Commentaire du 13 février 2011 / Pierre Desroches (22e)

Pierre Desroches est prêtre des paroisses St-Pierre Claver et St-Stanislas de Kostka de Montréal.
Gino Fillion : composition, guitare, caméra et montage.

Textes liturgiques © AELF

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Évangile : Sermon sur la montagne. Surpasser la justice des scribes et des pharisiens (Matthieu 5, 17-37)
Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait : « Ne pensez pas que je suis venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Amen, je vous le dis : Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas une lettre, pas un seul petit trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise. Donc, celui qui rejettera un seul de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le Royaume des cieux. Mais celui qui les observera et les enseignera sera déclaré grand dans le Royaume des cieux. Je vous le dis en effet : Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, et si quelqu’un commet un meurtre, il en répondra au tribunal. Eh bien moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère en répondra au tribunal. Si quelqu’un insulte son frère, il en répondra au grand conseil. Si quelqu’un maudit son frère, il sera passible de la géhenne de feu. Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande sur l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande. Accorde-toi vite avec ton adversaire pendant que tu es en chemin avec lui, pour éviter que ton adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison. Amen, je te le dis : tu n’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou. Vous avez appris qu’il a été dit : Tu ne commettras pas d’adultère. Eh bien moi, je vous dis : Tout homme qui regarde une femme et la désire a déjà commis l’adultère avec elle dans son coeur. Si ton oeil droit entraîne ta chute, arrache-le et jette-le loin de toi : car c’est ton intérêt de perdre un de tes membres, et que ton corps tout entier ne soit pas jeté dans la géhenne. Et si ta main droite entraîne ta chute, coupe-la et jette-la loin de toi : car c’est ton intérêt de perdre un de tes membres, et que ton corps tout entier ne s’en aille pas dans la géhenne. Il a été dit encore : Si quelqu’un renvoie sa femme, qu’il lui donne un acte de répudiation. Eh bien moi, je vous dis : Tout homme qui renvoie sa femme, sauf en cas d’union illégitime, la pousse à l’adultère ; et si quelqu’un épouse une femme renvoyée, il est adultère. Vous avez encore appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne feras pas de faux serments, mais tu t’acquitteras de tes serments envers le Seigneur. Eh bien moi, je vous dis de ne faire aucun serment, ni par le ciel, car c’est le trône de Dieu, ni par la terre, car elle est son marchepied, ni par Jérusalem, car elle est la Cité du grand Roi. Et tu ne jureras pas non plus sur ta tête, parce que tu ne peux pas rendre un seul de tes cheveux blanc ou noir. Quand vous dites ‘oui’, que ce soit un ‘oui’, quand vous dites ‘non’, que ce soit un ‘non’. Tout ce qui est en plus vient du Mauvais. »

1ère lecture : « Tu peux observer les commandements » (Siracide 15, 15-20)
Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle. Le Seigneur a mis devant toi l’eau et le feu : étends la main vers ce que tu préfères. La vie et la mort sont proposées aux hommes, l’une ou l’autre leur est donnée selon leur choix. Car la sagesse du Seigneur est grande, il est tout-puissant et il voit tout. Ses regards sont tournés vers ceux qui le craignent, il connaît toutes les actions des hommes. Il n’a commandé à personne d’être impie, il n’a permis à personne de pécher.

Psaume 118, 1-2, 4-5, 17-18, 33-34
R/ Heureux qui règle ses pas sur la parole de Dieu.

Heureux les hommes intègres dans leurs voies
qui marchent suivant la loi du Seigneur !
Heureux ceux qui gardent ses exigences,
ils le cherchent de tout coeur !

Toi, tu promulgues des préceptes
à observer entièrement.
Puissent mes voies s’affermir
à observer tes commandements !

Sois bon pour ton serviteur, et je vivrai,
j’observerai ta parole.
Ouvre mes yeux,
que je contemple les merveilles de ta loi.

Enseigne-moi, Seigneur, le chemin de tes ordres ;
à les garder, j’aurai ma récompense.
Montre-moi comment garder ta loi,
que je l’observe de tout cœur.

2ème lecture : La sagesse de Dieu est ignorée du monde (1 Corinthiens 2, 6-10)
Frères, c’est bien une sagesse que nous proclamons devant ceux qui sont adultes dans la foi, mais ce n’est pas la sagesse de ce monde, la sagesse de ceux qui dominent le monde et qui déjà se détruisent. Au contraire, nous proclamons la sagesse du mystère de Dieu, sagesse tenue cachée, prévue par lui dès avant les siècles, pour nous donner la gloire. Aucun de ceux qui dominent ce monde ne l’a connue, car, s’ils l’avaient connue, ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire. Mais ce que nous proclamons, c’est, comme dit l’Écriture : ce que personne n’avait vu de ses yeux ni entendu de ses oreilles, ce que le coeur de l’homme n’avait pas imaginé, ce qui avait été préparé pour ceux qui aiment Dieu. Et c’est à nous que Dieu, par l’Esprit, a révélé cette sagesse. Car l’Esprit voit le fond de toutes choses, et même les profondeurs de Dieu.

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Homélie du 13 février 2011 (22e) – 6e dimanche du Temps Ordinaire (année A)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q. 

Se faire justice soi-même ou accueillir celle de Dieu ? 

L’abbé Pierre Desroches 

Bonjour ! Il me fait plaisir de vous retrouver. Cette semaine les Paroles vont nous parler de justice, un thème dont j’entends souvent parler dans notre monde qui est très préoccupé par « faire justice ». Et souvent la grande question c’est de savoir si on va se faire justice nous-mêmes ou si on va accueillir la justice qui nous vient de Dieu ? La grande justice de Dieu, c’est Jésus Christ. Alors la Parole va nous permettre de réfléchir un peu sur cette réalité. La première Parole est tirée de Siracide qui  nous dit à peu près ceci : « Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle ». Cette Parole on pourrait l’entendre comme une menace. On a souvent la vision de Dieu que, si on ne fait pas ce qu’il veut, il nous punit. Dieu ne nous a pas appelés à l’existence pour une punition. Je crois que la Parole essaie d’éclairer une autre dimension, la dimension de notre liberté. De penser que Dieu peut faire en sorte que les conséquences de nos choix ne s’accomplissent pas, ce n’est pas ainsi qu’il a appelé notre liberté. Le grand engagement de Dieu, c’est que la mort soit vaincue. Si parfois on la choisit par ignorance, si on la choisit par manque de connaissances, elle ne nous condamne pas, et Lui ne se détourne pas de nous.

Dans cette première lecture on voit différentes images qui vont nous dire : « Le Seigneur a mis devant toi l’eau et le feu : étends la main vers ce que tu préfères ». Alors, c’est sûr que dans la réalité, souvent ce qu’on va toucher, ce qu’on va vivre, ce qu’on va éprouver ne vient pas de Dieu mais de nos choix et il faut prendre au sérieux cette capacité que nous avons de choisir. Élever quelqu’un c’est souvent l’éduquer à faire des choix et si on se substitue à lui pour faire des choix à sa place c’est comme si on évitait qu’il vienne à l’existence, qu’il vienne dans ce qu’il a d’unique, qu’il fasse une expérience dans sa chair qui va lui donner la lumière qu’il aura besoin pour traverser les routes plus éprouvantes qu’il devra emprunter jour après jour ou, année après année.

Dans la lecture de l’Évangile qui est un très long évangile, celui-ci va reprendre différentes images et va aussi nous parler de la justice. « Ne pensez pas que je suis venu abolir la loi la Loi ou les Prophètes ». On regardait vivre Jésus, on entendait parler Jésus, et les scribes et les pharisiens croyaient qu’il était en train de tout détruire le patrimoine qu’ils avaient reçu : La Loi ! On est toujours confronté à la loi. Elle fait partie de nos vies, de nos histoires à différents niveaux, mais dans le christianisme, la Loi c’est Quelqu’un. C’est d’abord une relation, c’est la personne même de Jésus Christ. Être juste selon la Bible, c’est d’être ajusté à Dieu, c’est d’être comme Dieu. La loi ne peut pas, dans sa seule dimension d’Écriture, nous révéler toute cette sagesse que Dieu va nous révéler à travers la personne de Jésus Christ. On ne peut pas être des personnes qui agissent que par des pressions de l’extérieur. Je me souviens, quand j’étais plus jeune, on avait beaucoup de lois qui, avec Vatican II, se sont modifiées. Pour certains de mes contemporains ou de gens plus âgés que moi, ont eu l’impression qu’on avait tout changé la religion. Je pense profondément que ces lois, qui voulaient nous indiquer un chemin, voulaient façonner en nous une nature pour qu’on soit capable de se rendre à Dieu ; si on les considérait comme des absolus plutôt que de nous aider à nous trouver et à faire notre salut, nous aidaient à nous perdre. Et je pense qu’il y a eu une force au moment du Concile où on a voulu remettre certaines dimensions plus à l’heure.

Le Seigneur dit : « Je ne suis pas venu abolir mais accomplir ». Ça veut dire la conduire jusqu’au bout. Souvent, on va facilement arrêter en chemin. Dans nos relations, on va peut-être les fuir, les couper, on va peut-être s’en détourner. Ce n’est pas une manière d’aller jusqu’au bout, c’est une manière de fuir, c’est une manière de ne pas grandir, de ne pas apprendre, de ne pas se laisser transformer. Donc, Jésus va nous inviter à ne rejeter aucun des commandements mais à vivre sous un registre de plus grande conscience.  « Si votre justice ne dépasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans la Royaume de Dieu ». L’enjeu c’est d’entrer dans le royaume de Dieu et ce n’est pas de se faire accroire qu’on est juste et qu’on est parfait, parce qu’à ce moment-là, on va être tourné vers nous et on ne sera plus tournés vers le Dieu de la vie, vers le Dieu qui  constamment nous ouvre, nous transforme et qui est en train de  nous créer pour faire de nous des êtres nouveaux.

Alors, la Parole nous dit : « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : « Tu ne commettras de meurtre, et si tu commets un meurtre, tu en répondras au tribunal. Et moi je vous dis que tout homme qui se met en colère contre son frère en répondra au tribunal ». Ça peut être effrayant d’accueillir cette Parole, ça peut être très culpabilisant, mais nous sommes invités à la découvrir dans notre expérience. On a tous des expériences de colère. On a tous été en colère vis-à-vis nos frères, nos parents, vis-à-vis les autorités, et chacun de nous sait très bien que dans la colère on n’est pas dans un état de grande détente, on n’est pas dans un état de grande confiance et on est dans un état souvent très destructif, et que pour sortir de la colère, pour aller dans un ailleurs, il faut arriver au pardon et à la miséricorde. Le Seigneur ne veut pas nous enfermer dans la crainte et la peur mais il veut nous proposer d’accomplir. Et peut-être que l’accomplissement de la colère, à quelque part, ça serait de pouvoir s’ouvrir à cette réconciliation, de s’ouvrir au pardon qu’on est invité à offrir. C’est une sagesse qui demande une longue expérience.

J’aime beaucoup dans mon ministère cette réalité qui commence très jeune quand on accompagne les enfants pour leur premier pardon ou pour leur première réconciliation. C’est très clair que tout n’est pas saisi, mais dans ces visites qu’ils nous font, dans ces  rencontres qu’on a avec eux, il y a un apprentissage qui commence. Et reconnaître le mal qu’on a fait ça demande une certaine humilité. Il faut d’abord grandir dans l’humilité pour être capable de reconnaître honnêtement ce mal qu’on a fait. Et l’Église qui nous apprend à le vivre est en train de nous apprendre à être capable d’être en alliance. Non pas des alliances dans lesquelles on se détruit, non pas des alliances dans lesquelles on se fait violence, mais dans des alliances dans lesquelles on se laisse convertir, on se laisse changer et on se laisse façonner pour devenir un peu à l’image de cette justice qui est Jésus Christ qui a donné sa vie en disant au Père devant ceux qui l’avaient crucifié : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Il ne demande pas une justice pour lui, il demande la justice de Dieu, le pardon et la réconciliation pour que cette humanité puisse entrer dans une conscience nouvelle d’un Amour. Je vous souhaite cet Amour.

Évangile : Matthieu 5, 17-37

1ère lecture : Siracide 15, 15-20

Psaume 118, 1-5, 17-18, 33-34

2ème lecture : 1Corinthiens 2, 6-10

 

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