Commentaire du 28 octobre 2012 / Pierre Desroches (115e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses Saint-Pierre Claver, Saint-Stanislas de Kostka et de Saint-Enfant-Jésus du Mile-End à Montréal (Québec). Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.
– Gino Fillion : composition et interprète de la musique, caméra, mixage et montage visuel.

« La belle profession de foi du fils de Timée / Notre désir de faire taire ceux qui crient leur détresse / Jésus s’arrête à nos cris / Quand le handicap remplace le nom de la personne / L’appel de Jésus qui a besoin de nous / Le manteau que l’aveugle délaisse représente ses fardeaux du passé. »

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Évangile : Guérison d’un aveugle à Jéricho (Marc 10, 46-52)
Tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, un mendiant aveugle, Bartimée, le fils de Timée, était assis au bord de la route. Apprenant que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! » Beaucoup de gens l’interpellaient vivement pour le faire taire, mais il criait de plus belle : « Fils de David, aie pitié de moi ! » Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. » L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus. Jésus lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? — Rabbouni, que je voie. » Et Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » Aussitôt l’homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route. 

1ère lecture : Retour joyeux des rescapés d’Israël (Jérémie 31, 7-9)
Ainsi parle le Seigneur : Poussez des cris de joie pour Jacob, acclamez la première des nations ! Faites résonner vos louanges et criez tous : « Seigneur, sauve ton peuple, le reste d’Israël ! » Voici que je les fais revenir du pays du Nord, et que je les rassemble des extrémités du monde. Il y a même parmi eux l’aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée ; c’est une grande assemblée qui revient. Ils étaient partis dans les larmes, dans les consolations je les ramène ; je vais les conduire aux eaux courantes par un bon chemin où ils ne trébucheront pas. Car je suis un père pour Israël, Éphraïm est mon fils aîné. Parole du Seigneur.

Psaume 125, 1-6

R/ Le Seigneur a fait merveille : nous voici dans la joie.

Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie ;

Alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :
nous étions en grande fête !

Ramène, Seigneur, nos captifs,
comme les torrents au désert.
Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie.

Il s’en va, il s’en va en pleurant,
il jette la semence ;
il s’en vient, il s’en vient dans la joie,
il rapporte les gerbes.

2ème lecture : Jésus, grand prêtre à la manière de Melkisédek (Hébreux 5, 1-6)
Le grand prêtre est toujours pris parmi les hommes, et chargé d’intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu ; il doit offrir des dons et des sacrifices pour les péchés. Il est en mesure de comprendre ceux qui pèchent par ignorance ou par égarement, car il est, lui aussi, rempli de faiblesse ; et, à cause de cette faiblesse, il doit offrir des sacrifices pour ses propres péchés comme pour ceux du peuple. On ne s’attribue pas cet honneur à soi-même, on le reçoit par appel de Dieu, comme Aaron. Il en est bien ainsi pour le Christ : quand il est devenu grand prêtre, ce n’est pas lui-même qui s’est donné cette gloire ; il l’a reçue de Dieu, qui lui a dit : Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré, et qui déclare dans un autre psaume : Tu es prêtre pour toujours selon le sacerdoce de Melkisédek.

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Commentaire du 28 octobre 2012 (115e) – 30e semaine du Temps Ordinaire (année B)

Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

La belle profession de foi de l’aveugle : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! »

L’abbé Pierre Desroches 

Alors mes amis, comme vous le voyez on est toujours au Mont Sutton et on est toujours devant la chapelle qu’on a vue il y a quelques semaines. Aujourd’hui nous allons être devant un texte qui est une catéchèse du baptême de l’Église d’origine. Et comme on est dans l’évangile de Marc, vous savez que ce sont les plus anciens textes que nous avons. Ils sont souvent beaucoup plus courts parce qu’ils ont servi de base pour les autres évangiles qu’on appelle les synoptiques : Marc, Matthieu et Luc.  «Tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, un mendiant aveugle, Bartimée, le fils de Timée, était assis au bord de la route. » La ville de Jéricho est une ville qui est très basse. Elle a plusieurs mètres au-dessous du niveau de la mer. C’est une ville qui, sur le plan symbolique, va nous parler beaucoup d’une dépression, nous parler beaucoup d’une bassesse ou d’un trou. C’est une ville qui pourrait être presque le symbole d’une descente, d’un plongeon dans le vide. Il y a là Bartimée, fils de Timée, qui est assis au bord de la route. C’est une belle expression parce que vous allez voir tantôt, on commence avec la route et on va finir avec la route. Vous allez voir que notre ami « être assis à côté de la route », on disait ça à St-Henri, « être à côté de la trac ». On n’est plus sur la voie, on est à côté, on n’est plus sur le chemin de vie, on est sur le chemin où l’on est en train de se perdre, où l’on ne se trouve pas, on est sur le chemin de la perdition.

« Apprenant que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! » Il y a une belle profession de foi dans ce cri. On peut se chercher dans tellement de choses dans la vie, et ce Bartimée va crier après Jésus. Il y a comme un cri primal, comme un appel à la naissance, un désir d’advenir. Et ce désir-là, il ne l’adresse pas aux gens qui sont autour de lui, la foule, il l’adresse à Jésus. Il a appris que c’était sûrement Jésus parce qu’il a dû le demander parce qu’il ne le voit pas. C’est un mendiant. « Beaucoup de gens l’interpellaient vivement pour le faire taire, mais il criait de plus belle. » On n’aime pas beaucoup les crieurs ou les criards, on n’aime pas ceux qui nous font entendre leur détresse, on n’aime pas toucher le mal qui dévore ou qui éteint les êtres humains. Alors eux, comme ils ne veulent pas l’entendre, ils vont tout mettre en œuvre pour le faire taire, pour qu’ils ne soient plus incommodés par ce cri qui vient profondément les déranger et qui peut-être, atteint aussi le cri qui est en eux-mêmes et qu’ils n’osent pas exprimer. « Ils l’interpellaient vivement mais lui criait de plus belle. » Ça c’est le propre de l’humain. Quand on n’accueille pas le cri d’un être, il n’arrête pas de crier, il ne fait que crier plus fort. C’est la même chose, que ce soit un bébé ou autre, on a besoin d’être reçu, d’être accueilli dans ce qui nous fait mal, parce qu’on a besoin d’en sortir et on sait très bien que seul, on ne peut pas y parvenir. On a toujours cette espérance que l’autre va saisir à travers notre cri ce qu’on n’est pas capable d’exprimer d’une façon audible, avec des mots qui font sens, parce qu’un cri c’est comme une douleur sans mot qui se fait entendre et qui ne se dit pas. « Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » C’est très intéressant parce que Jésus s’arrête à nos cris. Moi je vois souvent sur la rue quand il y a des gens qui quêtent ou quand il y a des gens qui ont l’air d’être en grande difficulté, beaucoup de monde vont traverser de l’autre côté de la rue pour ne pas être confrontés à leurs misères ou à leurs difficultés.

Alors que dans ce texte-là Jésus a une attitude qui est l’inverse. Il s’arrête à son cri comme il s’arrête à mon cri, il s’arrête à nos cris. Nos cris ne le font pas fuir. Et il va dire : « Appelez-le », et il s’adresse à la foule. Souvent ceux qui crient c’est qu’ils n’ont jamais été appelés par leur nom. Ils n’ont jamais été désirés, ils n’ont jamais été reconnus. On n’a pas su leur donner une place ou on a voulu leur en donner mais ils n’ont pas vu ce qu’on leur proposait, ou on n’a pas voulu leur donner une place dans le sens de ce qu’ils sont fondamentalement parce qu’on connaît mal, parce qu’ils sont dans le mal et la souffrance et que ce qu’ils présentent d’eux-mêmes est quelque chose qui fait peur.

Alors Jésus dit à cette foule qui le rabrouait, qui l’interpelait vivement, il leur dit : « Appelez-le». C’est comme toute une attitude de conversion. Souvent dans le monde des personnes handicapées où j’ai travaillé, on a beaucoup plus interpelé les personnes handicapées par leur handicap que par leur nom. Ils ont développé beaucoup la conscience de leurs limites, puis ils ont beaucoup plus développé leur dépendance qu’ils ont développé l’affirmation d’eux-mêmes, qui ont eu l’occasion de se découvrir dans les trésors, les richesses et la lumière qui habitaient leur cœur et leur être, même si leur corps pouvait être enténébré par leurs limites. Alors la foule dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. » Ce sont trois mots qui ont beaucoup de portée. CONFIANCE. Habituellement on se méfie de ceux qui crient. « Confiance », un appel à une attitude toute autre, toute différente. « Lève-toi ». L’être qui crie est souvent un être écrasé, qui ne sait pas comment être debout, qui ne sait plus être debout en lui-même et dans lui-même. « Il t’appelle », c’est tout ce rapport avec Jésus Christ qui Lui te reconnaît, et qui a besoin de toi.

« L’aveugle jeta son manteau, » Je pense que le manteau prend la couleur de tout ce qu’on porte de notre histoire, qu’on a sur nos épaules et qui souvent sont une chape de plomb qui nous empêche justement de nous lever. Aussitôt qu’il sent cet appel, il rejette son manteau. Ça me fait penser beaucoup à mon fils que j’ai adopté quand il avait sept ans, et probablement que le grand manteau qu’il avait sur les épaules, c’était d’être un handicapé. Mais d’avoir été appelé à être mon fils, cette chape d’handicapé a été comme rejetée par en arrière et j’ai vu cet enfant qui était sur son fauteuil, tout croche, se redresser, bondir parce que lorsqu’on est écrasé on ne peut plus rebondir, c’est lorsqu’on est libéré qu’on rebondit. « Il courut vers Jésus. » C’est beau, comme un enfant qui va courir pour se jeter dans les bras du père ou un enfant qui va courir pour aller vers l’amour, l’amour qui le reconnaît, l’amour qui le constitue. Et «  Jésus lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? – Rabbouni, que je voie. » Il y a tellement de choses qu’on ne veut pas voir, il y a tellement de choses qui nous font peur à découvrir et   « Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » L’homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route. » On retrouve la route, lui qui était à côté du chemin, et il va suivre la Voie. Alors c’est une belle catéchèse baptismale parce que c’est l’accomplissement d’un baptême qui fait que l’homme se met debout dans la lumière de son être pour être témoin d’un amour qu’il a reconnu parce que l’amour de Dieu ne nous fait jamais défaut.

Évangile : Marc 10, 46-52
1ère lecture : Jérémie 31, 7-9
Psaume 125, 1-6
2e lecture : Hébreux 5, 1-6

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1 commentaire

  1. ginette st-denis dit :

    Simplement, merci.

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