Commentaire du 3 avril 2011 / Pierre Desroches (29e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses St-Pierre Claver et St-Stanislas de Kostka de Montréal. Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.
– Gino Fillion : caméra, montage et musique.

« Les hommes regardent l’apparence mais le Seigneur regarde le cœur / Le roi David a su reconnaître ses péchés / Nous sommes appelés à faire ce qui est bon, à démasquer le mauvais / On est tous des aveugles de naissance / Découvrir que nous sommes des envoyés / Une guérison qui bouscule les certitudes / Ne pas taire notre foi par crainte d’être jugé et condamné. »

– Références pour les textes bibliques (AELF) :  http://aelf.org/?date_my=03/04/2010

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Évangile : L’aveugle-né (Jean 9, 1-41)
En sortant du Temple, Jésus vit sur son passage un homme qui était aveugle de naissance. Ses disciples l’interrogèrent : « Rabbi, pourquoi cet homme est-il né aveugle ? Est-ce lui qui a péché, ou bien ses parents ? » Jésus répondit : « Ni lui, ni ses parents. Mais l’action de Dieu devait se manifester en lui. Il nous faut réaliser l’action de celui qui m’a envoyé, pendant qu’il fait encore jour ; déjà la nuit approche, et personne ne pourra plus agir. Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. » Cela dit, il cracha sur le sol et, avec la salive, il fit de la boue qu’il appliqua sur les yeux de l’aveugle, et il lui dit : « Va te laver à la piscine de Siloé » (ce nom signifie : Envoyé). L’aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait. Ses voisins, et ceux qui étaient habitués à le rencontrer – car il était mendiant – dirent alors : « N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? » Les uns disaient : « C’est lui. » Les autres disaient : « Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble. » Mais lui affirmait : « C’est bien moi. » Et on lui demandait : « Alors, comment tes yeux se sont-ils ouverts ? » Il répondit : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il m’en a frotté les yeux et il m’a dit : ‘Va te laver à la piscine de Siloé.’ J’y suis donc allé et je me suis lavé ; alors, j’ai vu. » Ils lui dirent : « Et lui, où est-il ? » Il répondit : « Je ne sais pas. » On amène aux pharisiens cet homme qui avait été aveugle. Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux. A leur tour, les pharisiens lui demandèrent : « Comment se fait-il que tu voies ? » Il leur répondit : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et maintenant je vois. » Certains pharisiens disaient : « Celui-là ne vient pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. » D’autres répliquaient : « Comment un homme pécheur pourrait-il accomplir des signes pareils ? » Ainsi donc ils étaient divisés. Alors ils s’adressent de nouveau à l’aveugle : « Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ? » Il dit : « C’est un prophète. » Les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme, qui maintenant voyait, avait été aveugle. C’est pourquoi ils convoquèrent ses parents et leur demandèrent : « Cet homme est bien votre fils, et vous dites qu’il est né aveugle ? Comment se fait-il qu’il voie maintenant ? » Les parents répondirent : « Nous savons que c’est bien notre fils, et qu’il est né aveugle. Mais comment peut-il voir à présent, nous ne le savons pas ; et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez grand pour s’expliquer. » Ses parents parlaient ainsi parce qu’ils avaient peur des Juifs. En effet, les Juifs s’étaient déjà mis d’accord pour exclure de la synagogue tous ceux qui déclareraient que Jésus est le Messie. Voilà pourquoi les parents avaient dit : « Il est assez grand, interrogez-le ! » Pour la seconde fois, les pharisiens convoquèrent l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : « Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. » Il répondit : « Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien ; mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et maintenant je vois. » Ils lui dirent alors : « Comment a-t-il fait pour t’ouvrir les yeux ? » Il leur répondit : « Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ? Serait-ce que vous aussi vous voulez devenir ses disciples ? » Ils se mirent à l’injurier : « C’est toi qui es son disciple ; nous, c’est de Moïse que nous sommes les disciples. Moïse, nous savons que Dieu lui a parlé ; quant à celui-là, nous ne savons pas d’où il est. » L’homme leur répondit : « Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Comme chacun sait, Dieu n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire qu’un homme ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. » Ils répliquèrent : « Tu es tout entier plongé dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? » Et ils le jetèrent dehors. Jésus apprit qu’ils l’avaient expulsé. Alors il vint le trouver et lui dit : « Crois-tu au Fils de l’homme ? » Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? » Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. » Il dit : « Je crois, Seigneur ! », et il se prosterna devant lui. Jésus dit alors : « Je suis venu en ce monde pour une remise en question : pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. » Des pharisiens qui se trouvaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent : « Serions-nous des aveugles, nous aussi ? » Jésus leur répondit : « Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : ‘Nous voyons !’ votre péché demeure. »

1ère lecture : Dieu choisit David comme roi de son peuple (1 Samuel 16, 1b.6-7.10-13a)
Le Seigneur dit à Samuel : « J’ai rejeté Saül. Il ne règnera plus sur Israël. Je t’envoie chez Jessé de Bethléem, car j’ai découvert un roi parmi ses fils. Prends une corne que tu rempliras d’huile, et pars ! » En arrivant, Samuel aperçut Éliab, un des fils de Jessé, et il se dit : « Sûrement, c’est celui que le Seigneur a en vue pour lui donner l’onction ! » Mais le Seigneur dit à Samuel : « Ne considère pas son apparence ni sa haute taille, car je l’ai écarté. Dieu ne regarde pas comme les hommes, car les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le coeur. » Jessé présenta ainsi à Samuel ses sept fils, et Samuel lui dit : « Le Seigneur n’a choisi aucun de ceux-là. N’as-tu pas d’autres garçons ? » Jessé répondit : « Il reste encore le plus jeune, il est en train de garder le troupeau. » Alors Samuel dit à Jessé : « Envoie-le chercher : nous ne nous mettrons pas à table tant qu’il ne sera pas arrivé. » Jessé l’envoya chercher : le garçon était roux, il avait de beaux yeux, il était beau. Le Seigneur dit alors : « C’est lui ! donne-lui l’onction. » Samuel prit la corne pleine d’huile, et lui donna l’onction au milieu de ses frères. L’esprit du Seigneur s’empara de David à partir de ce jour-là.

Psaume 22, 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6

R/ Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer.

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom.

Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

2ème lecture : Vivre dans la lumière (Éphésiens 5, 8-14)
Frères, autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes devenus lumière ; vivez comme des fils de la lumière – or la lumière produit tout ce qui est bonté, justice et vérité – et sachez reconnaître ce qui est capable de plaire au Seigneur. Ne prenez aucune part aux activités des ténèbres, elles ne produisent rien de bon ; démasquez-les plutôt. Ce que ces gens-là font en cachette, on a honte d’en parler. Mais quand ces choses-là sont démasquées, leur réalité apparaît grâce à la lumière, et tout ce qui apparaît ainsi devient lumière. C’est pourquoi l’on chante : Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera.

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Commentaire du 3 avril 2011 (29è) – 4e dimanche du Carême (année A)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

L’aveugle-né : notre difficulté à reconnaître l’action de Dieu

L’abbé Pierre Desroches 

Bonjour ! Cette semaine la Parole nous invite à faire l’élection d’un roi, celui qui va régner parce que la Parole de Dieu est adressée à Samuel. Le Seigneur lui dit : « J’ai rejeté Saül. » Samuel est envoyé vers cette famille pour choisir le nouvel élu, celui qui va régner sur Israël. En arrivant, Samuel se dit, « c’est sûrement ce grand fils et qu’il aperçoit : Éliab. », mais ce n’est pas celui que Dieu a choisi. Et on lui présente tous les fils et ce n’est jamais celui que Dieu a choisi et la belle Parole qui nous arrive c’est : « Ne considère pas son apparence ni sa haute taille, car je l’ai écarté. Dieu ne regarde pas comme les hommes, car les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. » Regarder le cœur ça demande des yeux pénétrants, des yeux qui vont au-delà des apparences. Dans notre société on s’est souvent fié à toutes sortes de personnes. Tous ceux qui ont été floués dans les marchés financiers ces dernières années n’avaient pas pu reconnaître à travers même la figure d’un ami, cet appât ou cet appétit que les gens avaient pour l’argent au-delà même des relations qui pouvaient les souder.

Dieu ne regarde jamais par le dehors, il regarde toujours par le dedans et c’est cette première Parole qui va nous dire que celui qui est élu n’est pas nécessairement celui qu’on pense mais c’est celui qui va être capable d’aller jusqu’au bout de la mission. Et on sait très bien que le roi David qui va être choisi, avait de grandes limites et de grands péchés que ne nous cachera pas tout le récit de la Bible et qu’on peut découvrir dans la lecture de ce personnage. Mais on sera toujours attentif à voir que David finit toujours par reconnaitre son péché et de demander au Seigneur de faire de lui un roi qui sera juste pour son peuple. Il s’appuie sur cette alliance, sur cette relation qui lui est proposée par le Seigneur de l’univers.

Dans la deuxième lecture, on nous dit : « Vous étiez dans les ténèbres  et  maintenant, dans le Seigneur, vous êtes dans  lumière. » J’aime beaucoup quand on nous dit : « Ne prenez pas part aux activités des ténèbres, elles ne produisent rien de bon ; démasquez-les. » C’est encore un appel à avoir un regard juste, de ne pas se laisser tromper et d’être capable de démasquer ce qui fait qu’on ne fera rien de bon. Dans les défis, tant de nos réalités parentales, de nos réalités sacerdotales et de nos réalités sociales, nous sommes appelés par vocation comme chrétiens, à faire ce qui est bon. « Cela est juste et bon. » Et pour être capables de le réaliser, il faut être capable de démasquer.

Nous avons ce très long texte de l’aveugle-né qui est une catéchèse extraordinaire sur la foi avec des questions fort pertinentes. Et c’est « en sortant du temple » – déjà pour moi c’est une indication « en sortant du temple ». On sait très bien qu’un jour les chrétiens vont sortir du temple, des synagogues et vont bâtir des nouveaux temples. On est présentement dans un de ces temples, mais le temple de Dieu, ce ne sont pas les pierres, ce sont les pierres vivantes, c’est l’être de l’homme, c’est l’être de la femme, c’est le cœur de l’humanité. C’est là qu’on trouve le temple de Dieu. Et « il y avait sur son passage un homme qui était aveugle de naissance. » On pourrait dire d’une certaine manière qu’on est tous des aveugles de naissance parce qu’il y a quelque chose qu’on n’apporte pas avec nous au moment de la naissance. Nos yeux ont à s’ouvrir sur une réalité qui se découvre peu à peu. Et on a besoin d’être initiés, on a besoin d’être accompagnés et justement, voilà la question que vont poser les apôtres à Jésus. « Pourquoi cet homme est-il né aveugle ? Est-ce à cause de son péché ou de celui de ses parents ? »  Alors comme le vous le voyez, on cherche un responsable, on veut savoir à cause de qui on est témoin de cette tare. Et une réponse très claire de Jésus qui dit : « Ni lui, ni ses parents. Mais l’action de Dieu devait se manifester en lui. » C’est une belle manière d’aborder la réalité des tares humaines de dire que ce n’est pas une  condamnation, mais c’est un lieu de révélation, c’est pour que la révélation de Dieu se fasse à travers cette réalité ténébreuse, pour que puisse resplendir plus fort la lumière du Christ que ces ténèbres.

« Et il nous faut réaliser l’action de Celui qui m’a envoyé. »  On voit tout de suite tout le sens de la venue de Jésus, non pas de venir trouver des responsables ou des coupables,  mais de venir ouvrir un chemin qui va vaincre tout ce qui condamne cette humanité. Et Jésus va donc envoyer cet homme à la piscine et on nous dit que « l’homme y va et il se lava et quand il revint, il voyait ». Le beau nom que porte la piscine, c’est l’ENVOYÉ.    Découvrir que nous sommes des envoyés, découvrir qu’on n’est pas des ratés, découvrir qu’on n’est pas des oubliés, découvrir qu’on n’est pas des  rejetés, qu’on n’est pas des condamnés mais qu’on est des envoyés, ça nous ouvre les yeux sur une toute autre réalité pour bien vivre notre quotidien.

Cet homme revient et il voit et les gens qui étaient habitués à le voir aveugle se mettent à dire : « N’était-ce ce pas lui qui mendiait » parce que beaucoup sur leur chemin le rencontrait dans sa condition. Et d’autres disaient « pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble. » On a toujours beaucoup de difficulté à reconnaître l’action de Dieu et on est toujours porté à prêter cette réalité à quelque chose d’autre, à quelqu’un d’autre, ou à dire que ça n’existe pas. Alors on le revoit dans l’attitude de tous ceux qui forment l’entourage. Mais il y a des gens qui vont être particulièrement dérangés et qui vont emmener cet homme, qui est en train de bousculer nos certitudes, aux pharisiens. Et on conte aux pharisiens l’événement. Les pharisiens vont faire un interrogatoire sur le fait que cet homme qui voit, était supposément aveugle. Et alors ils vont dire : « Qui t’a rendu la vue ? » Et comme cette vision lui a été rendue le jour du sabbat et qu’eux ils font toujours primer la loi sur la vie, ils vont lui dire que « cet homme-là ne peut être le Messie », qu’il ne peut pas être le signe de l’amour et de la présence de Dieu. Et ils vont même rejeter cet homme aveugle qui voit maintenant parce qu’ils rejettent profondément la personne de Jésus Christ. Et l’homme va dire : « je ne sais pas qui il est, mais ce que je sais, ce que je puis dire c’est que j’étais aveugle et que maintenant je vois. » Notre aveugle n’a pas la connaissance très claire encore de Celui qu’il a rencontré, mais il a une expérience qui le fait ne pas douter de celui à qui il a parlé et qui l’a guéri.

Je pense que cette Parole, qui va nous mettre aussi en présence des parents qui ne voudront pas affirmer leur foi par peur d’être rejetés, nous remet dans un contexte d’une société comme la nôtre où parfois on aime mieux taire notre foi par crainte d’être jugés, condamnés et mis à l’écart. Et la dernière Parole que Jésus va recevoir de cet aveugle, qui finalement sera exclu comme lui va l’être, c’est de dire : « Je crois Seigneur » et « il se prosterna devant lui. » Cet homme devient libre. Il n’est plus ce qu’on lui commande d’être mais il devient libre d’être lui-même et d’attester sa propre expérience. C’est ce que je vous invite à devenir capables de faire pour porter une bonne nouvelle à ce monde qui est de plus en plus uniformisé.

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