Commentaire du 17 avril 2011 / Pierre Desroches (31e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

Pierre Desroches est prêtre des paroisses St-Pierre Claver et St-Stanislas de Kostka de Montréal / Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.
MUSICIENS/ Tabla : Subir Dev / Composition, guitare, caméra et montage :  Gino Fillion

« Nous vivons dans un siècle de révolte contre la souffrance / Un siècle qui nous appelle constamment à nous élever  / L’abaissement de la Bible est non une consécration à l’échec / Etty Hillesum, une juive en Pologne / Judas, son remords et sa confession / Le Champ-du-Potier. »

– Références pour les textes bibliques (AELF) : http://aelf.org/?date_my=17/04/2011

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Dimanche des Rameaux et de la passion du Seigneur (année A)

Évangile : La Passion de notre Seigneur Jésus Christ  (Mt 26, 14-75; 27, 1-66)

1ère lecture : Le Serviteur de Dieu accepte ses souffrances (Isaïe 50, 4-7)
Dieu mon Seigneur m’a donné le langage d’un homme qui se laisse instruire, pour que je sache à mon tour réconforter celui qui n’en peut plus. La Parole me réveille chaque matin, chaque matin elle me réveille pour que j’écoute comme celui qui se laisse instruire. Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats. Le Seigneur Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.

Psaume 21, 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a
R/ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

Tous ceux qui me voient me bafouent,
ils ricanent et hochent la tête :
« Il comptait sur le Seigneur : qu’il le délivre !
Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami ! »

Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m’entoure.
Ils me percent les mains et les pieds ;
je peux compter tous mes os.

Ils partagent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.
Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin :
ô ma force, viens vite à mon aide !

Mais tu m’as répondu !
Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée.
Vous qui le craignez, louez le Seigneur.

2ème lecture : Abaissement et glorification de Jésus (Philippiens 2, 6-11)
Le Christ Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, il n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu’au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est le Seigneur », pour la gloire de Dieu le Père.

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Commentaire du 17 avril 2011 (31è) – Dimanche des Rameaux (année A)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

La Passion du Christ : « J’ai péché en livrant à mort un innocent. »

L’abbé Pierre Desroches

Bonjour ! On se retrouve dans un grand dimanche, celui des Rameaux, un dimanche qui me parle beaucoup pour toutes sortes de raisons que je n’aurai pas le temps de vous décrire. Mais le dimanche où on fait cette belle lecture de la Passion peut nous faire réfléchir sur différentes réalités que l’on n’avale pas comme ça, comme si ça allait  de soi. Et une des première, c’est la Première Lecture qui l’aborde qui nous dit  que le Serviteur de Dieu va accepter ses souffrances. On est plutôt dans un siècle où nous sommes révoltés contre les souffrances, où la souffrance peut nous interroger sur l’existence même de Dieu. De voir des gens qui peuvent accepter leurs souffrances, on peut penser que ce sont des faibles, que ce sont des gens qui ne sont pas dans la réalité, alors que toute l’expérience que va vouloir nous communiquer cette Première Lecture qui est tirée du Livre d’Isaïe, va venir fouetter notre humanité. Est-ce que les souffrances ont quelque chose de bon à nous apprendre ? Est-ce que les souffrances ont quelque chose de réel à nous dire ? Quel est notre rapport avec notre souffrance et la souffrance de nos frères ?

Dans la seconde lecture on va nous parler d’abaissement. Ce n’est pas non plus une réalité qui est très proche de ce siècle qui nous appelle constamment à nous élever, à prendre des chemins de gloire, d’accomplissement et de réussite. Je ne crois pas que ce thème de l’abaissement dans la Bible veut nous dire de nous consacrer à l’échec. Je pense que ce thème de l’abaissement est justement un chemin qui nous est proposé pour des victoires fondamentales et on ne peut pas les accomplir si on ne découvre pas cette sagesse. Dans les Jours Saints, c’est un moment très favorable pour méditer sur toute cette réalité qui est bouleversante car elle ne va pas du tout avec notre première nature. Elle ne peut aller qu’avec une nature acquise, une nature reçue dans un long cheminement qu’on peut obtenir par ce que l’on vit en Église. J’ai lu il y a quelques années sur une personne qui a écrit son journal, jour après jour, qui était juive en Pologne Etty Hellisum et qui va faire l’expérience d’une nouvelle nature qu’elle va acquérir à travers cet événement qu’on peut dire horrible de la persécution des Juifs. Mais, si on la suit au jour le jour, on voit comment que, peu à peu la rencontre de la découverte du Christ vient elle aussi la transfigurer.

J’aimerais aborder avec vous une section du texte de la Passion, une section qui m’a toujours passionné qui est celle de Judas. Alors Judas va mourir, et parmi les apôtres il va être le premier  qui va avoir cette expérience de mort. Et on dit que « le matin étant arrivé, tous les chefs des prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus pour le faire condamner à mort. » C’est un Conseil dont l’intention est très claire, on veut obtenir la mort de Jésus qui dérange. Et tout de suite après on dit : « Après l’avoir ligoté, ils l’emmenèrent pour le livrer à Pilate, le gouverneur. Alors Judas, le traître, fut pris de remords en le voyant condamné» C’est déjà une première parole qui nous dit que Judas est confronté à une réalité à laquelle il ne s’attendait pas, il est pris dans les remords devant la condamnation de Jésus, condamnation qui est faite par le gouverneur parce que c’était un pouvoir politique et ce n’était que le pouvoir politique qui avait cette possibilité de condamner Jésus à mort, parce qu’on ne reconnaissait plus au pouvoir religieux ce droit dans la société de l’époque. 

 « Judas rapporta les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens et leur dit : ‘ J’ai péché en livrant un sang innocent ‘.  Ce qui me frappe aussi, c’est que Judas est le premier apôtre à prendre cette formule qu’on est habitué à prendre lorsqu’on se confesse. « Pardonnez-moi mon Père, parce que j’ai péché ». Et Judas dit : « J’ai péché en livrant un sang innocent ». Il y a une vérité extraordinaire que Judas est en train de reconnaître et il y a déjà dans cette attitude une certaine humilité de reconnaître qu’il a fait une faute grave. Je me souviens d’un temps où on disait « un péché mortel ». Notre ami Judas est aux prises avec un péché mortel, un péché mortel qu’il avoue et qu’il reconnaît. Un peu pour dire qu’il n’a rien à voir avec, il rapporte les bénéfices qu’il avait reçus d’avoir livré Jésus. Une autre réalité intéressante c’est celle de se poser la question : « Qui a livré Jésus » ? Certains diront, c’est Judas, d’autres diront, c’est Pilate, mais Jésus va dire : « Ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne. J’ai le pouvoir de la donner et j’ai le pouvoir de la reprendre ». Et à chaque eucharistie, on dit au moment de la consécration : « Prenez et buvez-en tous, car ceci est mon sang livré pour vous. » Pour moi la grande question c’est : est-ce que Jésus s’est livré lui-même ? Est-ce que Jésus est livré par  le Père ? Est-ce que l’Évangile veut, à travers cette réalité-là, nous faire saisir quelque chose ?

Mais les grands prêtres ne veulent pas reprendre l’argent et ils disent à cette confession de Judas : « peu nous importe, que nous importe, à toi de voir ». C’est comme ces prêtres de la Loi ne pouvait absolument pas recevoir la conscience de cet homme qui est profondément troublé et qui est profondément renversé par ce qu’il est en train de vivre et de ce qui est en train d’arriver à Jésus Christ. Et on nous dit que « Judas va se retirer et va aller se pendre après avoir jeté les pièces d’argent dans le sanctuaire. » Je trouve intéressant que dans le sanctuaire se trouvent des prêtres qui viennent de les refuser et qui vont être pris pour les ramasser puisqu’ils sont les seuls autorisés pour aller dans le sanctuaire. Après délibération, après réflexion, ils vont dire : « on ne peut pas enrichir le trésor ». Le trésor de ces prêtres, c’était la Loi. Et la Loi ne peut pas vivre avec des zones grises; elle est dans le permis ou le défendu. « Il n’est pas permis de le verser au trésor » ce sont des hommes de la Loi qui parlent, et ils décident d’acheter le Champ-du-potier comme lieu de sépulture pour les étrangers. Les étrangers n’avaient pas de place pour mourir, ils n’étaient pas bienvenus dans le cimetière commun et cet argent va ouvrir ce champ pour les étrangers. Je pense que dans la foi et dans la richesse de la tradition chrétienne le champ qui a été ouvert pour les étrangers, c’est le sacrement du pardon. Et on voit dans cette Parole et ce passage, des prêtres passer de prêtres de la Loi à des prêtres de la miséricorde parce qu’ils font un lieu pour accueillir le pécheur qui veut mourir au péché plutôt que de lui dire « que nous importe, à toi de voir ». Je vous invite à continuer cette réflexion sur la personne de Judas, vous le retrouverez dans ces textes de ce dimanche des Rameaux.

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