Commentaire du 5 août 2012 / Pierre Desroches (102e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page. 

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses St-Pierre Claver et St-Stanislas de Kostka de Montréal. Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.
– Gino Fillion : caméra, composition de la musique et arrangements, direction des comédiens, montage des images et mixage.

« Apprendre à voir le « manque » comme un pédagogue / Notre pensée personnelle sans l’Esprit de Dieu nous mène souvent au néant / Notre prière qui est souvent pour avoir et non, donner / L’empreinte de Dieu sur nous / La personne handicapée n’est pas une image de Dieu défigurée. »

– Références pour les textes bibliques (AELF) : http://aelf.org/?date_my=05/08/2012

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Évangile : Le pain venu du ciel (Jean 6, 24-35)
La foule s’était aperçue que Jésus n’était pas au bord du lac, ni ses disciples non plus. Alors les gens prirent les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés. Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son empreinte. » Ils lui dirent alors : « Que faut-il faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » Ils lui dirent alors : « Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle oeuvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l’Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. » Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous de ce pain-là, toujours. » Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif. »

1ère lecture : Le don de la manne au désert (Exode 16, 2-4.12-15)
Dans le désert, toute la communauté des fils d’Israël récriminait contre Moïse et son frère Aaron. Les fils d’Israël leur dirent : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! » Le Seigneur dit à Moïse : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il obéit, ou non, à ma loi. J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël. Tu leur diras : ‘Après le coucher du soleil, vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. Vous reconnaîtrez alors que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.’ » Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain matin, il y avait une couche de rosée autour du camp. Lorsque la couche de rosée s’évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol. Quand ils virent cela, les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » (ce qui veut dire : Qu’est-ce que c’est ?) car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit : « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. »

Psaume 77, 3-4. 23- 25. 52a.54a

R/ Donne-nous Seigneur, le pain du ciel !

Nous avons entendu et nous savons
ce que nos pères nous ont raconté ;
nous le redirons à l’âge qui vient,
les titres de gloire du Seigneur,

Il commande aux nuées là-haut,
il ouvre les écluses du ciel :
pour les nourrir il fait pleuvoir la manne,
il leur donne le froment du ciel.

Chacun se nourrit du pain des forts,
il les pourvoit de vivres à satiété.
Tel un berger, il conduit son peuple,
Il les fait entrer dans son domaine sacré.

2ème lecture : L’homme nouveau (Éphésiens 4, 17.20-24)
Frères, je vous le dis, je vous l’affirme au nom du Seigneur : vous ne devez plus vous conduire comme les païens qui se laissent guider par le néant de leur pensée. Lorsque vous êtes devenus disciples du Christ, ce n’est pas cela que vous avez appris, si du moins c’est bien lui qu’on vous a annoncé et enseigné, selon la vérité de Jésus lui-même. Il s’agit de vous défaire de votre conduite d’autrefois, de l’homme ancien qui est en vous, corrompu par ses désirs trompeurs. Laissez-vous guider intérieurement par un esprit renouvelé. Adoptez le comportement de l’homme nouveau, créé saint et juste dans la vérité, à l’image de Dieu.

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Commentaire du 5 août 2012 (102e) – 18e semaine du Temps Ordinaire (année B)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

Le Pain donné par Jésus nourrit afin qu’on devienne don aux autres

L’abbé Pierre Desroches

Ce lieu commence à être familier à vos yeux pour ceux qui ont écouté les homélies des dernières semaines, c’est toujours la chapelle dans le  jardin de l’Hôtel-Dieu de Montréal. Nous aurons une Parole qui va nous emmener dans un désert même si nous on est dans un endroit verdoyant. Devant moi il y a de nombreux d’arbres, beaucoup de fleurs qu’on ne peut pas vous montrer, mais c’est un endroit splendide. Et dans ce désert, Moïse et Aaron ont la grâce d’avoir été élus par Dieu, envoyés auprès du  peuple et de recevoir au nom de Dieu toutes les récriminations de ce peuple. Et les fils d’Israël disent : « Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande » On a toujours ce grande besoin de vivre dans l’abondance, d’être dans la satiété. On ne sait pas trop comment vivre  le manque, et lorsqu’il arrive on n’est pas capable de le choisir, de le reconnaître comme un pédagogue, comme celui qui s’en vient nous instruire par rapport à une réalité qui est bien au-delà de celle qu’on voudrait façonner nous-mêmes. On mangeait à satiété et vous nous avez fait sortir de ce désert pour faire de nous un peuple, une assemblée  d’affamés.

Dieu dit à notre ami Moïse qu’il va donner cette abondance que demande le peuple et que du ciel il va faire pleuvoir du pain et qu’il va donner la manne. « Après le coucher du soleil, vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. » Il est bon ce Dieu par rapport à ce peuple, et à cette assemblée qui est toujours en train de murmurer, de récriminer, pour se faire attentif et de répondre à leurs appels et à leurs besoins même s’ils n’ont pas beaucoup de reconnaissance. Et le soir ce qu’il a annoncé par la bouche de Moïse et d’Aaron va s’accomplir. Et là, les gens vont dire : « mais c’est quoi ça ? qu’est-ce que c’est ça ? » C’est ce que Dieu nous a promis. Souvent dans la vie on peut se poser cette question aussi. « Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est que cet événement ? Qu’est-ce que c’est que cette réalité ? » C’est le pain que Dieu vous donne à manger. S’ouvrir, le recevoir, expérimenter un pain qui est autre, qui est différent.

Et dans la deuxième lecture, qui est un texte aux Éphésiens. Paul nous dit : « Laissez-vous guider non par le néant de votre pensée, mais, laissez-vous guider par l’Esprit que le Seigneur vous a envoyé. » C’est sûr que pour nous, penser que notre pensée est l’ultime de l’intelligence et de la raison, c’est une erreur dans laquelle on plonge abondamment chaque jour et je dirais que, même si on en sort, on y retourne comme ce qu’il y a de plus naturel. Et notre ami Paul le dit à cette communauté qui est en train de fonder, de s’affranchir de ce vide, de ce néant. Et « Lorsque vous êtes devenus disciples du Christ ce n’est pas cela que je vous ai appris? » C’est quoi que lui leur a appris, c’est la vérité de Jésus lui-même. Cette vérité, c’est de se livrer, c’est se donner, c’est de marcher constamment dans la présence du Père, c’est de chercher sa volonté, non pas de se chercher lui, non pas de se protéger, mais de conduire les hommes et les femmes à ce Père qui est un père d’amour. Ce chemin-là, il ne peut pas se faire autrement que par le don de soi-même, la renonciation à son propre confort, à ses propres sécurités, à sa propre façon d’envisager l’existence. « Adoptez le comportement de l’homme nouveau, créer saint et juste dans la vérité à l’image de Dieu ». Ce qui veut dire être créé à l’image de Dieu appelle un comportement. J’ai beaucoup travaillé, je travaille encore et je chemine souvent avec des gens qui ont des problèmes de comportement et jamais dans l’affirmation de la colère ou dans l’affirmation du ressentiment, dans l’affirmation de cette réalité qui sont des signes d’une grande blessure, jamais je n’ai vu une personne trouver la joie, ou trouver la réconciliation et trouver la paix. Le comportement nouveau, il appartient à Dieu.

Dans l’Évangile, on va se retrouver avec un texte qui nous parle du pain venu du ciel. Quand les gens vont arriver sur l’autre rive, ils vont trouver Jésus et vont lui dire : « Quand es-tu arrivé ici ? » Parfois, on pense qu’il n’est pas sur l’autre rive, on croit qu’il est juste sur nos rivages, mais parfois lorsqu’on traverse et qu’on est dans une réalité différente, qui est nouvelle pour nous, on peut être tout surpris de le retrouver là où on ne s’y attend pas. Et leur dit : « parce que vous avez vu des signes, parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés, vous me cherchez. »  Et souvent c’est ça lors de notre prière. On demande, on veut la protection, on veut le trouver pour avoir, non pas pour donner, mais pour recevoir, pour avoir encore davantage, pour s’assurer que tout nous est assuré. Alors, « Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd, par pour la nourriture qui se garde jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son empreinte. » Naître d’une femme nécessairement c’est de laisser dans sa chair, dans son être une marque, une empreinte. J’aime beaucoup ce mot : « vous qui avez été marqué de l’empreinte de Dieu ». Est-ce que cette marque-là est dans notre personne ? Est-ce qu’elle est dans notre esprit, dans nos paroles, dans nos alliances, dans nos réponses par rapport aux agressions que l’on peut recevoir.

Ils lui dirent alors : « Qu’est-ce qu’il faut faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » « C’est que vous croyiez en celui qui m’a envoyé. » Ça me touche beaucoup quand je pense aux nombreuses personnes handicapées que je connais. Je me souviens du début de mon ministère quand j’ai entendu à l’intérieur de moi-même Dieu me dire que je ne pourrais jamais rien leur donner et surtout pas leur donner Dieu, si je ne recevais pas d’abord DIEU. Ils n’étaient pas d’abord des handicapés, ils étaient d’abord des envoyés et d’avoir cette conviction profonde, qu’au-delà de la limite de leur être ou de leurs corps, ils n’étaient pas une humanité à rabais, ils n’étaient pas des images de Dieu défigurées. Mais ils étaient pleinement l’image de Dieu dans ce qu’ils étaient. Ce fut pour moi un grand réconfort et quand je le révèle aux gens que j’aime bien, ils savent aussi que je les aime bien, de se découvrir sous un regard, non pas du monde mais sous un regard de Dieu, c’est une réalité qui les  apaise beaucoup et qui les aide à s’accueillir et à s’accepter tels qu’ils sont. Ce pain-là qui nous vient de cette attitude, qui nous vient de cette empreinte, qui nous vient de cette reconnaissance que Dieu nous le donne en abondance et on peut le recevoir en Jésus Christ. Que l’Eucharistie de ce dimanche  soit l’occasion pour vous de reconnaître Celui qui, aujourd’hui encore, sur nos rives, vient nous apporter le Pain qui nous apprend à nous donner, à nous livrer à sa manière pour qu’on fasse mémoire de Lui.

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