Commentaire du 7 août 2011 / Pierre Desroches (47e)

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses St-Pierre Claver et St-Stanislas de Kostka de Montréal. Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.
– Gino Fillion : caméra et montage

« Les cavernes, les rochers / Dieu n’est pas dans les manifestations de force et de violence / Dieu veut nous parler avec douceur / L’attachement de Paul au peuple d’Israël, mais davantage au Christ / Jésus précède ses gestes par l’intimité avec son Père / Jésus nous dit : c’est moi, n’ayez pas peur ! / Pierre veut marcher avec ses propres forces. »

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– Références pour les textes bibliques (AELF) : http://aelf.org/?date_my=07/08/2011

Évangile : Jésus se manifeste aux Apôtres ; il fait marcher Pierre sur la mer (Matthieu 14, 22-33)
Aussitôt après avoir nourri la foule dans le désert, Jésus obligea ses disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules. Quand il les eut renvoyées, il se rendit dans la montagne, à l’écart, pour prier. Le soir venu, il était là, seul. La barque était déjà à une bonne distance de la terre, elle était battue par les vagues, car le vent était contraire. Vers la fin de la nuit, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer. En le voyant marcher sur la mer, les disciples furent bouleversés. Ils disaient : « C’est un fantôme », et la peur leur fit pousser des cris. Mais aussitôt Jésus leur parla : « Confiance ! c’est moi ; n’ayez pas peur ! » Pierre prit alors la parole : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur l’eau. » Jésus lui dit : « Viens ! » Pierre descendit de la barque et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus. Mais, voyant qu’il y avait du vent, il eut peur ; et, comme il commençait à enfoncer, il cria : « Seigneur, sauve-moi ! » Aussitôt Jésus étendit la main, le saisit et lui dit : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » Et quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba. Alors ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant lui, et ils lui dirent : « Vraiment, tu es le Fils de Dieu ! »

1ère lecture : Le Seigneur se manifeste à Élie (1 Rois 19,  9a.11-13a)
Lorsque le prophète Élie fut arrivé à l’Horeb, la montagne de Dieu, il entra dans une caverne et y passa la nuit. La parole du Seigneur lui fut adressée : « Sors dans la montagne et tiens-toi devant le Seigneur, car il va passer. » A l’approche du Seigneur, il y eut un ouragan, si fort et si violent qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, mais le Seigneur n’était pas dans l’ouragan ; et après l’ouragan, il y eut un tremblement de terre, mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre ; et après ce tremblement de terre, un feu, mais le Seigneur n’était pas dans ce feu ; et après ce feu, le murmure d’une brise légère. Aussitôt qu’il l’entendit, Élie se couvrit le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la caverne.

Psaume 84, 9-14
R/ Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut

J’écoute : Que dira le Seigneur Dieu ?
Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple.
Son salut est proche de ceux qui le craignent,
et la gloire habitera notre terre.

Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice.

Le Seigneur donnera ses bienfaits,
et notre terre donnera son fruit.
La justice marchera devant lui,
et ses pas traceront le chemin.

2ème lecture : L’attachement de Paul aux privilèges d’Israël (Romains  9, 1-5)
Frères, j’affirme ceci dans le Christ, car c’est la vérité, je ne mens pas, et ma conscience m’en rend témoignage dans l’Esprit Saint. J’ai dans le coeur une grande tristesse, une douleur incessante. Pour les Juifs, mes frères de race, je souhaiterais même être maudit, séparé du Christ : ils sont en effet les fils d’Israël, ayant pour eux l’adoption, la gloire, les alliances, la Loi, le culte, les promesses de Dieu ; ils ont les patriarches, et c’est de leur race que le Christ est né, lui qui est au-dessus de tout, Dieu béni éternellement. Amen.

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Commentaire du 7 août 2011 (47è) 19e dimanche du temps ordinaire
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

Ne pas douter de Dieu qui veut apaiser le vent de nos tempêtes

L’abbé Pierre Desroches

Aujourd’hui on se retrouve dans la région de Québec, plus près de Ste-Anne de Beaupré, sur la Côte-de-Beaupré, mais dans un domaine qui appartient au Séminaire de Québec, qui est un lieu de villégiature et de repos depuis fort longtemps pour les prêtres. Je me retrouve avec quelques confrères et je suis heureux de vous visiter aussi. Nous avons trois belles Paroles sur lesquelles nous allons pouvoir nous entretenir aujourd’hui. La première, c’est le texte d’Élie qui vient d’arriver à l’Horeb et qui  était assez découragé. Il était  invité à se rendre jusqu’à la montagne de l’Horeb. Il entre dans une caverne pour y passer la nuit. Il y a souvent des choses intéressantes qui se passent dans les cavernes, on pourrait songer à la naissance de Jésus. Ce sont des images qui se rapprochent et qui  sont toujours des lieux aussi de mort et de vie parce que Jésus aussi va se retrouver dans le creux d’un rocher lorsqu’il va être descendu de la croix. Et là, aujourd’hui c’est notre ami, qui pour la nuit, se trouve dans cette caverne parce qu’il ne voit pas très clair lui-même non plus, il ne sait pas trop à quoi s’attendre. Tout à coup, il entend de forts vents, il y a un ouragan qu’on nous dit fort et violent qui fendait les montagnes et brisait les rochers. Il sort, mais le Seigneur n’était pas dans l’ouragan. Je regardais ce texte-là et ça me faisait penser à certaines étapes  de l’Église que j’ai bien connues. Dans ma jeunesse notre Église était encore très triomphante, très forte. Et souvent, quand des anciens me parlent de leur expérience auprès des curés ; ils avaient des curés qui avaient l’ouragan facile, ou la colère facile ce qui les impressionnait beaucoup. Mais Dieu n’était pas dans l’ouragan…

Et il y a un tremblement de terre. Alors, c’est un autre séisme important. On en a connu un il n’y a pas très longtemps. On a beaucoup entendu parler de celui d’Haïti, mais Dieu n’était pas dans ce tremblement de terre. Il n’était pas là. Il n’était pas dans ces manifestations de force et de violence. Mais tout à coup, Élie entend une brise légère. Alors, il se couvre de son manteau, il se couvre le visage et il sort, et Dieu va être dans cette brise légère. Je pense que ce texte nous livre une très belle expérience de Dieu.  Dieu est capable de nous parler avec douceur, Dieu est capable de nous parler  de l’intérieur, non pas pour venir saper ni nos sécurités, ni pour détruire mais pour nous adresser une Parole qui va nous faire mettre debout et avancer dans la mission qui est la nôtre.

La deuxième Parole est une très belle communication de Paul. Paul nous dit tout l’attachement qu’il a au Peuple d’ Israël, à ses lois, etc… Et c’est  très intense ce qu’il nous dit. Il nous dit que pour lui ce n’est pas facile de renoncer à ça mais que son attachement au Christ lui fait renoncer à toutes ces réalités qui avaient été comme les assises et les fondements de toute sa vie, de toute son existence.  Et il le dit dans une Parole très forte. Je vous la lis : «  Je souhaiterais même être maudit, séparé du Christ » pour toujours appartenir à ce qu’il avait défendu de toutes ses forces, toute son existence. Mais sa rencontre de Jésus Christ ne peut plus lui permettre de retourner en arrière et il doit accepter cette séparation de ne plus être reconnu par ses frères Juifs même si ces derniers ne connaissent pas encore le Christ qu’il veut bien leur révéler et qui va lui coûter à lui aussi le prix de sa vie. Alors, c’est de voir la déchirure intense de cette rencontre qu’il va faire de Jésus Christ, des renoncements auxquels il va devoir accepter pour être fidèle à sa mission d’Apôtre des nations.

Et dans l’Évangile, c’est Jésus qui va nourrir la foule au désert et j’aime bien l’expression « Jésus oblige les disciples à monter dans une barque puis à le précéder sur l’autre rive pendant qu’il va renvoyer les foules. » Alors vous comprendrez que nous sommes  dans un temps d’Église où les foules ont été renvoyées et je pense que j’entends bien à travers cette Parole qu’on est invité à passer sur une autre rive. Et c’est quoi cette autre rive que le Seigneur nous indique ? Ce n’est pas de plein gré que les disciples vont passer sur l’autre rive, Jésus les oblige. Et « quand il eut renvoyé les foules, lui se rend à la montagne et il prie. » Il n’y a aucun geste de Jésus qui n’est précédé d’un temps d’intimité avec Dieu, avec son Père. Jésus ne réfléchit pas par lui-même, il réfléchit toujours dans une Présence, dans une Présence qui l’habite et au cœur même qu’il se trouve. Il se trouve, Lui, dans cette Présence, Lui le Fils. Le soir, il était là seul et il va décider de rejoindre les disciples (c’est à dire que la barque est en train déjà de faire ce passage et est à une bonne distance de la terre, elle ne peut pas retourner, elle ne peut pas revenir facilement au lieu de départ et les vagues font bouger cette barque. Les apôtres se sentent menacés.

Et tout à coup, vers la fin de la nuit Jésus vint vers eux. On nous dit : « en marchant sur la mer. » Et c’est intéressant de voir que la première perception qu’ils ont : « C’est un fantôme ». Et la peur leur fit pousser de grands cris. Parfois, quand je regarde notre  réalité ecclésiale d’aujourd’hui, je peux trouver que cette Église, par rapport à celle que j’ai connue, est un « fantôme » et comme une réalité qui est plus proche de la mort que plus proche de la vie. « Et ils se mettent à pousser de grands cris ».  Depuis Vatican II j’en entends beaucoup des cris de chrétiens, des cris de croyants. Et une très belle Parole que Jésus va dire dans  tout ce contexte : « C’est moi, n’ayez pas peur ». Même cette réalité qui est notre présent Jésus  nous dit : « C’est moi, n’ayez pas peur ». Dans la Parole qui se poursuit, « si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur l’eau ».  Alors Pierre veut imiter son Maître et lui aussi veut marcher sur l’eau et ne pas être englouti par les forces du mal. Il se lève, se dirige vers Jésus, mais on sait que Pierre va enfoncer parce que probablement Pierre voudrait le faire avec ses forces. Il n’y va pas avec toute la traversée de ses propres fragilités, de sa propre vulnérabilité. Dans cette inconscience et cette non-expérience de Dieu dans les failles qui sont les siennes, Pierre va être englouti par les eaux. Mais Jésus va aller le saisir. Je pense que ce beau risque de Pierre, ce beau désir de Pierre de pouvoir lui aussi aller rejoindre Jésus sur les eaux, va faire qu’il va être ressaisi par ce frère qui le regarde avec confiance. Et voyant qu’il y avait du vent parce que c’est toute notre expérience. On a tous du vent ; j’ai du vent dans mes appels à être un prêtre fidèle. Je connais beaucoup de mes amis qui sont mariés et qui connaissent aussi des expériences décevantes et qui nous menacent. Alors Jésus le saisit, il nous saisit et il dit : « homme de peu de foi  pourquoi as-tu douté ? » Et douter de nous, c’est douter de Dieu, douter de nous, c’est douter de l’amour que Dieu a pour nous et qu’il veut nous communiquer pour que l’on puisse aussi marcher sur la mer, sur les eaux qui engloutissent. « Et quand il fut monté dans la barque, le vent tomba. »

Je vous souhaite de choisir d’être dans la barque de Pierre pour que le vent puisse tomber et que vous puissiez reconnaître qu’il y a une force qui ne se manifeste pas dans des intensités comme dans les ouragans et les tremblements de terre mais dans un Souffle, dans une Parole qui vient nous apaiser et nous ouvrir des chemins pour qu’on puisse aller jusqu’au bout de nous-mêmes. Bonne semaine mes amis.

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