Commentaire du 28 août 2011 / Pierre Desroches (51e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

 

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses St-Pierre Claver et St-Stanislas de Kostka de Montréal. Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.
– Gino Fillion :
caméra et montage.

« La séduction de Dieu c’est d’être attiré vers Lui / La Parole du Seigneur qui attire l’injure et la moquerie pour le prophète / Dieu veut débusquer nos tromperies / Les pressions extérieures ne peuvent conduire à une foi authentique / Ce que Dieu méprise, c’est ce qui défigure son humanité / Faire l’expérience de Dieu c’est se distancer des biens immédiats. »

– Références pour les textes bibliques (AELF) : http://aelf.org/?date_my=28/08/2011

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Évangile : Le disciple du Christ doit souffrir avec son Maître (Matthieu 16, 21-27)
Pierre avait dit à Jésus : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. » A partir de ce moment, Jésus le Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des chefs des prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. » Mais lui, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route ; tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Alors Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera. Quel avantage en effet un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie ? Et quelle somme pourra-t-il verser en échange de sa vie ? Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père ; alors il rendra à chacun selon sa conduite. »

 

1ère lecture : Le prophète doit souffrir pour son Dieu (Jérémie 20, 7-9)
Seigneur, tu as voulu me séduire, et je me suis laissé séduire ; tu m’as fait subir ta puissance, et tu l’as emporté. A longueur de journée je suis en butte à la raillerie, tout le monde se moque de moi. Chaque fois que j’ai à dire la parole, je dois crier, je dois proclamer : « Violence et pillage ! » À longueur de journée, la parole du Seigneur attire sur moi l’injure et la moquerie. Je me disais : « Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son nom. » Mais il y avait en moi comme un feu dévorant, au plus profond de mon être. Je m’épuisais à le maîtriser, sans y réussir.

Psaume 62, 2, 3-4, 5-6, 8-9

R/ Mon âme a soif de toi, Seigneur, mon Dieu

Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube :
mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau.

Je t’ai contemplé au sanctuaire,
j’ai vu ta force et ta gloire.
Ton amour vaut mieux que la vie :
tu seras la louange de mes lèvres !

Toute ma vie je vais te bénir,
lever les mains en invoquant ton nom.
Comme par un festin je serai rassasié ;
la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.

Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l’ombre de tes ailes.
Mon âme s’attache à toi,
ta main droite me soutient.

2ème lecture : Le culte spirituel (Romains 12, 1-2)
Je vous exhorte, mes frères, par la tendresse de Dieu, à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu : c’est là pour vous l’adoration véritable. Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait.

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Commentaire du 28 août 2011 (51è) – 22e dimanche du temps ordinaire (année A)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

Jésus enseigne le vrai combat contre ce qui défigure l’humanité

L’abbé Pierre Desroches

Alors mes amis, on est sur un pont de chapelet, pas celui du Cap-de-la-Madeleine, mais celui du petit Cap (Cap-Tourmente). Aujourd’hui, le premier texte  qui s’adresse à nous est un texte de Jérémie, un personnage assez bien typé. Jérémie a été séduit. Je peux comprendre cette expression de Jérémie, parce que moi aussi Dieu m’a séduit. Et lorsque Dieu nous séduit, cela n’a pas beaucoup à faire avec les séductions des humains. Ce n’est pas une même réalité. La séduction de Dieu, c’est être attiré par Lui. Jérémie est attiré par Lui puis Dieu l’invite à être son prophète. Mais le malheur de la vie de Jérémie c’est d’être un prophète. Il se bat constamment avec cet appel qu’il a reçu du Seigneur.

Je me souviens que j’ai connu cette phase aussi de me battre moi-même avec l’appel  de la vocation que j’avais reçu. Ayant été ordonné en 1977, étant entré à l’âge de 19 ans au collège pour m’orienter définitivement vers la vie sacerdotale; ce qui était à peu près à l’époque même du Concile. J’ai eu beaucoup de difficulté à saisir pourquoi le Seigneur m’appelait et je me souviens très bien avoir dit à peu près ce que Jérémie dit dans la Parole d’aujourd’hui. « Tu m’envoies proclamer ta parole et je ne suis pas sûr qu’il y a beaucoup de monde qui veut l’entendre ». Et Jérémie va dire dans ces termes : « Chaque fois que je dois dire la parole, je dois crier, je dois proclamer violence et pillage. À longueur de journée la Parole du Seigneur attire sur moi l’injure et la moquerie. » On a beaucoup voulu dans notre monde reléguer au privé la religion mais je crois que la religion ne peut pas être privée parce que ce n’est pas une réalité qui est appelée à être cachée mais c’est une réalité qui est appelée à être montrée. Et dans des périodes comme celles de Jérémie comme dans les nôtres, cette Parole dérange parce que nous avons choisi nos prisons, nous avons choisi nos lieux d’enfermement et nous voulons nous convaincre que c’est de ces lieux-là que nous pourrons le mieux réaliser notre humanité alors que Dieu vient débusquer nos tromperies. Il veut nous amener, non pas nous laisser sur un chemin de mort, mais dans un chemin de vie. Et notre ami dit : « Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus  en son nom. » Il veut se protéger, il veut la tranquillité mais il est incapable parce que, s’il se tait il y a en lui un feu dévorant au plus profond de son être. « Je m’épuisais à le maîtriser sans y réussir. » Je pense que c’est une très belle expérience spirituelle, c’est une très belle expérience de lutte intérieure.

Dans la seconde lecture, c’est notre ami Paul qui nous dit : « Je vous exhorte, par la tendresse de Dieu à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint. » C’est intéressant ce que nous dit Paul : « Par la tendresse de Dieu ». La foi, l’adhésion, la réponse ne peuvent être que libre, ça ne peut  pas être une pression. On ne peut pas croire par pression extérieure. Même si dans notre histoire d’Église on peut trouver de grandes époques où la foi a pu vouloir s’imposer, l’adhésion ne peut pas s’imposer, elle ne peut venir que du dedans, elle ne peut venir que d’un cœur et un esprit qui est libre et qui reconnaît l’objet de son amour. « Ne prenez pas pour modèle le monde présent. » Souvent, on interprète cette réalité-là comme une haine du monde, comme un mépris du monde. Dieu n’a aucun mépris du monde qu’il a créé. Ce qu’il méprise, c’est ce qui défigure son humanité, et, c’est évident que toucher ou faire l’expérience de Dieu c’est de se distancier des biens immédiats, c’est d’être capable de reconnaître qu’on est appelé à une autre dimension qui ne nous est pas donnée d’abord par l’expérience matérielle, par l’expérience mondaine, mais qui nous est donnée au cœur d’une intimité qui peut trouver place parce que la Trinité n’est absolument pas fermée, elle est ouverte et nous pouvons y trouver notre place. Et au coeur de cette intimité nous pouvons être au milieu du monde ce qui nous appelle à devenir une création nouvelle, une naissance et une renaissance continues pour achever ce qui a commencé avec le début de notre histoire.

Dans l’évangile, Pierre dit à Jésus : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. » C’est comme un signe pour Jésus lorsque Pierre affirme cette réalité, il commence à montrer à ses disciples qu’il lui faut partir pour Jérusalem. Et il sait très bien ce qu’il vivra à Jérusalem et il sait très bien le choc qu’auront ses disciples, mais s’ils ont à reconnaître le Messie, il ne faut pas qu’ils restent dans cette illusion d’un Messie tout-puissant, d’un Messie qui fait l’économie qu’on devienne nous-mêmes des chemins de salut, et que ce salut n’est pas un salut temporel, c’est je dirais, un salut existentiel. C’est un salut qui fait qu’on est plus vivant que mort, et on peut avoir des manières d’exister qui sont tout à fait mortelles. On en a tellement de signes dans notre monde et notre société. Tout dernièrement encore, vous vous souvenez sûrement de ce qui s’est passé en Norvège, un pays riche, un pays de grande beauté, un pays de conditions sociales extraordinaires et un jeune homme qui, dans un délire et une folie qu’on peut à peine imaginer va enlever la vie à tant d’autres personnes presque convaincu d’avoir rendu un grand service à l’humanité. Ce sont des égarements, ce sont des destructions, ce sont des gestes profondément mortels qui ne peuvent s’expliquer que par une coupure, une rupture avec l’humanité même qui est enracinée en nous.

Jésus veut, non pas que les apôtres rêvent de triomphe et non pas d’un établissement d’un pouvoir religieux, mais il désire qu’ils soient vraiment capables de mener le combat dans ce qui défigure la bonté de leur humanité. Et ceci ne peut se faire que dans l’accueil de ses limites, que dans l’accueil de sa vulnérabilité.  Jésus, comme humain, va nous apprendre à vivre et à accueillir ce chemin à travers tout ce qu’il vivra à Jérusalem, à travers sa Passion mais surtout à travers sa confiance, son abandon au Père, et la certitude que l’Esprit va vaincre la mort et que cet Esprit qui va être soufflé par Lui va pouvoir venir régner sur cette humanité qui a besoin de se reconnaître en son Père. Bonne semaine mes amis !

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