Commentaire du 10 février 2013 / Guylain Prince (4e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page. 

– Guylain Prince est franciscain et bibliste résidant à Trois-Rivières. En plus de conférences, retraites et formations diverses fondées sur les Écritures, il présente des concerts avec les ensemble vocaux de type Gospel qu’il dirige à Joliette et Trois-Rivières.

– Gino Fillion : caméra, musique, montage visuel.

– Références bibliques : http://aelf.org/.

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Évangile : La pêche miraculeuse. La vocation des Apôtres (Luc 5, 1-11)
Un jour, Jésus se trouvait sur le bord du lac de Génésareth ; la foule se pressait autour de lui pour écouter la parole de Dieu. Il vit deux barques amarrées au bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets. Jésus monta dans une des barques, qui appartenait à Simon, et lui demanda de s’éloigner un peu du rivage. Puis il s’assit et, de la barque, il enseignait la foule. Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : « Avance au large, et jetez les filets pour prendre du poisson. » Simon lui répondit : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ton ordre, je vais jeter les filets. » Ils le firent, et ils prirent une telle quantité de poissons que leurs filets se déchiraient. Ils firent signe à leurs compagnons de l’autre barque de venir les aider. Ceux-ci vinrent, et ils remplirent les deux barques, à tel point qu’elles enfonçaient. A cette vue, Simon-Pierre tomba aux pieds de Jésus, en disant : « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur. » L’effroi, en effet, l’avait saisi, lui et ceux qui étaient avec lui, devant la quantité de poissons qu’ils avaient prise ; et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, ses compagnons. Jésus dit à Simon : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. » Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent. 

1ère lecture : Révélation du Dieu Saint et vocation d’Isaïe (Isaïe 6, 1-8)
L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur qui siégeait sur un trône très élevé ; les pans de son manteau remplissaient le Temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. Ils avaient chacun six ailes : deux pour se couvrir le visage, deux pour se couvrir les pieds, et deux pour voler. Ils se criaient l’un à l’autre : « Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur, Dieu de l’univers. Toute la terre est remplie de sa gloire. » Les pivots des portes se mirent à trembler à la voix de celui qui criait, et le Temple se remplissait de fumée. Je dis alors : « Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures : et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l’univers ! » L’un des séraphins vola vers moi, tenant un charbon brûlant qu’il avait pris avec des pinces sur l’autel. Il l’approcha de ma bouche et dit : « Ceci a touché tes lèvres, et maintenant ta faute est enlevée, ton péché est pardonné. » J’entendis alors la voix du Seigneur qui disait : « Qui enverrai-je ? qui sera notre messager ? » Et j’ai répondu : « Moi, je serai ton messager : envoie-moi. » 

Psaume 137, 1-5.7-8

R/ Saint est le Seigneur notre Dieu !

De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce :
tu as entendu les paroles de ma bouche.
Je te chante en présence des anges,
vers ton temple sacré, je me prosterne.

Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité,
car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole.
Le jour où tu répondis à mon appel,
tu fis grandir en mon âme la force.

Tous les rois de la terre te rendent grâce
quand ils entendent les paroles de ta bouche.
Ils chantent les chemins du Seigneur :
« Qu’elle est grande, la gloire du Seigneur ! »

Ta droite me rend vainqueur.
Le Seigneur fait tout pour moi !
Seigneur, éternel est ton amour :
n’arrête pas l’œuvre de tes mains. 

2ème lecture : La tradition de la foi au Christ mort et ressuscité (1 Corinthiens 15, 1-11)
Frères, je vous rappelle la Bonne Nouvelle que je vous ai annoncée ; cet Évangile, vous l’avez reçu, et vous y restez attachés, vous serez sauvés par lui si vous le gardez tel que je vous l’ai annoncé ; autrement, c’est pour rien que vous êtes devenus croyants. Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il a été mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures, et il est apparu à Pierre, puis aux Douze ; ensuite il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois – la plupart sont encore vivants, et quelques-uns sont morts – ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les Apôtres. Et en tout dernier lieu, il est même apparu à l’avorton que je suis. Car moi, je suis le plus petit des Apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre, puisque j’ai persécuté l’Église de Dieu. Mais ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, et la grâce dont il m’a comblé n’a pas été stérile. Je me suis donné de la peine plus que tous les autres ; à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi. Bref, qu’il s’agisse de moi ou des autres, voilà notre message, et voilà votre foi.

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Commentaire du 10 février 2013 (131e) – 5e dimanche du Temps Ordinaire (année C – Saint Luc)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

La pêche miraculeuse qui modifie le regard des apôtres sur Jésus

Le père Guylain Prince, franciscain

Cette semaine nous avons les textes du 5e dimanche du temps ordinaire qui est un extrait de l’Évangile de Luc, la pêche miraculeuse qui est située au chapitre cinq, et en parallèle à cela dans l’Ancien Testament, on a le texte de la vocation d’Isaïe. Et c’est vraiment fascinant la façon dont on parle de ces deux textes-là, et je pense qu’on n’en parle pas assez ou l’on n’en parle pas assez bien.

Je me rappelle très bien l’automne dernier, il y a eu une émission d’Enquête, je crois, et qui parlait du fameux problème du toit du Stade Olympique de Montréal. Et il y a ce qu’on appelle un « patenteux » qui propose une solution complètement différente de tout ce qui a été élaboré jusqu’à maintenant. Lui, il arrive, ce n’est pas un ingénieur, ce n’est surtout pas un ingénieur de très haut niveau qui, normalement sont ceux qui auraient construit ça, lui il est parti du principe que s’il y avait simplement deux nouveaux appuis  sur lesquels on pourrait construire une structure de rails, on pourrait mettre quelque chose qui pourrait se rétracter assez facilement plutôt que d’utiliser le principe de la toile  qui va se ranger dans la tour. Est-ce que l’idée va être retenue, peu importe, mais ce qui est intéressant c’est de voir la réaction des ingénieurs. Il y en a qui avait comme réflexe de dire : « bein là si un patenteux va venir me dire comment faire mon travail », puis vous aviez l’autre ingénieur qui dit « bein coudons ! il est justement arrivé avec un œil neuf sur une situation, il a regardé les choses et finalement son affaire, ça se tient. » C’est une approche complètement différente, c’est quelque chose qui est nouveau, il suffit parfois d’avoir un œil neuf sur quelque chose pour arriver avec des solutions nouvelles ou encore pour toucher une réalité nouvelle.

C’est ça le texte de la pêche miraculeuse. Vous avez des hommes de métier, c’est leur métier, le lac de Galilée, ils le connaissent. Je pense que c’est quelque vingt kilomètres de long par une dizaine de large. Nous quand on va là sur le lac de Galilée comme canadien, on dit, oui, la mer de Galilée c’est un beau grand lac mais de là à appeler cela la mer de Galilée, on n’aurait pas tendance à dire cela. C’est un beau grand lac mais dans un contexte comme celui-là, c’est une mer ce en ce sens, c’est la plus grande étendue d’eau douce qu’il y a dans ce secteur. Ils le connaissent le lac, il est dangereux, il est réputé dangereux, il est capricieux le lac de Galilée ou de Génézareth – on parle toujours de la même chose – mais une fois quand on a dit cela, ces gens-là ils connaissent leur métier, ils ont pêché toute la nuit, ils n’ont rien réussi à attraper, ils arrivent avec leurs filets sur le bord de l’eau, un peu découragé.  Si vous me permettez l’expression, il y a un « piu-piu » qui vient les voir et qui leur dit : « Allez donc pêcher, retournez sur l’eau que vous connaissez, refaites déjà ce que vous connaissez. » À la limite la réaction des apôtres aurait pu être de lui dire : « Mêles-toi de tes affaire, occupe-toi donc de tes affaires,  puis continue à prêcher, ça l’air d’être ton métier ». Ici le texte nous dit que, même avec une certaine résistance, les apôtres vont docilement retourner à la pêche en se disant, de toute façon on n’a rien à perdre. Moi j’attire votre attention sur le « rien à perdre », j’attire votre attention sur le fait que c’est parfois quand on a encore le contrôle des choses qu’on ne laisse pas Dieu entrer dans nos vies. C’est exactement à cet endroit-là, où est-ce qu’on résiste à la grâce, bien souvent avec le plus d’entêtement, c’est quand on pense qu’on sait, qu’on pense qu’on peut résoudre, on pense qu’on peut régler, et quelque part, intérieurement, on ne laisse pas à Dieu le libre accès à notre cœur, le libre accès pour agir dans nos vies. Voici que les disciples font ce que Jésus leur a dit et ça dépasse largement tout ce qu’ils auraient pu espérer d’attraper d’une manière humaine selon leur connaissance, selon leur métier.

Je vous dirai que l’expérience qu’on peut tirer de ça au niveau personnel et au niveau spirituel, c’est que le Seigneur a mis en nous des talents – et c’est vrai, ces talents-là on doit les exercer pour la plus grande  gloire de Dieu, on va dire cela comme ça pour le Royaume – c’est vrai, mais il arrive aussi que dans l’exercice de notre talent, on continue de fonctionner comme si nous étions les maîtres de notre talent, on continue de fonctionner comme si on contrôlait tout, comme s’il fallait qu’on contrôle tout, en oubliant un moment donné de céder à Dieu ce petit espace où l’on a clairement  conscience d’être le collaborateur de Dieu. On est en face de quelqu’un qui nous dépasse largement et que finalement, on s’insère dans une dynamique du Royaume, j’aime bien utiliser l’expression « dans une mouvance du Royaume » où nous sommes en bout de ligne que les collaborateurs de Dieu. Et quelque part quand on perd cette conscience que nous sommes les collaborateurs de Dieu, alors on agit en païens, c’est-à-dire qu’on agit en propriétaires de nos dons, de ce que l’on fait. Ça ne veut pas dire qu’on fait de mauvaises choses, ça veut juste dire que, selon le texte de la pêche miraculeuse, les mêmes dons, les mêmes capacités, lorsqu’ils sont utilisés avec une ouverture à Dieu en même temps, ils sont multipliés par Dieu et qu’ils vont au-delà du rayonnement naturel de ce que nous faisons et de ce que nous sommes. Quand on réussit à saisir que nous sommes les collaborateurs de Dieu, de quelqu’un qui est beaucoup plus grand, et bien à ce moment-là, pour la même personne, ce n’est pas seulement multipliée par deux, par trois, mais par dix, que ses dons, ses qualités rayonnent pour le Royaume d’une façon encore plus manifeste.

C’est ça qui au fond est la grande expérience d’Isaïe. Dans le texte que nous avons, Isaïe est le prophète de ce qu’on a appelé plus tard la Sainteté de Dieu : « Saint ! Saint ! Trois fois Saint! », tel qu’on l’utilise par exemple dans des chants, dans ce qu’on utilise traditionnellement dans le Sanctus, nous vient d’Isaïe : « Saint! Saint! Saint! Le Seigneur Dieu de l’univers ! Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire ! » Ça, c’est du pur Isaïe.  Ce qui fait partie de l’expérience du prophète Isaïe, c’est de comprendre c’est qu’il est petit devant l’immensité de Dieu et que ce Dieu le dépasse très largement. La gloire de Dieu est très au-delà de ce qu’il pourrait voir, comprendre, imaginer. Il n’aura jamais fini de cerner qui est Dieu. Ce que dans la tradition catholique on a appris « un mystère » ça ne veut pas dire que c’est quelque chose qu’on ne peut comprendre. Un mystère, c’est quelque chose qu’on ne finira jamais de comprendre. La Sainteté de Dieu, c’est qu’on saisit quelque chose de Dieu, c’est vrai que, quand on entre en relation avec Dieu il y a quelque chose qu’on comprend de Dieu, mais on n’aboutira jamais, on ne cernera pas la personne de Dieu et c’est ce qui fait que le prophète Isaïe fait à la fois l’expérience de la grandeur de Dieu, de sa petitesse, mais en même temps, de la grandeur de la mission qui lui est confiée parce que Dieu ne reste pas distant, ne reste pas éloigné, ne reste pas objectif, en dehors de Lui. Il va venir jusqu’à toucher ses lèvres, il va venir jusqu’à venir mettre le feu. Le prophète n’est plus seulement habité par sa parole, par son originalité, par sa personnalité, il devient animé de mots, mis en mouvement, l’âme habité par le feu de Dieu, ce qui est le prophète. Alors, ce qui veut dire que ce feu-là, lorsqu’il est rencontré, l’être humain peut ne voir que l’homme mais s’il a les yeux, mais s’il a le second regard, il peut percevoir dans l’homme la Parole qui le dépasse. Il ne s’arrêtera pas même aux défauts du prophète Isaïe, il va voir dans le prophète Isaïe un homme limité mais une Parole qui est illimitée. Dans un homme fini, il va voir, il va sentir le Royaume infini.

C’est ça que les disciples font comme expérience du Christ, c’est qu’ils saisissent soudainement que ce n’est pas seulement un fin finaud qui vient leur dire « regardez, vous avez juste oublié un banc de poissons qui se trouve là, que j’ai vu tantôt; ce n’est pas juste cela, mais c’est qu’à travers ce geste quotidien les disciples font l’expérience de quelqu’un de beaucoup plus grand et ils en arrivent à se poser la question : « Quel est-il celui-là qui vient nous dire, qui veut nous faire réaliser quelque chose qui est même au-delà de nos propres forces, au-delà de toutes nos capacités, de toutes nos habilités, on va dire de tous nos talents de professionnels de la pêche du lac de Tibériade. Alors, c’est que cette rencontre les amène à regarder, pas le poisson, à regarder la personne de Jésus avec un nouveau regard. C’est ça le sens des événements de nos vies qui nous bousculent, c’est ça le sens des événements ou des choses qui nous arrivent et où soudainement on ne comprend pas tout. Ce n’est pas nécessaire qu’on comprenne tout, par contre, c’est important que ces événements-là nous amènent à réévaluer le regard que nous avons sur notre vie mais surtout de réévaluer le regard que nous avons sur  notre vie avec le Christ pour en saisir toute la profondeur, toute la richesse et très certainement l’inspiration que l’Esprit veut venir induire dans nos cœurs. C’est là que se situe véritablement la chance de Dieu, c’est quand quelque chose nous dépasse et qu’enfin qu’on lui laisse un peu de place pour qu’il vienne nous parler d’une manière nouvelle.

Évangile : Luc 5, 1-11

1ère lecture : Isaïe 6, 1-8

Psaume 137, 1-5.7-8

2e lecture : 1 Corinthiens 15, 1-11

 

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2 commentaires

  1. Emmanuelle Côté-Malcolm dit :

    J’aimerais partager mon appréciation des commentaires de Guylain Prince.
    Il m’a tout de suite impressionnée. Avec quelle aise il présente les récits évangéliques et biographies des Saints de façon accessible au peuple.
    Quelle fierté d’avoir une célébrité ecclésiastique de chez-nous, un homme à la personnalité brillante et aux nombreux talents. Félicitation pour votre merveilleux travail !

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