Commentaire du 17 mars 2013 / Pierre Desroches (129e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses Saint-Pierre Claver, Saint-Stanislas de Kostka et de Saint-Enfant-Jésus du Mile-End à Montréal (Québec). Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.

– Gino Fillion : composition et interprète de la musique, caméra, mixage et montage visuel.

« L’exode intérieur de saint Paul / Le désir des scribes d’accuser Jésus / Quand les autres deviennent des objets / Jésus en écrivant sur le sol reprend la Loi que Moïse a reçu de Dieu / Jésus a une parole qui fait passer de l’accusation à la miséricorde. »

– Références bibliques : http://aelf.org/

—————————————————————————————————————————-

Évangile : Jésus et la femme adultère : « Va, et ne pèche plus » (Jean 8, 1-11)
Jésus s’était rendu au mont des Oliviers ; de bon matin, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner. Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en train de commettre l’adultère. Ils la font avancer, et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? » Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il traçait des traits sur le sol. Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre. » Et il se baissa de nouveau pour tracer des traits sur le sol. Quant à eux, sur cette réponse, ils s’en allaient l’un après l’autre, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme en face de lui. Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Alors, personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. » 

1ère lecture : Promesse du nouvel exode (Isaïe 43, 16-21)
Ainsi parle le Seigneur, lui qui fit une route à travers la mer, un sentier au milieu des eaux puissantes, lui qui mit en campagne des chars et des chevaux, des troupes et de puissants guerriers ; et les voilà couchés pour ne plus se relever, ils se sont éteints, ils se sont consumés comme une mèche.  Le Seigneur dit : Ne vous souvenez plus d’autrefois, ne songez plus au passé. Voici que je fais un monde nouveau : il germe déjà, ne le voyez-vous pas ? Oui, je vais faire passer une route dans le désert, des fleuves dans les lieux arides. Les bêtes sauvages me rendront gloire — les chacals et les autruches — parce que j’aurai fait couler de l’eau dans le désert, des fleuves dans les lieux arides, pour désaltérer le peuple, mon élu. Ce peuple que j’ai formé pour moi redira ma louange. 

Psaume 125, 1-6

R/ Le Seigneur a fait merveille : nous voici dans la joie.

Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie.

Alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous
nous étions en grande fête !

Ramène, Seigneur, nos captifs,
comme les torrents au désert.
Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie.

Il s’en va, il s’en va en pleurant,
il jette la semence ;
il s’en vient, il s’en vient dans la joie,
il rapporte les gerbes. 

2ème lecture : Renoncer à tout pour être avec le Christ (Philippiens 3, 8-14)
Frères, tous les avantages que j’avais autrefois, je les considère maintenant comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des balayures, en vue d’un seul avantage, le Christ, en qui Dieu me reconnaîtra comme juste. Cette justice ne vient pas de moi-même — c’est-à-dire de mon obéissance à la loi de Moïse — mais de la foi au Christ : c’est la justice qui vient de Dieu et qui est fondée sur la foi. Il s’agit de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion, en reproduisant en moi sa mort, dans l’espoir de parvenir, moi aussi, à ressusciter d’entre les morts. Certes, je ne suis pas encore arrivé, je ne suis pas encore au bout, mais je poursuis ma course pour saisir tout cela, comme j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. Frères, je ne pense pas l’avoir déjà saisi. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but pour remporter le prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus.

—————————————————————————————————————————————

Commentaire du 17 mars 2013 (136e) – 5e dimanche du Carême (année C – Saint Luc)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

Jésus et une parole de miséricorde pour la femme adultère

L’abbé Pierre Desroches

Mes amis, la première parole d’aujourd’hui est tirée du Livre d’Isaïe, va nous parler de nouvel exode. Il y a toutes sortes d’exodes qu’on vit dans notre histoire, dans notre réalité. Parfois je dis cela : Je suis né ici à Montréal et j’ai l’impression d’avoir été un exilé sur ma propre terre, parce qu’entre la terre que j’ai connue dans ma naissance et la terre dans laquelle je suis appelé à être comme témoin, ce sont deux mondes complètement différents. Je n’ai pas bougé physiquement, mais la réalité s’est transformée profondément. Et le Seigneur dit : Toi qui a connu un exode qui t’as emmené loin de chez toi, qui t’as emmené loin de ce qui te faisait vivre, de ce qui te berçait, de ce qui te consolait, ne te souviens plus du passé parce que je vais te faire vivre un nouvel exode où tu vas retrouver ce que ton cœur désire et c’est moi qui va te le faire trouver. 

Dans la deuxième Parole, c’est Paul qui nous dit qu’il a renoncé à beaucoup, parce que dans la communauté juive il était un personnage important, il était un personnage reconnu, il était un lettré un homme qui était beaucoup admiré parce qu’on sait très bien qu’il s’était donné, livré corps et âme pour sauvegarder la pureté du judaïsme. Et voilà que dans son histoire, il fait l’expérience de la rencontre de Jésus alors qu’il l’avait abondamment persécuté à travers les chrétiens et tous ses privilèges et ses droits il va tous les perdre. Il ne sera plus reconnu, il sera méprisé, mis en prison, persécuté lui qui était le persécuteur, et il dit : j’assume tout cela avec reconnaissance et gratuité parce que j’ai le plus grand bien, j’ai rencontré le Christ.

Alors l’exode de Paul est un exode intérieur et on va avoir dans l’évangile une femme qui va faire tout un chemin. Ce texte est connu sous le nom de la femme adultère. Dans la femme adultère, il y a trois niveaux de parole au moins. Une parole qui est une parole accusatrice. Et d’ailleurs dans le cœur des scribes qu’on va retrouver dans cette Parole, le grand désir, Jean nous le dit, c’est d’accuser Jésus. Ils veulent trouver matière pour l’accuser parce qu’ils veulent absolument que Jésus perde auprès du peuple, la grande force de témoignage qu’il a, parce qu’ils sont en compétition avec Dieu et incapables de reconnaître que Jésus Christ nous annonce ce Dieu qui est tout autre et qui est plus fort que la Loi parce qu’il est la source de l’amour. Alors, ils utilisent une femme. Souvent dans nos cœurs lorsqu’on est emprisonnés dans l’accusation les autres ne sont plus des sujets, ils sont des objets comme si on pouvait faire n’importe quoi avec eux. Et même, malgré toutes nos bonnes intentions et tout le désir qu’on peut avoir de protéger Dieu lorsque notre cœur est habité par l’accusation, Dieu lui-même est un objet et non plus un sujet.

Et on les voit, prendre cette femme, la mettre au centre et demander à Jésus. « Elle a été prise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a dit de lapider ces femmes-là. Toi, que dis-tu ? » Même ce Moïse qu’ils amènent, qu’ils sortent de la nuit des temps, qui est un personnage très important dans le judaïsme puisqu’il est le législateur, celui qui a fait le cadeau de la Loi – la Loi qui lui a été exprimée par Dieu – Jésus ne remettra pas en question la sagesse de la tradition juive, il ne remettra pas en question ce personnage qui est Moïse. D’ailleurs, dans d’autres évangiles on va le voir entrer en dialogue avec lui, surtout au moment de la Transfiguration. Il n’ouvrira pas la bouche parce qu’il ne veut pas entrer dans aucune parole d’accusation. Il va se taire, mais on va dire qu’il s’abaisse et qu’il va écrire avec son doigt sur le sol. Il y a des belles représentations de Moïse dans des films où il reçoit de Dieu la Parole, et la Parole qui est inscrite sur une table de pierre. Le sol du Temple est en pierres et Jésus qui écrit avec son doigt sur le sol, c’est comme s’il reprenait cette fameuse Loi que Moïse va recevoir sur la montagne. Mais Jésus n’est pas dans les hauteurs, il est abaissé, abaissé comme il va s’abaisser sur la croix et derrière toutes ces images et tous ces symbolismes et de la proximité qu’il a de la femme qu’on imagine facilement affaissée sur le sol, et qui sait très bien qu’il n’y a plus personne qui va donner très cher de sa peau, même si on l’avait achetée beaucoup avant et qu’on l’avait beaucoup désirée, elle va sentir probablement Celui qui n’est pas debout comme un accusateur qui la regarde de haut mais comme un petit qui est tout proche et qui garde silence.

Comme ils persistent à l’interroger, il se redresse, et Jésus est dans la parole rédemptrice, une Parole qui redresse, qui fait passer de l’accusation à la miséricorde. Puis, il va dire à ces hommes : « Celui d’entre vous qui est sans péché, lui jette le premier une pierre », parce que la parole accusatrice trouve toujours son origine dans le péché de l’homme. Il les interpelle sur leur propre fragilité, sur leur propre besoin de miséricorde, et il va à nouveau s’abaisser et continuer à écrire sur le sol. Et on nous dit « qu’ils quittent un à un ».  Et Jésus reste là, seul, avec la femme et lui pose une question : « Femme, où sont-ils donc ? Alors, personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » C’est la première parole de cette femme. Et alors qu’on aurait voulu que Jésus entre dans l’accusation, après être entré deux fois dans l’abaissement et le silence, il donne parole à cette femme qui n’était plus qu’un objet et qui redevient un sujet. Et Jésus va lui dire : « Moi non plus, je ne te condamne pas. » Le Dieu de Jésus Christ n’est pas un Dieu qui condamne, c’est un Dieu qui donne sa vie, c’est un Dieu qui prend le chemin  du salut pour que la miséricorde puisse révéler au genre humain qu’il n’est pas condamné à une éternité de non-reconnaissance mais qu’il est élu pour être épousé par un Dieu qui veut faire corps avec sa chair. « Va, désormais ne pèche plus. » C’est ce à quoi il l’invite, à entrer dans cette nouvelle Alliance.

Évangile : Jean 8, 1-11

1ère lecture : Isaïe 43, 16-21

Psaume 125, 1-6

2e lecture : Philippiens 3, 8-14

TAGS: , , , ,

0 commentaires

Vous pouvez être le premier à laisser un commentaire

Laissez un commentaire