Commentaire du 13 janvier 2013 / Guylain Prince (3e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

– Guylain Prince est franciscain et bibliste résidant à Trois-Rivières. En plus de conférences, retraites et formations diverses fondées sur les Écritures, il présente des concerts avec les ensemble vocaux de type Gospel qu’il dirige à Joliette et Trois-Rivières.

– Gino Fillion : caméra, montage visuel et arrangements des cordes sur une chanson de Guylain Prince « Apprends-moi à l’aimer » sur l’album PAR-DELÀ LES FRONTIÈRES disponible sur : http://www.maisonintercd.com/

– Références bibliques : http://aelf.org/

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Évangile : L’Esprit Saint et le Père au baptême de Jésus (Luc 3, 15-16.21-22)
Or, le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Messie. Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu. Comme tout le peuple se faisait baptiser et que Jésus priait, après avoir été baptisé lui aussi, alors le ciel s’ouvrit. L’Esprit Saint descendit sur Jésus, sous une apparence corporelle, comme une colombe. Du ciel une voix se fit entendre : « C’est toi mon Fils : moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. »

1ère lecture : « Voici l’eau, venez et vous vivrez » (Isaïe 40, 1-5.9-11)
« Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. Parlez au cœur de Jérusalem et proclamez que son service est accompli, que son crime est pardonné, et qu’elle a reçu de la main du Seigneur double punition pour toutes ses fautes. » Une voix proclame : « Préparez à travers le désert le chemin du Seigneur. Tracez dans les terres arides une route aplanie pour notre Dieu. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées, les passages tortueux deviendront droits, et les escarpements seront changés en plaine. Alors la gloire du Seigneur se révélera et tous en même temps verront que la bouche du Seigneur a parlé. » Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle à  Sion. Élève la voix avec force, toi qui portes la bonne nouvelle à  Jérusalem. Élève la voix, ne crains pas. Dis aux villes de Juda : « Voici votre Dieu. » Voici le Seigneur Dieu : il vient avec puissance et son bras est victorieux. Le fruit de sa victoire l’accompagne et ses trophées le précèdent. Comme un berger, il conduit son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, et il prend soin des brebis qui allaitent leurs petits.

Psaume 103, 1-4, 24-25, 27-30

R/ L’eau et l’Esprit te rendent témoignage, Seigneur de gloire !

Revêtu de magnificence,
tu as pour manteau la lumière !
Comme une tenture, tu déploies les cieux,
tu élèves dans leurs eaux tes demeures.

Des nuées, tu te fais un char,
tu t’avances sur les ailes du vent ;
tu prends les vents pour messagers,
pour serviteurs, les flammes des éclairs.

Quelle profusion dans tes œuvres, Seigneur !
La terre s’emplit de tes biens.
Voici l’immensité de la mer,
son grouillement innombrable d’animaux grands et petits,

Tous, ils comptent sur toi
pour recevoir leur nourriture au temps voulu.
Tu donnes : eux, ils ramassent ;
tu ouvres la main : ils sont comblés.

Tu caches ton visage : ils s’épouvantent ;
tu reprends leur souffle, ils expirent
et retournent à leur poussière.
Tu envoies ton souffle : ils sont créés ;
tu renouvelles la face de la terre.

2ème lecture : Par le bain du Baptême (Tite 2, 11-14 ; 3,4-7)
La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. C’est elle qui nous apprend à rejeter le péché et les passions d’ici-bas, pour vivre dans le monde présent en hommes raisonnables, justes et religieux, et pour attendre le bonheur que nous espérons avoir quand se manifestera la gloire de Jésus Christ, notre grand Dieu et notre Sauveur. Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien. Dieu, notre Sauveur, a manifesté sa bonté et sa tendresse pour les hommes ; il nous a sauvés. Il l’a fait dans sa miséricorde, et non pas à cause d’actes méritoires que nous aurions accomplis par nous-mêmes. Par le bain du baptême, il nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. Cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous avec abondance, par Jésus Christ notre Sauveur ; ainsi, par sa grâce, nous sommes devenus des justes, et nous possédons dans l’espérance l’héritage de la vie éternelle.

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Commentaire du 13 janvier 2013 (127e) – Baptême du Seigneur (année C – Saint Luc)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

Voici l’eau, venez et vous vivrez

Le père Guylain Prince, ofm.

Nous nous retrouvons après le temps des Fêtes comme d’habitude le deuxième dimanche de chaque mois. Alors, il me fait plaisir de vous accueillir encore une fois ici chez les Franciscains de Trois-Rivières dans le beau Musée du Père Frédéric, et donc, nous commençons l’évangile de ce dimanche qui est celui du baptême du Seigneur pris dans l’Évangile de Luc. Juste quelques petits repères d’abord avant de commencer plus en profondeur sur ce texte-là qui est très beau d’ailleurs. Le premier point, c’est que le Baptême dans l’évangile de Luc n’est pas au début de l’évangile contrairement à l’évangile de Marc. Le  Baptême de Jésus c’est ce qui commence l’Évangile de Marc. L’Évangile de Luc s’intéresse à la genèse de Jésus, et donc, il va prendre deux chapitres à raconter la naissance de Jean-Baptiste et sa propre naissance ainsi ce qui prépare la venue. On est déjà dans l’évangile bien entré, on a déjà eu une généalogie, on est déjà situé globalement, historiquement. Voici que Jésus entre dans une démarche très étonnante. D’ailleurs, d’un point de vue historique, c’est très intéressant que Jésus qui est considéré comme un prophète plus grand que Jean-Baptiste choisit d’entrer dans le geste d’un prophète plus petit. Ce n’est pas sans causer une certaine difficulté dans l’explication. On voit l’Évangile de Jean qui est pris pour expliquer comment se fait-il que Jésus qui est plus grand que Jean-Baptiste se fait baptiser par lui, ce qui rend le baptême de Jésus par Jean-Baptiste un fait historique indéniable parce qu’il y a l’élément d’inconfort. On est pris pour expliquer comment se fait-il que Jésus s’est fait baptiser par plus petit que Lui ? Cet élément-là est très intéressant, ça nous aide à comprendre jusqu’où va l’Incarnation et déjà, ça nous annonce le Baptême de Jésus, nous annonce la mort de Jésus, c’est-à-dire la descente du Christ jusque dans les tréfonds de notre humanité.

Mais, avant de parler de cela d’une façon un tout petit peu plus directe, il est très intéressant de noter que le Terre sainte est une terre, surtout dans la section-sud où l’on se trouve, désertique. La Galilée est un peu plus verte, un peu plus fertile. D’ailleurs il y a une très belle grande vallée qui traverse d’est en ouest, et, à l’époque elle était très cultivée et l’est encore aujourd’hui, c’est très beau. La Galilée en terme de montagnes ça ressemble un peu à nos Laurentides. Ce n’est pas très élevé, avec de belles petites vallées, on peut imaginer assez bien. Mais le sud du pays, quand on part de Jérusalem on peut dire de la Samarie en allant vers le sud ou l’extrême-sud du pays, c’est carrément une zone désertique, mais ce n’est pas un désert stérile comme il existe des déserts de sel où rien ne pousse, comme il existe un Sahara où finalement il y a très peu de choses avec le sable. La Terre Sainte, ce n’est pas ça, c’est une terre riche sur laquelle il ne tombe aucune eau. Ça veut dire que lorsqu’arrive la période de l’hiver, la saison des pluies là-bas, il ne faut pas s’inquiéter trop parce que la saison des pluies à Jérusalem et le désert de Judée veut dire qu’il pleut entre six heures et six heure-trente le soir. Ce qui est important de saisir, c’est que cette pluie-là va faire fleurir littéralement les montagnes désertiques d’hier, aujourd’hui elles sont vertes, remplies de petites fleurs, de petites pousses. C’est qu’en fait, il manque tout simplement de l’eau et lorsqu’il manque d’eau sur de très longues périodes la terre devient très dure au point où l’eau ne pénètre pas le sol du tout. Si l’eau pénétrait le sol, il y aurait beaucoup moins de problèmes, mais là, elle ne réussit pas à entrer dans le sol si bien qu’elle va couler en superficie et qu’elle va rester à la surface ce qui fait que, quand on va dans le désert de Judée on est étonné, on a l’impression qu’il n’y a que des traces d’eau, de ruisseaux, on voit clairement des cascades sur  les montagnes, on voit clairement dans le fond des cours d’eau qui coulent. Pourquoi ? Un peu comme quand on utilise un parapluie à l’envers, le parapluie est large mais au centre, il y a beaucoup d’eau qui se concentre.

C’est ça le paradoxe du baptême. Le paradoxe du baptême, c’est le fait qu’un être qui habite une zone désertique va s’immerger complètement dans l’eau ce qui est quelque chose de précieux et de rare. Si on n’a pas accès à un cours d’eau comme le Jourdain dans ce cas-ci, on ne peut pas faire ça, s’immerger dans l’eau, on ne peut pas se laver de cette manière-là. Bien sûr, on utilise l’eau avec beaucoup de parcimonie, on fait très attention, on la ménage comme on disait autrefois, si bien qu’on va faire sa toilette quotidiennement, on a six litres d’eau pour boire, et pour faire sa toilette pour les gens normaux, ça inclus nettoyer ses mains lorsqu’on va à un repas pour les Juifs. On garde l’eau, elle est précieuse, on ne la gaspille pas et là soudainement on arrive dans un rituel parallèle, il ne faut jamais l’oublier, ce n’est pas le rituel officiel du Temple de Jérusalem. On parle d’un rituel original d’un prophète marginal parce que les Autorités juives n’osent pas dire que Jean-Baptiste est un authentique prophète, parce que, comme le dit l’Évangile, s’ils disent que c’est un authentique prophète on va leur dire « pourquoi vous ne l’avez pas suivi ? ».

Jean-Baptiste a un rituel marginal qui a un grand succès populaire, et ce rituel est précieux. Il immerge des gens dans l’eau dans une région où l’eau est précieuse, très importante et donc, tu fais l’expérience d’être complètement rempli, complètement purifié, nettoyé, ton corps tout entier entre dans une nouvelle vie. Maintenant, ce qui est très important, c’est de distinguer l’eau qui ne bouge pas de l’eau qui bouge. L’eau qui ne bouge pas dans la psychologie d’Israël, c’est le mal, ce sont des monstres marins, c’est une force qu’on ne contrôle pas, ce sont des vagues qui viennent nous surprendre, ce sont des vents qui nous bousculent. L’eau qui ne bouge pas, ce que nous on appelle des lacs, des grands grands lacs ou la mer, c’est inquiétant pour le monde d’Israël, il n’aime pas cette eau-là sinon pour la boire. Elle est inquiétante, elle est remplie, elle est synonyme de mal. L’eau courante, c’est autre chose, l’eau qui bouge, l’eau qui se déplace est synonyme de vie qui se transmet, elle n’est pas inquiétante, on peut la contrôler, on est capable de voir qu’elle arrive avec tel débit, etc… Et c’est pour cela qu’il y a toute une mystique de l’eau avec la traversée de la mer avec Moïse ou la traversée du Jourdain avec Josué dans la première Alliance. L’immersion dans l’eau est la plus belle image que l’on peut avoir de la mort et du salut. C’est-à-dire, je descends esclave ou prisonnier, je descends dans l’eau avec un poids, avec une lourdeur, j’entre dans l’eau qui, à la fois, peut me faire peur et me purifie et j’en ressors libre, vainqueur.

Pourquoi Jésus a besoin de faire cela alors que c’est Celui lui-même qui va franchir les frontières de la mort et ouvrir le chemin pour l’humanité, pour l’Église ? Il est Maître de vie, il est Maître de mort, il est Maître de la Vie éternelle. Pourquoi ? Quelle est l’utilité de vivre ce témoignage, de poser ce geste-là avec Jean Baptiste ?  Il y a deux raisons principales que j’y voie. La première c’est que Jean-Baptiste, par l’Évangile de Luc, et je dirais par les évangélistes en général, est présenté un petit peu comme l’aboutissement de la première Alliance. C’est le dernier des Prophètes, peut-être pas le plus grand, mais c’est celui qui précède la grande réalisation du salut. Si bien qu’en faisant cela Jésus endosse toute son histoire, l’histoire d’Israël, l’histoire de son Peuple. Il la fait sienne cette histoire, et ce qui est très intéressant c’est qu’il fait sienne, non seulement l’histoire officielle d’Israël mais il fait sienne aussi une parole et un geste prophétique qui est quand même un courant dans le Peuple de Dieu qui parfois entrait en conflit avec la religion officielle. Mais ce n’est pas la seule chose, il faut aussi ajouter le fait qu’en faisant cela d’une façon plus générale, Jésus indique clairement jusqu’où il va aller dans l’humanité. Dans la mort déjà, il indique qu’il va entrer dans l’Incarnation sans faire semblant, il va y entrer complètement, totalement. L’ouverture de cela c’est le Baptême, la fermeture de cela sera sa mort, le nouveau Baptême, mais toutes les deux vont nous conduire à la liberté et à la vie. C’est merveilleux qu’on fête le Baptême de Jésus en ce début d’année. Alors que le Baptême de Jésus vous inspire cette entrée généreuse, cette réponse mais aussi, le fait de s’abandonner dans sa fragilité dans les bras de Dieu, dans l’eau vivifiante du salut pour en ressortir vainqueur et sauvé. Amen !

Évangile : Luc 3, 15-16.21-22

1ère lecture : Isaïe 40, 1-11

Psaume 103, 1-4.24-25.27-30

2e lecture : Tite 2, 11-14; 3, 4-7

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