trouve dans un lieu très beau du Québec : Sutton où il y a un Foyer de Charité inspiré par Marthe Robin qui est une mystique française. On retrouve des Foyers de Charité un peu partout à travers le monde, et ici à Sutton c’est celui qui est le plus ancien au Canada. On est dans une chapelle qui a été dédiée à Marie Mère de l’Église et qui a été construite à l’occasion du passage de Jean-Paul II en 1984.

Alors, je vous donne aujourd’hui une Parole qui est tirée de l’Évangile de saint Marc. C’est Jésus qui traverse la ville avec ses disciples et qui ne veut pas qu’on le sache. C’est déjà une première question qu’on peut se demander mais on va retrouver souvent cela dans l’évangile de Marc : le secret messianique. Jésus ne veut pas qu’on parle de lui avant qu’on ait vraiment fait l’expérience de son identité profonde ou de son mystère profond qui est celui de la croix. Puisque si on ne reconnaît pas le Christ crucifié, on ne peut pas dire qu’on connaît Jésus. Dans cet Évangile, Jésus va traverser la ville et déjà le verbe « traverser » peut nous inspirer parce que c’est de faire un passage, passer d’un bout à l’autre, passer de la mort à la vie. Déjà on nous annonce presqu’un thème pascal dès la première ligne. Et pour l’instant il veut passer de façon discrète.

Il instruit ses disciples sur la Passion, sur ce qui va lui arriver : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger. » On voit déjà la fragilité des disciples et comment ceux-ci suivent la personne de Jésus. Ils sont emballés par Jésus, ils sont impressionnés par Jésus, ils l’ont vu faire des miracles, mais là il commence à les conduire lentement et à les amener dans la réalité profonde de son ministère, de sa mission, et ce qu’il va accomplir dans sa mort-résurrection. Mais eux, ils ne saisissent pas. On n’a pas à être mal nous-mêmes de ne pas saisir, puis d’être là où l’on est, parce que les disciples qui ont fait route avec Jésus pendant plus de deux ans, qui l’ont écouté, qui l’ont entendu, ils ne saisissent pas et ils ont même peur de lui poser des questions. C’est comme s’ils avaient peur d’établir le dialogue, comme s’ils avaient peur de faire la communion, la relation, pour demander au Seigneur qu’il puisse leur donner une lumière sur leurs interrogations.

« Ils arrivent à Capharnaüm, et comme Jésus était à la maison, il leur demande: <De quoi discutiez-vous en chemin ?> » Il va se mettre à s’intéresser à ce dont ils parlent sur la route quand Lui parfois il est peut-être avec le Père, que Lui ne parle pas beaucoup, puis les écoute, puis ça fait écho en Lui, puis ça nourrit sa prière, et ça l’éclaire sur les étapes qu’il va avoir à vivre avec ses disciples pour les initier et les former. Alors il leur dit : « De quoi parliez-vous en chemin. Et eux, ils se taisaient ». Il leur donne la parole mais eux ils ne veulent pas la prendre « car ils se taisaient, car, sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. » Ça, ça appartient beaucoup à la nature humaine de vouloir être le plus grand, le plus savant, celui qui en sait le plus, celui qui peut se hisser au-dessus des autres pour donner les grandes orientations aux autres. Là, c’est comme s’ils étaient pris et qu’ils n’osaient pas être transparents devant Celui dont ils se doutaient bien qui était pour leur proposer un autre chemin ou une autre voie. 

« S’étant assis Jésus appela les Douze et leur dit ». Là aussi, c’est intéressant, il  s’assoit. D’une certaine manière, ça veut dire qu’il va prendre le temps de les enseigner. C’est la position de l’enseignant de s’asseoir, ce n’est pas celui qui est debout comme moi présentement, qui peut se mettre à partir d’un bord ou partir de l’autre, c’est comme un geste où l’on prend le temps avec ceux avec qui on est pour avoir un échange, pour se rencontrer, pour communier. Et eux ils ne lui ont pas dit, ils se sont tus à sa question. Il n’a pas été informé de ce qu’ils discutaient, mais il le savait très bien. Eux vont recevoir cette parole qui leur dit : «Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » Ça ne se comprend pas si facilement, en tous cas, ce n’est pas le désir de nos cœurs, d’être le premier en étant le dernier. Nous on aime bien être le premier en étant le premier. Lui il dit : « Celui qui veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »  « Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit : « Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille ne m’accueille pas moi, mais Celui qui m’a envoyé. » 

Elle forte l’image de l’enfant. Dans l’image de l’enfant on peut trouver beaucoup de sagesse. Nous, on essaie souvent de prendre la première place en montrant qu’on est grands, en imposant notre altitude. Et cela a comme effet que les hommes et les femmes se sentent dominés. Souvent notre Église, où il y a toute une expérience d’Église ici au Québec du temps du triomphalisme, l’Église ne se laissait pas voir dans sa petitesse mais dans sa grandeur. Et souvent dans la communauté des frères et des sœurs que ce soit par rapport au clergé ou aux consacrés, il se sentait une humanité moindre, se sentait moindre devant Dieu, il ne se sentait pas plus grand parce qu’il y avait cette stature qui s’imposait alors que Jésus prend un enfant. Ce qu’il place au milieu c’est l’enfant, celui qui est petit, celui qui ne domine pas, c’est celui qu’il a conscience qu’il a à apprendre parce que le grand est sûr de tout connaître et de tout savoir. Sa sagesse, il veut aussi l’imposer aux autres. L’enfant, c’est aussi celui qui, en jouant avec ses amis va se chicaner et va dire  « je ne te parle plus, » mais deux  minutes après, c’est reparti, ça continue, l’ouverture est là et le besoin se fait sentir de l’autre. Il entre à nouveau dans la relation. Le grand va possiblement être très poli, il ne dira plus à l’autre qu’il ne lui parle plus, mais pendant 25 ans il ne lui adressera pas la parole. Quand Jésus appelle, il n’appelle pas des grandeurs, il appelle des petits, et dans ce que nous avons de petit, il nous embrasse. Il y a un geste-là nettement, clairement d’affection.

Et il dit ceci : « Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. » Les enfants peuvent avoir toutes sortes d’âge parce qu’il y a dans notre entourage des gens qu’on a beaucoup de difficulté à accueillir à cause de leurs limites, de leurs fragilités, des gens avec lesquels on ne voudrait pas trop être identifiés pour ne pas diminuer notre image parce qu’on aime bien être reconnu comme quelqu’un qui est reconnu par des grands, ce qui donne une plus-value pour nous, à notre être. Alors que « celui qui accueille un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. » C’est comme si le Seigneur nous disait : dans la petitesse, c’est là que je suis caché. Et dans votre capacité d’accueillir l’autre dans la petitesse, c’est moi que vous accueillez. Probablement que saint François d’Assise avait bien saisi cette parole de Jésus. 

« Et celui qui m’accueille ne m’accueille pas moi, mais Celui qui m’a envoyé. »  Donc, il accueille le Père. Et à travers l’accueil de cette humanité souvent blessée souvent vulnérable, souvent égarée, accueillir ce qu’il y a de petit, y consentir pour laisser le Père, à travers cet accueil que nous vivons, passer, pour laisser passer l’amour du Père pour chacun de nous, tels que nous sommes, voilà la grande mission de l’humanité et plus particulièrement des baptisés qui se mettent à la suite de Jésus. Dans cette petite parole qui est une très belle catéchèse sur la vocation, le Seigneur assis au milieu de ses disciples les libère de vouloir être les premiers et les plus grands, et il les choisit et les établit à partir leur petitesse pour que toute la place soit laissée à Dieu et pas trop envahis par cette nature veut prendre la première place. Jésus va prendre la dernière et il se fera   tout petit sur la croix mais il sera grand dans la Résurrection et la victoire sur la mort.

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