Commentaire du 12 février 2012 / Pierre Desroches (76e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

« Une loi religieuse contre la contamination de la lèpre / Avec le temps les lois se durcissent / Jésus ne veut pas être enfermé dans les fausses images messianiques du temps / Le prêtre avait le pouvoir d’exclure ou d’inclure / Mère Marcelle Mallet : l’acceptation de côtoyer les exclus de ce monde et d’être à leur service. »

– Références pour les textes bibliques (AELF) : http://aelf.org/?date_my=12/02/2012

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Évangile : Guérison d’un lépreux (Marc 1, 40-45)
Un lépreux vient trouver Jésus ; il tombe à ses genoux et le supplie : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Pris de pitié devant cet homme, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. » À l’instant même, sa lèpre le quitta et il fut purifié. Aussitôt Jésus le renvoya avec cet avertissement sévère : « Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre. Et donne pour ta purification ce que Moïse prescrit dans la Loi : ta guérison sera pour les gens un témoignage. » Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte qu’il n’était plus possible à Jésus d’entrer ouvertement dans une ville. Il était obligé d’éviter les lieux habités, mais de partout on venait à lui. 

1ère lecture : La loi ancienne sur les lépreux (Lévites 13, 1-2.45-46)
Le Seigneur dit à Moïse et à son frère Aaron : « Quand un homme aura sur la peau une tumeur, une inflammation ou une tache, qui soit une marque de lèpre, on l’amènera au prêtre Aaron ou à l’un des prêtres ses fils. Le lépreux atteint de cette plaie portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se couvrira le haut du visage jusqu’aux lèvres, et il criera : ‘Impur ! Impur !’ Tant qu’il gardera cette plaie, il sera impur. C’est pourquoi il habitera à l’écart, sa demeure sera hors du camp. »

Psaume 101, 2-6.13. 20-21 

R/ N’oublie pas, Seigneur, le cri des malheureux

Seigneur, entends ma prière :
que mon cri parvienne jusqu’à toi !
Ne me cache pas ton visage
le jour où je suis en détresse !

Mes jours s’en vont en fumée,
mes os comme un brasier sont en feu ;
mon cœur se dessèche comme l’herbe fauchée,
j’oublie de manger mon pain.

À force de crier ma plainte,
ma peau colle à mes os.
Mais toi, Seigneur, tu es là pour toujours ;
d’âge en âge on fera mémoire de toi.

Des hauteurs du sanctuaire, le Seigneur s’est penché ;
du ciel, il regarde la terre
pour entendre la plainte des captifs
et libérer ceux qui devaient mourir

2ème lecture : Ne scandaliser personne (1 Corinthiens 10, 31-33; 11, 1)
Frères, tout ce que vous faites : manger, boire, ou n’importe quoi d’autre, faites-le pour la gloire de Dieu. Ne soyez un obstacle pour personne, ni pour les Juifs, ni pour les païens, ni pour l’Église de Dieu. Faites comme moi : en toutes circonstances je tâche de m’adapter à tout le monde ; je ne cherche pas mon intérêt personnel, mais celui de la multitude des hommes, pour qu’ils soient sauvés. Prenez-moi pour modèle ; mon modèle à moi, c’est le Christ.

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Commentaire du 12 février (76è)6e dimanche du Temps Ordinaire (année B)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

Jésus transgresse un interdit de la loi et touche un lépreux

L’abbé Pierre Desroches

Bonjour mes amis, c’est bon de se retrouver. Nous allons nous arrêter sur une Parole qui va nous parler du lépreux, des règles qui existent dans le judaïsme par rapport à cette maladie. Première chose qu’il faut saisir quand on fait la lecture de ces textes, c’est que nous sommes dans un monde, nous, scientifique. Mais cette Parole a été écrite à une période préscientifique. Ce n’est pas du tout la même façon d’agir, de penser ou d’intervenir. Au temps de Jésus et dans l’Ancien Testament, probablement ce qu’on appelle « lèpre » n’est pas nécessairement ce que nous appelons « lèpre ». Évidemment c’est une maladie de la peau qui est contagieuse et il n’y a pas vraiment d’hôpitaux,  il n’en  n’existe pas. Ce n’est pas sûr non plus qu’il y a des médecins et toute la réalité de la maladie est habituellement traitée par le biais de la religion. Le judaïsme va vouloir protéger la société de la contamination et va faire une loi religieuse qui est celle d’inviter les gens qui sont atteints de cette maladie à donner des signes extérieurs clairs qu’il ne faut pas les approcher. Ces gens vont crier « Impurs » et «  impurs », ce que vous allez voir dans la première lecture.

Ce n’est pas tellement un texte à appliquer de façon formelle ni à juger. Il faut essayer de comprendre toute l’évolution de notre monde. Lorsqu’on n’a pas certaines avenues pour traiter une situation grave, on trouve des avenues qui nous permettent de limiter les dégâts. Dans ce cas-là, le lépreux payait très cher parce qu’il était exclus de la cité, il perdait ses droits et se retrouvait complètement en marge. Pour nous c’est très inhumain et effectivement on n’aurait pas vraiment à faire cela puisqu’on a toutes sortes d’autres façons pour  pouvoir intervenir sur les maladies et les irritations de la peau. Donc, on voit un peu ce que vont  vivre au temps de Jésus, ces lépreux qu’il va rencontrer chemin faisant. La Parole nous dit ceci : « Un lépreux vint trouver Jésus; il tombe à ses genoux et le supplie : < Si tu le veux, tu peux me purifier. > Jésus étendit la main, le toucha. » Il y avait une interdiction de la Loi. On n’avait pas le droit de toucher un lépreux, et si on les touchait, on devenait nous-même impur et on était nous aussi exclus. Alors on voit que dans ce geste-là, Jésus va traverser un interdit et il ne mettra pas en pratique ce que la Loi du judaïsme recommande. Probablement, entre le moment où elle a été faite, recommandée, et les pratiques qui s’y sont ajoutées au cours des siècles, il y a dû y avoir une différence. On peut s’apercevoir facilement dans l’histoire des humains, qu’avec le temps, les lois qui, à l’origine, sont souvent très mesurées, se sont durcies et ont pris   toutes sortes de dimensions qui n’appartiennent pas vraiment au sens originel. De toute manière Jésus est reconnu par cet  homme comme pouvant le purifier, pouvant le libérer de cette exclusion, de cet enfermement qu’il doit vivre au quotidien et qu’il souhaite voir disparaître.

Et de notre ami, on dit « qu’aussitôt que Jésus le touche, lui dit : « Je le veux, sois purifié ». À l’instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié. » Et Jésus l’envoie avec un avertissement sévère. « Ne dis rien à personne mais va te montrer au prêtre. » On pourrait interpréter cela de mille et une  manières : « Ne dis rien à personne ». On est dans un texte de Marc. Tout au long du texte de Marc on voit qu’on essaie de protéger ce qu’on appelle : le secret messianique. Jésus ne veut pas qu’on clame qu’il est le Messie. Ce pourquoi il ne veut pas qu’on clame qu’il est le Messie, ce n’est pas parce qu’il veut se cacher, c’est parce qu’il ne veut pas qu’on dise n’importe quoi sur le Messie et il ne veut pas être enfermé dans des images messianiques qui n’ont rien à faire avec le messianisme qui est le sien. Ça ne sera pas un messianisme triomphant mais ce sera un Messie crucifié, ce à quoi personne ne s’attend, et que Jésus probablement voit venir de façon assez claire dans sa vie. Certains vont dire : pourquoi vous dites « que Jésus voit venir ? ». Probablement, c’est qu’il y a des réflexions ces dernières années qui parlent sur la conscience, comment il a pris conscience  de sa mission. Il y a des tendances, c’est pourquoi que j’ajoute le mot  « probablement », mais je ne ferais de longs discours sur cette réalité-là.

De toute manière, ce que j’aimerais vous dire par rapport à ce texte-là aujourd’hui. Le deuxième avertissement, c’est : « Va te montrer au prêtre ». Pourquoi ? C’est pour une raison très simple, c’est que le prêtre avait le pouvoir d’exclure ou d’inclure. C’est un rôle social qui lui était attribué, et c’est lui qui, lorsqu’il y avait apparition d’une certaine maladie de la peau qui pouvait être contagieuse, déclarait que la personne devait se couper de la communauté. Et c’est lui qui avait aussi la responsabilité de dire qu’il était guéri et qu’il n’y avait plus de danger. C’est pour cela que Jésus l’envoie voir le prêtre pour qu’il puisse retrouver sa place, à la fois dans la communauté, mais dans le milieu social parce que dans le judaïsme cette double réalité fait plutôt un que deux. Et il lui dit : « Donne pour la purification ce que Moïse a prescrit dans la Loi. » Jésus n’est pas un hors-la Loi, mais lorsque les lois n’ont plus de sens ou qu’elles ont une application qui vient à l’encontre de l’humanité et du sens du projet de Dieu pour notre monde, Jésus est capable de transgresser des lois qui sont absurdes. Mais en invitant cet homme à suivre ce qui est prescrit par Moïse, il le remet aussi dans l’obéissance et à la sagesse du judaïsme. Une fois parti, cet homme se met à proclamer et  à répandre la nouvelle. Vous remarquerez qu’il y a un mot qui n’est pas là : « bonne »… Ce n’est pas la Bonne Nouvelle qu’il proclame, c’est la nouvelle. Il se met à dire à tout le monde ce que Jésus a fait pour lui tellement il est dans la joie, tellement il est dans la reconnaissance. Donc Jésus ne peut plus entrer de façon ouverte dans les villes parce que la Loi qui avait exclu le lépreux va aussi avoir cet effet sur Jésus qui a osé approcher un lépreux.

Je pourrais vous dire qu’on peut trouver ça très étrange comme réalité. Dernièrement, je lisais la vie de Mère Marcelle Mallet à Québec. Lorsque Mère Mallet, la fondatrice des Sœurs de la Charité de Québec est arrivée à Québec,  pour gagner leur vie les sœurs faisaient beaucoup de lavage, elles allaient visiter les malades. Elles faisaient des tâches ménagères pour aider les familles et, comme il y a eu aussi la maladie du typhus, et qu’il y avait beaucoup de maladies contagieuses, elles ont fini par être fuies des personnes  parce que celles-ci avaient très peur de contracter les maladies du service qu’elles  faisaient gratuitement auprès des gens malades et que personne d’autre n’approchait. Ce qui parfois est passé retrouve des visages dans le monde présent, on y est habitué, on ne le remarque pas mais c’est ainsi que va la vie. Accepter de se donner  ou de s’approcher de ceux qui sont exclus par notre monde risque facilement de faire que celui qui,  librement accepte le service, puisse se retrouver aussi dans les mêmes situations d’exclusion. Une bonne semaine dans toutes les missions qui vous sont confiées !

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