Commentaire du 14 août 2011 / Pierre Desroches (48e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses St-Pierre Claver et St-Stanislas de Kostka de Montréal. Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.
– Gino Fillion :
caméra et montage.

« Nous sommes appelés à plus d’unité dans nos différences entre peuples / Une réalité transformée en rapport avec la pratique religieuse / L’espérance de Paul envers son peuple / Le démon apporte la notion de division, de tourment / Le geste de prosternation de la femme en est un de reconnaissance. »

– Références pour les textes bibliques (AELF) : http://aelf.org/?date_my=14/08/2011

—————————————————————————————————————-

Évangile : Jésus exauce la prière d’une étrangère (Matthieu 15, 21-28)
Jésus s’était retiré vers la région de Tyr et de Sidon. Voici qu’une Cananéenne, venue de ces territoires, criait : « Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon. » Mais il ne lui répondit rien. Les disciples s’approchèrent pour lui demander : « Donne-lui satisfaction, car elle nous poursuit de ses cris ! » Jésus répondit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël. » Mais elle vint se prosterner devant lui : « Seigneur, viens à mon secours ! » Il répondit : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens. – C’est vrai, Seigneur, reprit-elle ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » Jésus répondit : « Femme, ta foi est grande, que tout se fasse pour toi comme tu le veux ! » Et, à l’heure même, sa fille fut guérie.

 

1ère lecture : Dieu accueille les étrangers qui viennent le prier (Isaïe 56, 1.6-7)
Parole du Seigneur : Observez le droit, pratiquez la justice. Car mon salut est approche, il vient, et ma justice va se révéler. Les étrangers qui se sont attachés au service du Seigneur pour l’amour de son nom et sont devenus ses serviteurs, tous ceux qui observent le sabbat sans le profaner et s’attachent fermement à mon Alliance, je les conduirai à ma montagne sainte. Je les rendrai heureux dans ma maison de prière, je ferai bon accueil, sur mon autel, à leurs holocaustes et à leurs sacrifices, car ma maison s’appellera « Maison de prière pour tous les peuples ».

 

Psaume 66, 2b-3, 5abd, 7b-8

R/ Dieu, que les peuples t’acclament ! Qu’ils t’acclament, tous ensemble !

Que ton visage s’illumine pour nous ;
et ton chemin sera connu sur la terre,
ton salut, parmi toutes les nations.

Que les nations chantent leur joie,
car tu gouvernes le monde avec justice ;
sur la terre, tu conduis les nations.

Dieu, notre Dieu, nous bénit.
Que Dieu nous bénisse,
et que la terre tout entière l’adore !

2ème lecture : Le rôle des Juifs dans la nouvelle Alliance (Romains 11, 13-15, 29-32)
Frères, je vous le dis à vous, qui étiez païens : dans la mesure même où je suis apôtre des païens, ce serait la gloire de mon ministère de rendre un jour jaloux mes frères de race, et d’en sauver quelques-uns. Si en effet le monde a été réconcilié avec Dieu quand ils ont été mis à l’écart, qu’arrivera-t-il quand ils seront réintégrés ? Ce sera la vie pour ceux qui étaient morts ! Les dons de Dieu et son appel sont irrévocables. Jadis, en effet, vous avez désobéi à Dieu, et maintenant, à cause de la désobéissance des fils d’Israël, vous avez obtenu miséricorde ; de même eux aussi, maintenant ils ont désobéi à cause de la miséricorde que vous avez obtenue, mais c’est pour que maintenant, eux aussi, ils obtiennent miséricorde. Dieu, en effet, a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire miséricorde à tous les hommes.

———————————————————————————————————

Commentaire du 14 août 2011 (48è) – 20e dimanche du temps ordinaire
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

Jésus exauce l’étrangère qui sait d’abord être reconnaissante

L’abbé Pierre Desroches

Mes amis, c’est agréable de vous recevoir dans mon repos. Je suis dans un contexte où je prêche à des prêtres du diocèse de Québec. Ils me font découvrir des lieux de repos qui sont les leurs, et il est agréable de  pouvoir les partager. Aujourd’hui, la première Parole va nous inviter à aller nous reposer avec les étrangers et elle va nous faire un appel à pratiquer la justice et le droit. Vous savez comment, très facilement, de façon très humaine on va être porté à privilégier les nôtres. Dieu nous invite à privilégier les siens et personne n’est exclu de ses privilèges. Dieu aime chacun de manière unique et reconnaît en chacune une image de son Fils.

« Que mon salut approche, il vient, et ma justice va se révéler. » Je suis un prêtre de Montréal. Vous comprendrez qu’à Montréal, dans les dernières décennies, ce sont un peu toutes les nations qui sont venues comme citoyens dans la Cité et parmi ces citoyens nouveaux, pour nous qui sommes d’origine, il y a des cultures excessivement différentes, certaines avec lesquelles on se sent plus proche, d’autres qui exigent de nous une ouverture qui n’est pas encore advenue mais qui peut advenir si nous acceptons de nous laisser déranger, de nous laisser interpeller et surtout de découvrir ces personnes, ces histoires, et ces peuples qui viennent chez nous pour trouver une vie nouvelle. C’est à travers ces rencontres que Dieu est en train de nous accomplir je dirais.

« Les étrangers qui se sont attachés au service du Seigneur pour l’amour de son nom et sont devenus ses serviteurs, à tous ceux qui observent le sabbat. » Dieu veut leur faire une maison qu’il va appeler « Maison de prière », c’est un beau nom; « Maison de prière pour tous les peuples ». Je pense que notre temps et notre époque sont appelés à cette réalité parce que si nous prions chacun de notre côté dans nos églises, nous risquerons de faire des luttes qui ne seront plus des luttes d’unité mais des luttes où dominera l’injustice et que le droit ne pourra pas être reconnu pour les uns comme pour les autres. C’est un choix, et pour pouvoir y parvenir il faut être déterminé car rien de tout cela ne peut s’accomplir par lui-même.

Dans la Lettre aux Romains, Paul parle à ses frères païens. Je trouve l’expression très bonne : « moi qui suis devenu apôtre des païens ». Vous comprendrez, j’aurais pu rêver être un prêtre qui se serait mis à servir les pratiquants dominicaux qui viendraient abondants dans l’Église, mais toute cette réalité s’est profondément transformée. Elle serait une illusion de ma part que de croire que le service auquel Dieu m’a convoqué est un service exclusif. Alors, Paul qui a renoncé à toute cette réalité du judaïsme pour devenir l’Apôtre des nations, est allé présenter aux nations ce qui était comme refusé par ses frères de sang, de spiritualité. Son être a connu un grand déplacement. Je pense que nous aussi on a à expérimenter ce grand déplacement. « J’aimerais bien parmi vous, dit-il, en sauver quelques-uns, ce qui serait ma gloire, ce qui serait ma joie » pour tous ces renoncements que j’ai faits. « Si en effet le monde a été réconcilié avec Dieu quand ils ont été mis à l’écart qu’arrivera-t-il quand ils seront réintégrés ? » Alors là c’est très beau de voir la fidélité de Paul, son désir et son espérance, non pas que son peuple soit jugé et condamné mais que son œuvre soit réintégré à cette grande œuvre de salut qui s’accomplit d’abord par Dieu et qui s’accomplit d’abord  par Jésus Christ, lui qui n’en est que le serviteur.

Mes amis, dans l’évangile, on va retrouver Jésus qui va guérir une étrangère. Peut-être qu’on aurait d’abord le désir de guérir d’abord nos semblables et nos proches. Jésus est justement dans une région où se trouvent beaucoup d’étrangers : Tyr et Sidon, des pays qui nous interpellent grandement encore aujourd’hui, des pays dont j’entends souvent la crainte. Lorsque j’en parle, j’entends beaucoup de craintes. J’habite la région de Montréal qui s’appelle le petit Maghreb. Ce n’est évidemment pas proche de Tyr et de Sidon mais dans la mentalité et dans l’expérience religieuse qu’est l’Islam, ce sont des mentalités qui se ressemblent. Il y a une de ces femmes qui vient le voir et qui lui dit : « Aie pitié de moi Seigneur, Fils de David, ma  fille est tourmentée par un démon ». Une expression qu’on ne serait peut-être pas porté à prendre à notre époque, que je pourrais traduire simplement par « Ma fille est tourmentée par de grands malaises, par le grand mal ». Mais l’expression « démon » peut exprimer une réalité assez concrète. C’est : ma fille est divisée en elle-même, ma fille n’est pas elle-même, il y a quelque chose qui l’habite, qui la tourmente. Alors aie pitié de moi parce que mes limites sont atteintes, parce que je ne sais plus quoi faire, parce que personne sait quoi faire avec ma fille ». Et Jésus ne lui répond pas.

C’est intéressant de voir les disciples s’approcher pour dire « donne-lui satisfaction parce qu’elle nous poursuit de ses cris ! » Ce n’est pas beaucoup par amour pour cette femme que les disciples veulent que Jésus lui donne satisfaction, c’est parce que ses cris les dérangent. Ils voudraient avoir la paix, ils voudraient être affranchis. C’est comme si « leurs démons » deviennent cette femme qui vient les diviser en eux-mêmes. Et Jésus répond : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël. » « Mais elle vint se prosterner devant lui. » Et le geste de prostration n’est pas un geste de domination mais c’est un geste de reconnaissance, c’est de savoir que celui qui est devant toi est plus grand que toi. Et elle dit : « Seigneur, viens à mon secours ! » Et lui de dire : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens.» Mais elle, de lui répondre : « C’est vrai, Seigneur, mais justement les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres » Sa reconnaissance, elle est profondément vraie et Jésus entend très bien cette femme qui va le faire bouger. Et c’est un signe pour nous, que nous sommes nous aussi appelés à bouger à travers tous ces cris qui viennent nous déranger, qu’on voudrait peut-être faire taire pour ne plus les entendre. Alors Jésus va reconnaître ce qu’il y a dans cette femme et il va lui dire : « femme, ta foi est grande, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » Ta volonté peut s’accomplir parce que ta volonté est la volonté même de Dieu. Ne crains pas dans ce que tu portes et dans ce désir qui t’habite. Jésus est prêt à être fatigué longtemps mais Jésus rencontre, se lie et confirme ce qui habite cette étrangère. On va demander nous aussi cette capacité de pouvoir les rencontrer pour les confirmer et être confirmés par eux. Bonne semaine.

TAGS: ,

0 commentaires

Vous pouvez être le premier à laisser un commentaire

Laissez un commentaire