Commentaire du 25 novembre 2012 / Pierre Desroches (118e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page. 

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses Saint-Pierre Claver, Saint-Stanislas de Kostka et de Saint-Enfant-Jésus du Mile-End à Montréal (Québec). Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.

– Gino Fillion : composition et interprète de la musique, caméra, mixage et montage visuel.

« Ce que nous fait penser le mot ¨roi¨ / Pilate amené à se prononcer sur un plan personnel / ¨Qu’as-tu donc fait ?¨ comme dans la Genèse / Jésus sait qu’il sera livré au Juifs / Jésus propose un règne de vérité, donc de vulnérabilité assumée / Une royaume qui mène à la sagesse  / Le projet de Dieu n’a jamais été détruit. »

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Évangile : « Je suis roi » (Jean 18, 33-37)
Lorsque Jésus comparu devant Pilate, celui-ci l’interrogea : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien parce que d’autres te l’ont dit ? » Pilate répondit : « Est-ce que je suis Juif, moi ? Ta nation et les chefs des prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? » Jésus déclara : « Ma royauté ne vient pas de ce monde ; si ma royauté venait de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Non, ma royauté ne vient pas d’ici. » Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? » Jésus répondit : « C’est toi qui dis que je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix. » 

1ère lecture : La royauté du Fils de l’homme (Daniel 7, 13-14)
Moi, Daniel, je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et toutes les langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. 

Psaume 92, 1-2. 5

R/ Jésus Christ, Seigneur, tu règnes dans la gloire.

Le Seigneur est roi ;
il s’est vêtu de magnificence,
le Seigneur a revêtu sa force.

Et la terre tient bon, inébranlable ;
dès l’origine ton trône tient bon,
depuis toujours, tu es.

Tes volontés sont vraiment immuables :
la sainteté emplit ta maison,
Seigneur, pour la suite des temps. 

2ème lecture : Le sacerdoce royal des sauvés (Apocalypse 1, 5-8)
Que la grâce et la paix vous soient données, de la part de Jésus Christ, le témoin fidèle, le premier-né d’entre les morts, le souverain des rois de la terre. À lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous le royaume et les prêtres de Dieu son Père, à lui gloire et puissance pour les siècles des siècles. Amen. Voici qu’il vient parmi les nuées, et tous les hommes le verront, même ceux qui l’ont transpercé ; et, en le voyant, toutes les tribus de la terre se lamenteront. Oui, vraiment ! Amen ! Je suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, je suis celui qui est, qui était et qui vient, le Tout-Puissant.

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Commentaire du 25 novembre 2012 (119e) – 34e semaine du Temps Ordinaire
Christ Roi de l’Univers (année B) – Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

La force de Jésus : être vrai et vulnérable

L’abbé Pierre Desroches

Bonjour mes amis ! Vous avez déjà vu l’extérieur de l’église, maintenant vous êtes reçus à l’intérieur. C’est une église qui a à peu près cent cinquante-trois ans. Elle a été établie du temps de Monseigneur Bourget, le deuxième évêque de Montréal. Comme je vous le disais l’autre jour, on l’appelle Saint-Enfant-Jésus du Mile-End parce qu’elle était à la fin de la ville, elle était à l’extrémité. Il y aura d’autres points de vue que vous verrez au fil des semaines. Cette église qui est très vieille, a perdu beaucoup de son patrimoine lorsqu’un moment donné le chœur s’est effondré pendant une confirmation. Alors, il y a une réparation qui l’a modernisée, mais elle a quand même gardé des éléments très intéressants. D’’ailleurs, il y a une très belle chapelle ici qui est de Ozias Leduc qui est un de nos grands sculpteurs, ébénistes, qui travaillait dans les églises. On pourra peut-être éventuellement la voir.

Aujourd’hui on se retrouve à la fête du Christ-Roi – on est un peu loin de L’enfant-Jésus – parce que c’est le dernier dimanche de l’année liturgique. On va avoir une méditation, les paroles vont nous faire réfléchir sur cette dimension du règne de Dieu. Souvent, nous lorsqu’on entend le mot « roi » on pense à tous les règnes des rois français ou des rois d’Angleterre et toutes ces puissances du monde, mais je dirais que le règne de Dieu est très différent de toute cette réalité-là. Et là, justement, Jésus va se retrouver devant un roi qui est Pilate et qui va l’interroger. Son premier souci c’est de lui dire : « Es-tu le roi des Juifs ? » Vous comprendrez que Pilate qui n’aimait beaucoup pas la compétition veut bien s’assurer que Jésus n’est pas une menace pour son règne à lui. Et là, Jésus lui pose une question : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien parce que d’autres te l’ont dit ? »  Est-ce que tu me reconnais ou est-ce que tu prends la parole de d’autres. Il l’amène à se prononcer sur un plan personnel. On voit tout l’art de Jésus d’entrer dans la juste réalité. Et Pilate va lui répondre : « Est-ce que je suis Juif, moi ? » Est-ce que moi j’ai à te reconnaître comme roi ? Il évite la question, il ne veut pas entrer dans cette communion que lui propose Jésus.

« Ta nation et les chefs, les autorités suprêmes t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? »  C’est intéressant ce « Qu’as-tu donc fait ? » parce que ça fait écho à une très vieille Parole qu’on va retrouver dans le livre de la Genèse avec Adam et Ève quand Dieu se promenant dans le jardin va poser cette question : « Qu’as-tu donc fait? »  Jésus déclare : « Ma royauté ne vient pas de ce monde. » Il nous amène dans un ailleurs, il nous amène dans une dimension qui, souvent  n’est pas perceptible à nos yeux parce qu’on est aveugles. Si on n’a pas encore ouvert les yeux sur l’amour de Dieu et si on n’a pas encore reconnu cet amour unique pour notre être et pour l’humanité, comme croyants, on est aveugles. Et alors il va dire : « Ma royauté ne vient  pas de ce monde, et si elle venait de ce monde j’aurais tous les puissants de ce monde, des gardes, des armées,  qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. » Et en même temps, il y a quelque chose de très fort dans cette parole de Jésus. Donc, «  j’ai à être livré aux Juifs, »  d’être livré aux Juifs appartient à la mission qui est la mienne. Alors « ma royauté ne vient pas d’ici. » Et Pilate va lui dire : « Alors, tu es roi ? » Jésus va répondre : « C’est toi qui dis que je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. »  Le règne de Dieu, c’est la vérité et je pense que quelque part la vérité, c’est la réalité. « Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix. » Ce que nous propose Jésus c’est un règne de vérité. Faire la vérité dans nos vies ce n’est pas ce qui est le plus évident, il y a bien des choses qu’on préfère taire, il y a bien des choses qu’on préfère ne pas trop regarder, de crainte que la vérité vienne nous juger ou nous condamner.

J’aime bien dans le psaume : « Le Seigneur est roi ; il s’est vêtu de magnificence, il a revêtu sa force. » La force de Jésus Christ et du Seigneur c’est d’être vrai, c’est ça la force, et souvent, d’être vrai ça nous rend très vulnérable, ça nous met en situation de grande fragilité. C’est ce qu’il va vivre un des dénouements de son histoire terrestre : l’énorme fragilité et vulnérabilité sur la croix. « Et la terre tient bon, inébranlable; dès l’origine ton trône tient bon, depuis toujours tu es. » C’est comme si la solidité de la terre, elle appartient à cette vérité. À nier des choses très fondamentales on va se retrouver devant une planète détruite. À vouloir avoir de l’argent trop vite et trop rapidement, on va se retrouver dans des impasses qui vont avoir beaucoup fragilisé ce qui nous est confié. « Tes volontés sont vraiment immuables, la sainteté remplit ta maison, Seigneur, pour la suite des temps. » Il y a une sagesse de Dieu à découvrir, il y a une sagesse de la vie à découvrir, de l’existence à découvrir. Ce Royaume, c’est exactement ce qu’il nous propose. On est souvent comme des voleurs qui arrivent sur cette terre et on s’approprie ce bien comme s’il était à notre service alors que c’est nous qui sommes au service de la vie et que nous ne sommes pas appelés dans ce Royaume à la possession, mais nous sommes appelés à la dépossession. Ce n’est pas naturel pour nous de vivre cette dimension-là.

On voit dans le Livre de Daniel, « au cours des visions de la nuit, je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme. » Voyez-vous, ce n’est pas clair, ce n’est pas à l’heure de la lumière, c’est dans les temps de ténèbres. « Il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. » Donc, ça veut dire que ce Fils d’homme, tout jeune probablement, va aller se placer devant le vieillard. On sait que dans ces peuples sémitiques, tout le respect qu’on avait pour les Anciens, ceux qui ont une plus grande expérience de vie, ceux qui peuvent nous apprendre quelque chose. Et là, le fils d’homme va être en sa présence. « Il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et toutes les langues le servirent. » Ça veut dire  qu’il se met à son école, il se met sous ses mains. « Sa domination est une domination éternelle. »  Donc, ce n’est pas une domination de passage. « …qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. » On peut rester étonné quand on voit Jésus crucifié, quand on voit Jésus en pleine vulnérabilité ; c’est quoi cette royauté qui ne sera pas détruite ? Le projet de Dieu sur l’humanité n’a jamais été détruit en Jésus. Il a toujours été vainqueur de toutes les forces du mal, de toutes  les oppressions de toutes les séductions, de tous les chantages. C’est ce projet d’humanité qu’on peut retrouver en Jésus qui n’a pas été détruit et qui a même été victorieux sur la croix. Et je pense que ce projet de Dieu qui est inscrit au plus profond de de nous-mêmes, je n’oserais pas dire dans nos codes génétiques parce que je ne suis pas un scientifique, mais j’oserais dire au plus profond de nous-mêmes, lorsqu’on tourne notre être vers Dieu, lorsqu’on accepte d’entrer dans son Royaume plutôt que de se faire des petits royaumes, nous pouvons être assurés que nous allons faire des pas, que nous allons avancer et que nous allons devenir semblables à celui à qui on appartient, parce qu’il a pour nous un amour éternel et qu’il veut nous fonder, non pas sur nos passions, mais dans la reconnaissance de cet amour qui nous permet de transfigurer en ce qu’il est. Alors, on va célébrer cette fête du Christ-Roi en demandant au Seigneur d’appartenir à ce Royaume qui nous permet vraiment d’être un humain qui est dans ce monde pour le transformer à la manière de Dieu.

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