Commentaire du 25 mars 2012 / Pierre Desroches (83e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page. 

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses St-Pierre Claver et St-Stanislas de Kostka de Montréal. Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.
– Gino Fillion : caméra, composition de la musique et montage.

« Apprendre à intérioriser la loi pour qu’elle soit dans notre cœur / Chez Jésus l’obéissance et le lien avec son Père a dominé toute sa vie / Jésus détourne l’attention et l’admiration que les Grecs lui portent, vers la croix qui est la volonté du Père / En cherchant le Christ on trouve le Père. »

– Références pour les textes bibliques (AELF) : http://aelf.org/?date_my=25/03/2012

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Évangile : Jésus voit arriver son heure (Jean 12, 20-33)
Parmi les Grecs qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu durant la Pâque, quelques-uns abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée. Ils lui firent cette demande : « Nous voudrions voir Jésus. » Philippe va le dire à André ; et tous deux vont le dire à Jésus. Alors Jésus leur déclare : « L’heure est venue pour le Fils de l’homme d’être glorifié. Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perd ; celui qui s’en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle. Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. Maintenant je suis bouleversé. Que puis-je dire ? Dirai-je : Père, délivre-moi de cette heure ? — Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! » Alors, du ciel vint une voix qui disait : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. » En l’entendant, la foule qui se tenait là disait que c’était un coup de tonnerre ; d’autres disaient : « C’est un ange qui lui a parlé. » Mais Jésus leur répondit : « Ce n’est pas pour moi que cette voix s’est fait entendre, c’est pour vous. Voici maintenant que ce monde est jugé ; voici maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. » Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir.

1ère lecture : La nouvelle Alliance (Jérémie 31, 31-34)
Voici venir des jours, déclare le Seigneur, où je conclurai avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda une Alliance nouvelle. Ce ne sera pas comme l’Alliance que j’ai conclue avec leurs pères, le jour où je les ai pris par la main pour les faire sortir d’Égypte : mon Alliance, c’est eux qui l’ont rompue, alors que moi, j’avais des droits sur eux. Mais voici quelle sera l’Alliance que je conclurai avec la maison d’Israël quand ces jours-là seront passés, déclare le Seigneur. Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai dans leur cœur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Ils n’auront plus besoin d’instruire chacun son compagnon, ni chacun son frère en disant : « Apprends à connaître le Seigneur ! » Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands, déclare le Seigneur. Je pardonnerai leurs fautes, je ne me rappellerai plus leurs péchés. 

Psaume 50, 3-4, 12-15

R/ Donne-nous, Seigneur, un cœur nouveau !

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.

Rends-moi la joie d’être sauvé ;
que l’esprit généreux me soutienne.
Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins ;
vers toi, reviendront les égarés. 

2ème lecture : La soumission du Christ, cause du salut éternel (Hébreux 5, 7-9)
Le Christ, pendant les jours de sa vie mortelle, a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ; et, parce qu’il s’est soumis en tout, il a été exaucé. Bien qu’il soit le Fils, il a pourtant appris l’obéissance par les souffrances de sa Passion ; et, ainsi conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel.

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Commentaire du 25 mars (83è) – 5e dimanche du Carême (année B)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q. 

La seule élévation que le Christ a acceptée fut celle de la croix

L’abbé Pierre Desroches

Aujourd’hui je suis heureux de revenir à vous avec cette belle Parole qui nous appelle à découvrir une alliance nouvelle. « Voici venir des jours, déclare le Seigneur, où je conclurai avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda une alliance nouvelle. » Et il nous dit : « Ce n’est pas comme celle que j’ai conclue avec vos pères, je les ai pris par la main pour les faire sortir d’Égypte. » J’aime l’image parce que c’est l’image d’un père et de  son enfant. Vous savez quand on est tout jeune, qu’on nous prenne par la main… – je voyais ce matin sur la rue des pères et même  des mères avec leur  enfant, qui, pour traverser les prenaient par la main pour les protéger de leur inattention qui pourrait être dangereuse avec toutes les voitures qui roulent en croyant qu’il n’y a plus d’enfants dans notre monde et qui ne sont pas vigilants et prudents – . Et toute cette alliance que Dieu a faite avec nous elle a commencé dans une relation qui ressemble à cette dynamique-là.  Ça fait maintenant quatre mille ans que cette alliance s’est réalisée avec Abraham et deux mille ans avec Jésus Christ, c’est comme si on est rendus ailleurs. Et le texte nous l’annonce bien des années avant, à travers la bouche de Jérémie. L’Alliance nouvelle qu’il nous annonce c’est : « Je mettrai ma  loi au plus profond d’eux-mêmes. » Ça arrive souvent dans la vie  qu’on a besoin de la loi qui va nous garder de faire des mauvais pas  mais cette loi elle est souvent extérieure, elle  nous encadre du dehors. C’est extraordinaire lorsque quelqu’un a intériorisé la loi, c’est-à dire qu’elle n’est plus au dehors de lui-même mais elle est au-dedans de lui-même. C’est ce dont nous parle le texte « Je l’inscrirai dans leur cœur, je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. » On sent qu’il y a dans cette annonce une manière tout à fait autre d’être en lien. « Moi, je suis à Lui, et Lui il est à moi. » On ne peut pas dire cela avec le Code civil  ou le Code de Droit  canonique, mais on peut dire cela avec la loi d’amour que Dieu inscrit au plus intime de nous-mêmes. Et on peut dire « moi je suis à Lui, je suis à Celui qui m’habite et celui qui m’habite, Il est à moi. » On retrouve toutes ces images-là  comme celui de l’enfant prodigue et même je dirais, de bien d’autres. Dans le Cantique des Cantiques on va retrouver très clairement cette expression : « Mon Bien-aimé est à moi et moi, je suis à Lui. » Qu’est-ce qu’il y a d’inscrit au plus profond de nos cœurs ? On est  invité à aller faire une visite à l’intérieur de nous pour voir si ce qui nous fait nous tenir debout, ce qui nous fait bouger, ce qui nous donne de l’énergie : est-ce que c’est l’amour ou c’est la haine ou si c’est de la révolte ? C’est une très belle Parole qui va nous annoncer une réalité dans laquelle nous avons tous été plongés, nous par notre baptême.

La deuxième lecture va nous parler du Christ et « que pendant ses jours mortels, il a présenté avec un grand cri et dans les larme, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ». Il y a une forme de mort que Jésus de Nazareth voyait bien venir,  il y avait pour lui quand même, peut-être un désir ou un souhait qu’il y ait un autre chemin. Personne choisirait de manière consciente ou appellerait un tel destin. « Et parce qu’il s’est  soumis en tout, il a été exaucé. » Ce qui a dominé chez Jésus de Nazareth, ce n’était pas sa peur, ce qui a dominé c’est l’obéissance, c’est le lien qu’il avait avec son Père. Qu’est-ce qui domine dans nos vies ? C’est la question que nous pose cette Parole. « Bien qu’il soit le Fils, il a pourtant appris l’obéissance ». Le texte nous révèle que Jésus de Nazareth a été en apprentissage et l’apprentissage à obéir qu’il a faite, c’est en s’appuyant sur le Père, en ne donnant pas la première place à ses sentiments ou son expérience humaine, mais en donnant la première place à toute son expérience de relation d’homme avec  Dieu son Père et son égal. C’est  cette réalité qui l’a conduit à sa perfection. « Il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel. » Vous savez c’est une pratique quotidienne dont cette Parole nous parle parce que l’obéissance on ne fait pas cela une fois de temps en temps dans notre vie, on fait cela du soir jusqu’au matin et du matin jusqu’au soir. Et si on n’est pas dans l’obéissance c’est qu’on est ailleurs et que cet ailleurs n’est pas celui de Dieu. Parce que le présent de Dieu nous appelle à être toujours dans cette relation de confiance qui nous fait être capables renoncer à nos chemins pour prendre le chemin qu’il nous indique, pas de l’extérieur, mais du dedans, et au plus profond de nous.

Dans l’Évangile, on nous dit que plusieurs Grecs sont montés à Jérusalem pour adorer Dieu pendant la Pâque. Évidemment, c’étaient des Grecs qui  probablement, faisaient partie du judaïsme qui reconnaissaient dans le Temple de Jérusalem cette présence unique de Dieu dans le Saint des Saints. Et quelques-uns ayant déjà entendu parler du Christ, de Jésus vont approcher, vont aborder Philippe. Ils lui font une demande : « Nous voudrions voir Jésus ». Ça nous dit déjà que la réputation de Jésus est rendue en Grèce et qu’elle les a rejoints et que tout n’est pas clair pour eux, mais cette personne est assez significative pour qu’ils aient un grand désir au moment  de ce pèlerinage annuel, c’est de le rencontrer. Philippe va dire à André – c’est comme si Philippe ne voulait pas se présenter tout seul devant  Jésus – et il va voir André et tous deux ils vont le dire à Jésus. Là on est une déclaration de Jésus : « L’heure est venue pour le Fils de l’homme d’être glorifié. » C’est assez énigmatique. Pourquoi à cette question des Grecs qui veulent le voir, Jésus dit que : « c’est l’heure pour lui d’être glorifié ». Et en Jean, on sait très bien que l’heure de la glorification, c’est la croix. Alors c’est comme si Jésus était en train de dire qu’il n’est pas une vedette, qu’il n’est pas le centre de son annonce, que le cœur de la relation ce n’est pas d’abord avec Lui, mais c’est d’être plongé dans l’amour infini et la volonté du Père.

« Je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul, mais s’il meurt il donne beaucoup de fruit. » Jésus n’est pas en train de se faire une publicité ou de chercher une reconnaissance sociale ou de s’imposer comme être, il est en train d’annoncer qu’il va être dépossédé entièrement, complètement de sa vie, et qu’il va tomber en terre, qu’il va mourir pour donner beaucoup de fruit. Et il y a un fruit qui ne passera plus par une rencontre immédiate du Nazaréen mais qui va passer par la reconnaissance du Christ. Et le Christ nous est donné par ce passage de la mort à la résurrection. « Celui qui aime sa vie la perd ». On est tellement habitué d’entendre ça…  Est-ce que pour nous c’est une pratique habituelle ? « Celui qui aime sa vie la perd ». Ce n’est pas tellement l’éducation que nous avons reçue. Ce ne sont pas tellement les désirs qui sont le plus inscrits au fond de nous. « Celui qui s’en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle. » On a de grandes attaches avec le monde et on serait souvent portés à dire : les trésors de la vie éternelle on pourra les recevoir quand on sera de l’autre côté, pour l’instant on pourrait peut-être se satisfaire de ceux qui sont de ce monde, lui nous valorisent, qui nous rassurent. « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ». Ce n’est pas qu’il me recherche pour je ne sais pas quoi, mais qu’il se mette à ma suite, qu’il mette ses pas dans les miens. « Et là où je suis,- il est toujours dans le Père- là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera ».   On voit très bien toute la densité de cette appartenance mutuelle du Fils avec le Père. Ne me cherchez pas pour me trouver moi, cherchez moi pour trouver le Père parce que le don que j’ai à faire, c’est bien celui du Père.

« Et maintenant je suis bouleversé» Est-ce que je dirais « Père  délivre-moi de cette heure ? » Très belle parole. Avez-vous déjà fait le calcul dans vos vies du nombre d’heures, de certaines heures de vos vies que vous auriez aimé éviter ? « Père délivre-moi de cette heure » mais non, « c’est pour cela que je suis venu à cette heure-ci ». Que ce soit dans ma vie de curé, de pasteur, il y a souvent dans mes engagements, dans mes responsabilités des heures dont j’aimerais beaucoup me soustraire, mais justement c’est pour cette heure que je suis venu, l’heure où la vie qui vient de toi va être victorieuse de cette vie qui n’est pas réelle, de cette vie qui est une illusion, de cette vie qui nous est annoncée par un monde mais qui ne conduit nulle part. « Et en entendant cela la foule qui se tenait là disait que c’était un coup de tonnerre, » parce qu’au moment où  Jésus avait dit ça, une voix venant du ciel disait : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. » Le coup de tonnerre, c’est une voix forte qui résonne mais qui n’est pas nécessairement audible et c’est intéressant de voir ce que Jésus va dire. « Cette voix elle n’est pas pour moi elle est pour vous. » Combien de coups de tonnerre dans notre  vie dont on n’a pas pris le temps de bien entendre ce que Dieu était en train de nous dire ? On est resté sur le bruit, on est resté sur le tonnerre, alors qu’on était invité à l’intérieur, à entendre une voix beaucoup plus douce qui nous parlait d’un chemin de glorification. Jésus répondit : « Ce n’est pas pour moi que cette voix qui s’est fait entendre, c’est pour vous. » Je vous invite à prendre le temps de voir ce qui a été tonnerre dans vos existences pour être bien conscients de l’appel qui vous était fait de passer de la mort à la vie. « Et moi j’attirerai tous les hommes quand je serai élevé de terre. » Le seul moment où dans la vie de Jésus il s’est mis au-dessus, c’est quand il a été  sur la croix. Est-ce que nous sommes prêts à cette élévation parce que c’est de cette élévation que la gloire va nous être donnée.

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