Commentaire du 26 août 2012 / Pierre Desroches (106e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

« Qui va être notre Dieu ? / Notre période où les gens se sont affranchis du Temple / Être soumis les uns aux autres / À qui allons-nous quand on se coupe de nos sources et de l’eucharistie ? / L’eucharistie nous révèle le sens de l’offrande que Dieu fait de lui / Les impossibles que Dieu veut réaliser dans nos histoires.»

– Références pour les textes bibliques (AELF) : http://aelf.org/?date_my=26/08/2012

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Évangile : Fidélité des Douze et confession de foi de Simon-Pierre (Jean 6, 60-69)
Jésus avait dit dans la synagogue de Capharnaüm : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. » Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, s’écrièrent : « Ce qu’il dit là est intolérable, on ne peut pas continuer à l’écouter ! » Jésus connaissait par lui-même ces récriminations des disciples. Il leur dit : « Cela vous heurte ? Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant ?… C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. » Jésus savait en effet depuis le commencement qui étaient ceux qui ne croyaient pas, et celui qui le livrerait. Il ajouta : « Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père. » À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en allèrent et cessèrent de marcher avec lui. Alors Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu. » 

1ère lecture : Fidélité des tribus au Dieu unique (Josué 24, 1-2a.15-18b)
Josué réunit toutes les tribus d’Israël à Sichem ; puis il appela les anciens d’Israël, avec les chefs, les juges et les commissaires ; ensemble ils se présentèrent devant Dieu. Josué dit alors à tout le peuple : « S’il ne vous plaît pas de servir le Seigneur, choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir : les dieux que vos pères servaient au-delà de l’Euphrate, ou les dieux des Amorites dont vous habitez le pays. Moi et les miens, nous voulons servir le Seigneur. » Le peuple répondit : « Plutôt mourir que d’abandonner le Seigneur pour servir d’autres dieux ! C’est le Seigneur notre Dieu qui nous a fait monter, nous et nos pères, du pays d’Égypte, cette maison d’esclavage ; c’est lui qui, sous nos yeux, a opéré tous ces grands prodiges et nous a protégés tout le long du chemin que nous avons parcouru, chez tous les peuples au milieu desquels nous sommes passés. Nous aussi, nous voulons servir le Seigneur, car c’est lui notre Dieu. »

Psaume 33, 2-3.16-17.20-23

R/ Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur !

Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !

Le Seigneur regarde les justes,
il écoute, attentif à leurs cris.
Le Seigneur affronte les méchants
pour effacer de la terre leur mémoire.

Malheur sur malheur pour le juste,
mais le Seigneur chaque fois le délivre.
Il veille sur chacun de ses os :
pas un ne sera brisé.

Le mal tuera les méchants ;
ils seront châtiés d’avoir haï le juste.
Le Seigneur rachètera ses serviteurs :
pas de châtiment pour qui trouve en lui son refuge.

2ème lecture : Le grand mystère du Christ, époux de son Église (Éphésiens 5, 21-32)
Frères, par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres ; les femmes, à leur mari, comme au Seigneur Jésus ;car, pour la femme, le mari est la tête, tout comme, pour l’Église, le Christ est la tête, lui qui est le Sauveur de son corps. Eh bien ! si l’Église se soumet au Christ, qu’il en soit toujours de même pour les femmes à l’égard de leur mari. Vous, les hommes, aimez votre femme à l’exemple du Christ : il a aimé l’Église, il s’est livré pour elle ; il voulait la rendre sainte en la purifiant par le bain du baptême et la Parole de vie ; il voulait se la présenter à lui-même, cette Église, resplendissante, sans tache, ni ride, ni aucun défaut ; il la voulait sainte et irréprochable. C’est comme cela que le mari doit aimer sa femme : comme son propre corps. Celui qui aime sa femme s’aime soi-même. Jamais personne n’a méprisé son propre corps : au contraire, on le nourrit, on en prend soin.  C’est ce que fait le Christ pour l’Église, parce que nous sommes les membres de son corps. Comme dit l’Écriture : À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. Ce mystère est grand : je le dis en pensant au Christ et à l’Église.

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Commentaire du 26 août 2012 (106e) – 21e semaine du Temps Ordinaire (année B)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle !

L’abbé Pierre Desroches                 

Mes amis, cette semaine, on est avec Josué, où toutes les tribus d’Israël sont réunies à Sichem et la question que Dieu va poser au peuple c’est le choix qu’ils vont faire de Lui ou des autres dieux. Pour moi c’est un texte qui me parle beaucoup. Je suis un vieux montréalais, j’ai connu une cité qui avait très clairement fait un choix qui était celui de Dieu. Je connais l’histoire d’une cité qui s’est développée autour des temples. La façon de bâtir la ville à l’époque c’était pour ouvrir une nouvelle  partie, d’y établir une paroisse, et tout venait : l’école apparaissait, les enseignants paraissaient, les commerces étaient là, le peuple pouvait se retrouver dans son Temple, et le Temple faisait que les gens devenaient non pas seulement que des voisins étrangers mais qu’ils devenaient des proches qui se rencontraient de façon excessivement régulière, même pendant des années, parce qu’à l’époque on vivait beaucoup dans des quartiers. À peu près chacune des paroisses de Montréal va nous parler dans son histoire d’un développement de la cité.

On pourrait  dire qu’on ne peut pas passer à côté du choix de Dieu. Qui va être notre Dieu ? Si ce n’est pas celui de Jésus Christ, ça va être un autre dieu, avec toutes les conséquences parce que c’est un choix très fondamental cette question de Dieu. On ne peut pas inconsciemment faire le choix de Jésus Christ, il faut que ça soit un choix conscient, parce que sinon ça ne sera pas Lui notre Dieu. Les exigences d’appartenir au Christ sont à la fois peut-être grandes et à la fois petites parce que c’est Lui qui, le premier qui est engagé par rapport à l’humanité, le Dieu de Jésus Christ, c’est Lui qui s’engage d’abord par rapport à nous, mais si nous on s’engage à le reconnaître toute notre façon d’être va être différente.

J’ai trois paroisses actuellement sur le Plateau Mont-Royal où j’assume la fonction de curé. Comme je  suis prêtre à Montréal depuis 36 ans, quand j’ai été ordonné déjà une grande partie du Peuple de Dieu s’était affranchie du temple, l’avait quitté. Dans les trente quelques années qui ont suivi, j’ai vu  de plus en plus se vider aussi nos lieux de célébration. Parfois à l’Eucharistie le dimanche, j’ai des gens, – il nous reste peut-être une quarantaine de personnes, cinquante personnes -, et j’en ai parfois  deux ou trois qui viennent m’annoncer qu’ils déménagent. Alors moi, je soustrais les membres qui sont amputés à la communauté qui est déjà assez humble et fragile dans certaines de mes églises. Ça m’apprend quelque chose sur notre société, ça m’apprend quelque chose sur ce qui advient, ce qui arrive, et ça m’apprend aussi une sagesse. Quand vous avez un immense temple qui peut contenir deux mille personnes et que vous êtes rendus à peu près quarante, si vous prenez sur vous de sauver l’édifice et d’être celui qui va trouver tous les moyens, toutes les ressources pour que ça puisse continuer, bien vous vous faites illusion. La vie et le salut de ces lieux, ils ne m’appartiennent pas d’abord à moi en premier, mais ils appartiennent à Dieu. Certains vont dire que c’est peut-être un peu irréaliste mais c’est beaucoup notre manière qu’on a  de vivre. On a  l’habitude de prendre sur nous la réalité. Si on pense qu’on est capable de fonder une famille et que le salut de cette famille va dépendre de nos forces, de nos capacités et de nos  moyens de répondre à toutes les attentes de la famille, il ne faut pas s’étonner qu’il y a beaucoup  de nos églises domestiques qui connaissent des effondrements et qui connaissent de grandes difficultés. Je pense que fondamentalement, cette attitude de tout faire comme si tout dépendait de nous mais d’avoir une grande confiance, une grande humilité pour savoir que les choses dépendent de Lui, ça nous oriente d’une façon différente dans notre quotidien et dans  notre manière d’être. Ce que je trouve extraordinaire au moment où les espaces de culte se vident, ils demeurent des espaces et sur le Plateau Mont-Royal où je suis, le plus grand besoin, le plus grand manque, c’est justement de trouver des espaces. Dieu nous les a mis entre les mains, de quoi Dieu veut les remplir ces espaces ? On peut se les approprier, on peut les prendre pour soi, on peut les vouloir pour soi. Pour moi la question fondamentale, Dieu veut les remplir comment et de qui ? Je ne répondrai pas à cette question aujourd’hui.

Dans la deuxième lecture qui est un texte qui a donné une très mauvaise presse à notre ami Paul où on l’a accusé d’être misogyne, c’est un texte qui mérite d’être approfondi et d’être scruté. Ce fameux texte qui parle de « femmes soyez soumises à vos maris » et qui va faire faire une indigestion dans une société comme la nôtre à partir du moment de l’interprétation qu’on va faire du mot « se soumettre ». Mais la Parole de Paul commence par ceci. Je vous la lis : « Frères, par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres ». Ce n’est pas d’abord « femmes  soyez soumises à vos maris » mais « soyez soumis les uns aux autres ». Puis il va parler de la soumission des femmes aux maris, de la soumission du mari – il ne le dira pas avec ce mot-là – pour l’Église, pour la famille, lui qui est à l’image du Christ, la tête. Il va parler de la soumission des enfants par rapport aux parents, dans le fond, il va parler de ne pas se mettre au-dessus des autres, ni de se mettre en dessous, mais de tenir compte, être soumis.

Vous savez moi, à tous les dimanches, si je mettais un chiffre ou un nombre pour accepter de célébrer l’Eucharistie, je ne me soumettrais pas aux 20 personnes ou aux 50 personnes qui viennent. C’est comme si dans les débuts de mon ministère lorsque je n’avais que trois enfants qui venaient à l’Eucharistie sur une population de deux cent cinquante étudiants, j’avais décidé de mettre fin à l’expérience eucharistique, je ne me serais pas soumis à ces trois qui venaient. Tout ce que ces trois m’ont appris sur la multitude, je n’aurais pas pu m’ouvrir à cette réalité-là dont le cadeau m’a été fait vraiment par l’Eucharistie. Il y a beaucoup apprendre même dans la célébration eucharistique. Il y a beaucoup à apprendre de la communion des uns et des autres, il y a beaucoup à toucher, il y a beaucoup à voir, soit à travers ceux qui sont là ou de ceux qui n’y sont plus, ou de ceux qui nous arrivent. C’est Dieu qui, dans sa Parole, nous éduque à la réalité, qui nous éduque à la reconnaissance mutuelle. Si je fermais la porte à tous ceux que je ne vois pas régulièrement parce qu’ils viennent demander le mariage et que je décidais que comme il y a 50% des statistiques qui disent que les gens vont se séparer, et que je décidais par moi-même de dire que j’arrête ça, je ne me soumettrais pas à une réalité et à un appel que le Seigneur me fait d’accompagner des jeunes qui, avec toutes les puretés qu’ils peuvent avoir dans l’intention de leurs cœurs, le grand désir de fonder un amour qui va durer puis qui va traverser les épreuves, si je ne les accueillais pas dans ce désir-là, si je ne les accompagnais pas dans ce désir-là, si je ne les invitais pas à venir faire partie de la communauté qui va pouvoir avec eux relever cet impossible pour deux êtres de dire « on va s’aimer pour la vie ». Ce n’est pas une capacité d’abord humaine de faire une promesse d’amour pour la vie, c’est une capacité de Dieu.

Donc, si on ne se soumet plus à l’Eucharistie, comment voulez-vous que notre vie devienne communion, comment voulez-vous que nos alliances deviennent fécondes, comment voulez-vous que les impossibles deviennent, je dirais, traversées. Il y a dans toute cette sagesse millénaire de la spiritualité chrétienne quelque chose qui nous est profondément transmis par ce sacrement qui est vraiment le sacrement du don de la vie, Jésus qui s’offre. Nous sommes fondamentalement des dons de Dieu, et le propre d’un don c’est de s’offrir. Et où allons-nous apprendre à nous offrir, et nous allons nous offrir à qui, et nous allons offrir quoi ? Alors que l’Eucharistie, c’est elle qui va profondément nous révéler le sens de l’offrande que Dieu veut faire de Lui à travers nous, de l’impossible que Dieu veut venir réaliser dans nos histoires. Je pense que la méditation des paroles et de les fréquenter et de les fréquenter avec d’autres,  d’être capables de les amener au sein même de notre Église domestique, c’est comme impossible à faire si on n’a pas une communion à la source. Et je pense que l’Eucharistie demeure la grande source pour la vie de l’Église, pour nourrir la vie éternelle qu’on est appelés déjà à expérimenter et déjà à accomplir.

Dans l’Évangile c’est la profession de foi de Pierre. Jésus va dire : « Voulez-vous partir vous aussi ». comme d’autres laissent parce que, quand il parle de sa chair, quand il parle de son sang versé, on trouve que c’est impossible. Et  Pierre va dire: « Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » Lorsqu’on se coupe de ses sources, justement, à qui allons-nous et à qui nous mettons-nous à appartenir ? Qu’est-ce que cette appartenance nous apporte dans notre qualité de vie même entre nous ? Je terminerais en vous disant qu’après mes trente quelques années  de vie commune et quotidienne avec des personnes handicapées et avec beaucoup de personnes handicapées, parce que je suis aussi présent dans les institutions, et comme je fais route avec eux depuis toutes ces années, je puis dire que c’est beaucoup mon pain quotidien. Si  je n’avais pas cette source, comment ma fidélité aurait pu s’inscrire dans une réalité qui, chaque jour, est confrontée à des obstacles dont on ne sait absolument pas comment les franchir. Mais je pense que cette communion à Dieu, cette source dans laquelle je peux  me retrouver avec eux, nous donne la joie d’essayer de les franchir ensemble. Et je sais très bien que si je suis pour eux un pain de vie,  ils sont aussi pour moi un pain de vie. Et je ne peux  pas oublier à chaque fin d’Eucharistie mon ami René qui a une cinquantaine d’années, lorsque je célèbre à St-Charles-Borromée qui s’appelle maintenant le CHSLD de Centre-Ville de Montréal, qui me dit « merci pour l’Eucharistie ». J’y suis depuis douze ans et depuis douze ans, à chaque eucharistie j’entends de la bouche de mon ami René « merci pour l’Eucharistie ». Je vous souhaite à chacun cette renaissance.

 

 

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2 commentaires

  1. louis monette dit :

    Bonjour Pierre
    C’est toujours avec plaisir et un grand intérêt que je regarde tes commentaires. Ils sont pour moi une source de réflexion sur ma foi et mon engagement. Bonne journée. Louis

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