Commentaire du 11 novembre 2012 / Guylain Prince (1er)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

« Les notions de justice chez les Juifs / Une générosité intéressée / La mentalité marchande avec Dieu / La veuve qui prend de sa propre part vitale pour donner / Comme Dieu qui n’a que lui-même à donner / Un don qui n’est pas quelque chose, mais quelqu’un : soi. »

– Guylain Prince est franciscain et bibliste résidant à Trois-Rivières. En plus de conférences, retraites et formations diverses fondées sur les Écritures, il présente des concerts avec les ensemble vocaux de type Gospel qu’il dirige à Joliette et Trois-Rivières. http://www.maisonintercd.com/

– Gino Fillion : composition et interprète de la musique, caméra, mixage et montage visuel.

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Évangile : L’ostentation des scribes – L’aumône de la pauvre veuve (Marc 12, 38-44)
Dans son enseignement, Jésus disait : « Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à sortir en robes solennelles et qui aiment les salutations sur les places publiques, les premiers rangs dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et affectent de prier longuement : ils seront d’autant plus sévèrement condamnés. » Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait la foule déposer de l’argent dans le tronc. Beaucoup de gens riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s’avança et déposa deux piécettes. Jésus s’adressa à ses disciples : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le tronc plus que tout le monde. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre. » 

1ère lecture : La veuve de Sarepta (1 Rois 17, 10-16)
Le prophète Élie partit pour Sarepta, et il parvint à l’entrée de la ville. Une veuve ramassait du bois ; il l’appela et lui dit : « Veux-tu me puiser, avec ta cruche, un peu d’eau pour que je boive ? » Elle alla en puiser. Il lui dit encore : « Apporte-moi aussi un morceau de pain. » Elle répondit : « Je le jure par la vie du Seigneur ton Dieu : je n’ai pas de pain. J’ai seulement, dans une jarre, une poignée de farine, et un peu d’huile dans un vase. Je ramasse deux morceaux de bois, je rentre préparer pour moi et pour mon fils ce qui nous reste. Nous le mangerons, et puis nous mourrons. » Élie lui dit alors : « N’aie pas peur, va, fais ce que tu as dit. Mais d’abord cuis-moi un petit pain et apporte-le moi, ensuite tu feras du pain pour toi et ton fils. Car ainsi parle le Seigneur, Dieu d’Israël : Jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre. » La femme alla faire ce qu’Élie lui avait demandé, et longtemps, le prophète, elle-même et son fils eurent à manger. Et la jarre de farine ne s’épuisa pas, et le vase d’huile ne se vida pas, ainsi que le Seigneur l’avait annoncé par la bouche d’Élie. 

Psaume 145, 5-10

R/ Je te chanterai, Seigneur, tant que je vivrai.

Heureux qui s’appuie sur le Dieu de Jacob,
qui met son espoir dans le Seigneur son Dieu,
lui qui a fait le ciel et la terre.

Il garde à jamais sa fidélité,
il fait justice aux opprimés ;
aux affamés, il donne le pain.

Le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes,
le Seigneur protège l’étranger.

Il soutient la veuve et l’orphelin.
D’âge en âge, le Seigneur régnera :
ton Dieu, ô Sion, pour toujours ! 

2ème lecture : Le sacerdoce du ciel (Hébreux 9, 24-28)
Le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire construit par les hommes, qui ne peut être qu’une copie du sanctuaire véritable ; il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu. Il n’a pas à recommencer plusieurs fois son sacrifice, comme le grand prêtre qui, tous les ans, entrait dans le sanctuaire en offrant un sang qui n’était pas le sien ; car alors, le Christ aurait dû plusieurs fois souffrir la Passion depuis le commencement du monde. Mais c’est une fois pour toutes, au temps de l’accomplissement, qu’il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice. Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois, puis de comparaître pour le jugement, ainsi le Christ, après s’être offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude, apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent.

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Commentaire du 11 novembre 2012 (117e) – 32e semaine du Temps Ordinaire (année B)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

Une femme qui donne sa part vitale comme le Christ

Le père Guylain Prince, franciscain   

Bonjour, ici  Père Guylain Prince, franciscain. On est dans la fondation  de la chapelle St-Antoine à Trois-Rivières et il me fait plaisir d’être là pour la première fois avec vous au site « Un feu sur la terre ». Alors tous les deuxièmes dimanches de chaque mois je serai présent pour vous commenter l’évangile. Et cette fois-ci nous avons un texte de l’évangile tiré de Marc au chapitre 12. Juste quelques petites balises parce que je ne sais pas ce que les autres ont dit avant moi, mais globalement l’évangile de Marc est divisé en deux. Toute la première partie culmine avec la profession de Pierre au chapitre 8. Mais entre le chapitre 8 et le chapitre 16, qui est la Passion du Christ, il y a une lente montée qui explicite très clairement les exigences de la suite du Christ, ce qu’on appelait autrefois la « sequela Christi ». Ça veut dire quoi « suivre le Christ » ? Et c’est pour cela que, par exemple, quand François d’Assise quand il veut être un disciple en marche à la suite du Christ, s’inspire surtout de ces chapitres-là. Au chapitre 12, lorsqu’on arrive avec le texte de cette semaine, c’est à dire l’offrande ou l’obole de la veuve, on est en face d’une précision sur – qu’est-ce que ça signifie suivre le Christ jusqu’au bout ? – parce que tout de suite après commence le récit de la Passion de Jésus qui, au fond se termine très abruptement et de façon assez inattendue en fait, parce que les disciples à ce moment-là, même si le Christ les prépare – il les prépare en leur disant : « Le juste peut souffrir, sa vie peut se terminer avec l’apparence d’un échec, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas un salut qui est apporté dans l’événement.

Alors c’est comme ça qu’on se retrouve juste avant l’entrée dans la Passion avec ce récit où une veuve se présente au Temple de Jérusalem. Rapidement, c’est que dans la foi juive, il y a ce qu’on appelle la « tsedaqah » qui vient du mot « tsedeq » : la justice. Lorsqu’on est un bon juif, il y a un certain nombre de choses que l’on fait : le respect du  Sabbat, les prescriptions alimentaires mais il y a aussi le fait d’offrir un don à deux instances. D’abord aux pauvres : quand on arrive à Jérusalem, il y a de grandes filées qui attendent les pèlerins, qui veulent recevoir l’aumône des pèlerins qui arrivent à Jérusalem. Et il y a aussi l’offrande au Temple qui était présentée sous forme d’un genre d’impôt mais ensuite c’était comme si la générosité de chaque personne était renvoyée à ce qu’elle pouvait offrir. Vous avez l’exemple d’un personnage, un bon Juif – il ne faut pas croire au départ que c’est une mauvaise personne – mais qui arrive et qui, de façon très visible, un peu à la manière des compagnies d’aujourd’hui qui viennent faire un don à un téléthon avec un immense chèque avec un gros stylo pour dire :  « sonnez tambours et trompettes, voici le fruit de ma générosité », afin que ce soit payant et que les gens sachent que j’ai donné, qu’ils sachent que ça rejaillit sur le prestige des compagnies. Indirectement on est capable de chiffrer que les deux minutes du don qu’on vient faire correspond en frais de publicité à peu près à ce que les personnes vont donner, sauf évidemment quand c’est la générosité d’une compagnie, ça c’est autre chose.

Mais globalement ce qu’on peut dire, c’est que l’exemple du Juif qui est là, n’est pas si éloigné de ce que nous sommes portés à faire en général, c’est-à-dire que notre bonté soit vue, on s’organise pour faire des choses quand les gens nous voient et en particulier si on fait des gestes de générosité qui sont importants. C’est un petit peu naturel de dire « quelque part, je donne, mais en même temps je m’organise pour recevoir le plus possible en retour. » On voit là ce qu’on appelle la mentalité marchande qui peut entrer de façon extrêmement subtile dans la relation avec Dieu. Je marchande ma relation avec le Seigneur en disant : « Voici, je te donne ça, mais en échange de…etc…en prestige, en gloire » et aussi on vient me dire « t’es un homme religieux, tu es un homme bon ». Ça rejaillit sur ma manière d’être, ma manière de rayonner je dirais. Mais aussi, et ce qui est très important de comprendre, c’est que dans le cas de l’obole de la veuve on est en face d’une dame qui ne donne pas des sous, c’est ça qui est très important de saisir. Les deux piécettes qu’elle donne, Jésus déclare : ce sont les moyens de vie, en grec littéralement, c’est ce par quoi elle-même vivrait. Donc, par l’obole de la veuve, c’est beaucoup plus que des sous qu’elle donne, c’est que littéralement elle prend du pain de sa bouche pour le donner au Temple de Jérusalem par ferveur. Elle donne les moyens qu’elle a pour vivre, elle prend, non pas de son superflu mais de son essentiel et là, la générosité est complètement différente, on  parle vraiment d’autre chose. Une personne qui prend de ce qui est de sa propre part vitale pour la donner au Seigneur, c’est la plus belle des paraboles pour illustrer le fait que la personne donne sa vie.

Et c’est comme ça qu’on se retrouve avec la figure de cette pauvre veuve qui n’a rien, aucun soutien, qui n’a personne. Au fond elle est tellement pauvre qu’elle n’a, comme Dieu, qu’elle même à donner et elle vient donner sa vie en réponse à ce que Dieu donne. Et c’est ça qui se retrouve au fond de ce texte et c’est ça qui se retrouve aussi dans le texte de la première Alliance qu’on a ce dimanche-ci « la veuve de Sarepta » : prendre les moyens de vie qu’elle avait pour elle et son fils qu’elle donne à travers le prophète à Dieu lui-même dans le fond, afin que l’œuvre de Dieu puisse s’accomplir. Elle donne sa vie et c’est comme ça qu’on peut comprendre l’un et l’autre texte en parallèle. Ces deux veuves  dans le fond, ce n’est pas que quelque chose qu’elle donne, c’est quelqu’un, c’est elle-même. Elle répond au don que Dieu fait par le don d’elle-même. C’est assez remarquable.

Ce n’est pas pour rien que Jésus nous présente la veuve comme modèle à l’entrée de la Passion, c’est que le Christ à l’entrée de la Passion s’apprête à se donner, à se livrer tout entier – n’oublions pas que tout de suite après on va avoir le récit du dernier repas. Dernier repas qui dit quoi ? Encore là Jésus ne donne pas quelque chose, il ne donne pas du pain, il ne donne pas du vin, c’est que le pain et le vin deviennent les instruments du don que Jésus fait de lui-même et, par ce biais-là, il perpétue un don unique jusqu’à aujourd’hui, c’est-à-dire que ce don unique de Jésus vient rejoindre les disciples jusqu’aujourd’hui. Et c’est ça l’infini du don du Christ, c’est qu’il rejoint l’Église de toutes les époques et de toutes les cultures.

Maintenant on pourrait regarder ce récit-là, y compris celui du dernier repas, applaudir comme si c’était quelque chose de l’extérieur et dire bravo chère veuve, tu nous donnes un magnifique exemple de manière très larmoyante, constater quelque chose à l’extérieur de nous. En fait, ce n’est pas tout à fait ça, c’est que Jésus nous la présente comme modèle, modèle de vie, modèle de vie donnée, modèle de vie qui n’hésite pas à répondre à l’amour de Dieu par le don total de soi. C’est comme ça qu’on se retrouve avec deux très beaux textes qui vont jusqu’à tout donner pour l’œuvre et la Parole de Dieu.                      

 

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1 commentaire

  1. Brémond dit :

    Merci, Père, pour cette profonde méditation.
    « Répondre à l’Amour de Dieu par le don total de soi », cela semble impossible, mais avec l’aide de l’Esprit-Saint, Dieu fait que nous puissions donner au-delà de nos limites…, en toute occasion : Dans notre famille, à ceux que nous rencontrons – souvent providentiellement -, à ceux qui ne nous aiment pas ou ne nous comprennent pas.
    Je crois que moins nous recevons, plus nous devons donner, par amour pour le Seigneur qui S’est fait Don dans la Sainte Eucharistie. C’est bien parce que nous avons tout reçu de Lui, et au-delà de nos espérances, que nous pouvons donner-aimer à notre tour sans compter.

    Belle semaine à tous!

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