Commentaire du 21 août 2011 / Pierre Desroches (50e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses St-Pierre Claver et St-Stanislas de Kostka de Montréal. Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.
– Gino Fillion :
caméra et montage.

« La caractéristique du serviteur de Dieu : l’enracinement / Une expérience spirituelle donne du souffle / La terre et le ciel sont deux réalités liées / La vocation importante de délier mais aussi de lier pour faire advenir le corps. »

– Références pour les textes bibliques (AELF) : http://aelf.org/?date_my=21/08/2011

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Évangile : « Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux » (Matthieu 16, 13-20)
Jésus était venu dans la région de Césarée-de-Philippe, et il demandait à ses disciples : « Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes ? » Ils répondirent : « Pour les uns, il est Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes. » Jésus leur dit : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Prenant la parole, Simon-Pierre déclara : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! » Prenant la parole à son tour, Jésus lui déclara : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » Alors, il ordonna aux disciples de ne dire à personne qu’il était le Messie.

1ère lecture : Je te confierai les clefs de la maison de David (Isaïe 22, 19-23)
Parole du Seigneur adressée à Shebna le gouverneur : « Je vais te chasser de ton poste, t’expulser de ta place. Et, ce jour-là, j’appellerai mon serviteur, Éliakim, fils de Hilkias. Je le revêtirai de ta tunique, je le ceindrai de ton écharpe, je lui remettrai tes pouvoirs : il sera un père pour les habitants de Jérusalem et pour la maison de Juda. Je mettrai sur son épaule la clef de la maison de David : s’il ouvre, personne ne fermera ; s’il ferme, personne n’ouvrira. Je le rendrai stable comme un piquet qu’on enfonce dans un sol ferme ; il sera comme un trône de gloire pour la maison de son père. »

Psaume 137, 1-2a, 2bc-3, 6a.8

R/ Toi, le Dieu fidèle, poursuis ton oeuvre d’amour

De tout mon coeur, Seigneur, je te rends grâce :
tu as entendu les paroles de ma bouche.
Je te chante en présence des anges,
vers ton temple sacré, je me prosterne.

Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité,
car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole.
Le jour où tu répondis à mon appel,
tu fis grandir en mon âme la force.

Si haut que soit le Seigneur, il voit le plus humble.
Le Seigneur fait tout pour moi.
Seigneur, éternel est ton amour :
n’arrête pas l’oeuvre de tes mains.

2ème lecture : Profondeur insondable du mystère du salut (Romains 11, 33-36)
Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu ! Ses décisions sont insondables, ses chemins sont impénétrables ! Qui a connu la pensée du Seigneur ? Qui a été son conseiller ? Qui lui a donné en premier, et mériterait de recevoir en retour ? Car tout est de lui, et par lui, et pour lui. À lui la gloire pour l’éternité ! Amen.

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Commentaire du 21 août 2011 (50è) – 21e dimanche du temps ordinaire
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

L’autorité qui doit venir de la solidité de l’être : Tu es Pierre…

L’abbé Pierre Desroches

Bonjour mes amis, aujourd’hui on se retrouve dans une chapelle, une des vieilles chapelles du diocèse de Québec. Cette chapelle appartient à un domaine où on trouve le Château-Bellevue. Je vous en ai parlé parce que je suis ici depuis  déjà quelques semaines et qui est la plus petite municipalité du Québec, celle de St-Louis-de-Gonzague. Il y a très peu d’habitants puisque les seuls qui habitent cette petite ville sont au nombre de cinq personnes, un couple et leurs deux enfants; et aussi celui qui s’occupe des finances du Séminaire de Québec. C’est un lieu qui est rempli d’histoire, c’est un lieu qui accueille des prêtres pour des temps de repos ou pour un temps de retraite comme cela est actuellement. Vous êtes dans un lieu privilégié, parce que c’est un lieu qui est privé qui donne un service de vacances pour des gens qui ont besoin de venir se refaire. Aujourd‘hui on va avoir un texte qui est très sacerdotal, j’ai presque le goût de vous chanter une partie de l’évangile qu’on va écouter et que je vais commenter. Alors je vous invite à l’accueillir : (Texte de Matthieu (16, 13-20).

C’est un des textes qui est très connu. Probablement que vous ne vous êtes pas aperçu que j’ai escamoté quelques versets au début. Peut-être que je vous les commenterai ou pas, mais je vais quand même commencer avec la première lecture de la semaine. C’est un texte qui est tiré d’Isaïe. Dieu s’adresse avec beaucoup d’autorité et il s’adresse au gouverneur en disant ceci : « Je vais t’expulser de ton poste, t’expulser de ta place. » Vous savez, l’autorité pour moi, ce n’est pas d’abord quelque chose qui nous est communiqué, c’est d’abord quelque chose qui vient de la solidité de notre être. Et assumer des postes d’autorité sans avoir la solidité intérieure, habituellement, cela n’a pas beaucoup de durée et c’est appelé à avoir un terme assez rapide. Dès le début de ce texte, le Seigneur annonce qu’il sera retiré et qu’il va mettre son serviteur. Ce serviteur à qui il va remettre, ce n’est pas celui qui est dominé, qui est une marionnette de Dieu, c’est quelqu’un qui a une expérience de Dieu et c’est quelqu’un qui va être capable de faire face aux réalités qui vont se présenter à lui et qui va pouvoir ouvrir des voies, ouvrir des chemins, permettre que les personnes ne soient ni divisées, ni trompées, ni égarées mais qu’elles puissent trouver dans tout cet événement une voie de sortie.

Et on dit ici : « Je mettrai sur l’épaule de celui que je vais choisir les clefs de la maison de David ». On voit qu’il y a une répétition des clefs de ce texte de l’Ancien Testament. On va trouver les autres dans le Nouveau Testament. « S’il ouvre, personne ne fermera et s’il ferme, personne n’ouvrira. Je le rendrai stable comme un piquet qu’on enfonce dans un sol ferme. » C’est une belle image qui peut nous interroger sur notre propre réalité.  Est-ce que nous sommes solides comme un piquet enfermé dans le sol ? Est-ce qu’on a des expériences ? Est-ce qu’on est bien – l’expression qu’on utilise en anglais -« groundé », enraciné ? Est-ce que ce qui sort de notre bouche est bien expérimenté par nos entrailles ? C’est la caractéristique du serviteur de Seigneur. Et c’est pour cela qu’il va pouvoir « ouvrir sans que personne ferme et fermer sans que personne ouvre. » Ce n’est pas par peur, ce n’est pas à la force de ses bras mais c’est par la conviction, par l’autorité de sa Parole qui est toujours une autorité d’être.

Dans la deuxième lecture : « Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu ! » On a de la misère à sonder. « Ses chemins sont impénétrables ! » Y a des choses qu’on ne saisit pas facilement. Je me souviens très bien que, quand dans le début de mon ministère, je m’étais engagé au célibat et que pour plusieurs cela voulait dire de ne pas avoir d’enfant, et que neuf mois après mon ordination, je me retrouve avec en enfant, ce qui n’était ni évident pour moi, ni évident pour mon entourage. Une des choses qui est plus claire pour moi aujourd’hui, le célibat n’est pas un engagement à ne pas avoir d’enfant, c’est une manière de vivre sa sexualité, c’est une façon d’avoir un rapport avec soi-même, avec notre corps et aussi avec la réalité des autres. Les enfants sont habituellement présents de façon différente. Il est plus rare qu’on voit des prêtres qui en ont, mais ça pour vous dire que les chemins de Dieu sont souvent impénétrables. Il y a une sagesse qui dépasse la simple expérience humaine. C’est une expérience spirituelle. Et une expérience spirituelle c’est une expérience qui a du souffle, c’est une expérience qui donne du souffle et non pas qui coupe le souffle. Parfois il y a des événements qui le coupent, on se retrouve devant des réalités qui nous alourdissent. Mais une expérience spirituelle ça nous permet de trouver le chemin pour que ce qui est lourd devienne léger. On a des textes qui nous parlent dans ce sens-là.

Aujourd’hui, quand dans l’Évangile le Seigneur pose la question : « Au dire des gens qui est le Fils de l’homme ? Pour les uns Jean-Baptiste, pour les autres Élie, pour d’autres encore Jérémie ou l’un des prophètes ? » Le repère est toujours du passé. Mais Pierre prend la parole et il dit : « Tu es le Messie, tu es le Fils du Dieu vivant. » Ce que va confirmer Jésus dans cette parole de Pierre c’est qu’elles sont données par des assises intérieures. Ce n’est pas du dehors que tu es capable de le dire, ce n’est pas parce qu’on  lui a appris ou qu’on lui a transmis dans un catéchisme. C’est qu’il a reconnu. Reconnaître quelqu’un c’est un acte éminemment que je dirais d’alliance, un acte d’intimité. Et Jésus confirme que cette intimité, Pierre l’a déjà avec Père et que c’est son Père qui, à travers lui, donne l’identité réelle et authentique de Jésus.

Dans la prochaine étape de cette Parole on va entendre ceci, qui est justement l’image des clefs. On peut avoir entendu une porte s’ouvrir parce que quelqu’un voulait entrer dans ce lieu qui lie et qui délie, qui est un espace sacré et qui vient, riche de cette expérience, les clefs de Pierre se mettent en présence de celui qui peut ouvrir et qui peut aussi fermer. Je pense que l’image est donnée pour insister surtout sur la première partie et mettre en contraste : « Je te donnerai les clefs du Royaume et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel. » La terre et le ciel ce sont deux réalités comme j’aime le dire et que je vous ai déjà dit, qui ne sont pas parallèles. Ce sont deux réalités qui sont profondément elles-mêmes liées et qu’il y a dans ce qui s’accomplit ici, une réalité qui s’accomplit aussi dans ce lieu qui est céleste où réside cette présence aimante du Père, du Fils et de l’Esprit. Et d’avoir cette vocation, d’avoir cette mission de lier, je pense que c’est un grand besoin pour notre monde, parce qu’on a un monde très délié mais pas délié du mal mais délié les uns des autres. On se retrouve beaucoup dans une réalité d’individualisme où le corps est brisé, où le corps est morcelé, divisé. Avoir pour mission de lier c’est avoir la mission de faire advenir ce corps qui rend l’humanité vivante, que le Père va même reconnaître comme étant le corps de son Fils pour lequel il va faire le don de l’Esprit. C’est cette mission qui est la mission des baptisés.

Pierre reçoit les clefs c’est comme s’il recevait le pouvoir d’entrer, le pouvoir d’ouvrir ou de fermer. Et je pense que le pouvoir de délier c’est aussi un très beau pouvoir parce quand il s’agit de délier les hommes et les femmes du mal, c’est un service à l’humanité qui est essentiel parce que souvent pour des événements, pour des éléments d’une histoire les êtres se blessent et se blessent au plus profond. Et plus la blessure est profonde plus elle peut, si l’être n’est pas délié, résonner dans des mots ou des réalités d’une grande maladie. On en connait. Je n’ai pas le goût de vous en nommer mais on en connaît beaucoup des choses qui, ces derniers temps peuvent nous interroger. Je lisais que ces derniers temps à Montréal encore l’effondrement (d’une partie de la structure) d’un pont. On se pose des questions sur ceux qui ont eu la responsabilité de surveiller, de ceux qui l’ont construit. Est-ce que ceux qui l’ont construit ont tenu compte des normes ? Est-ce que l’appétit de l’argent a fait qu’on s’est un peu fermé les yeux sur les conséquences de l’avenir et sur la dangerosité de ce larcin. On a  vu des tueries qui sont horribles. Quand on n’est pas délié de notre mal et quand ce mal a des racines profondes, il peut vraiment nous faire poser des gestes et interroger grandement les sociétés qui se retrouvent  dans une réalité semblable.

Je souhaite que dans ce beau ministère qui est de lier et délier vous puissiez avoir la joie de vivre ce qui vient du ciel. Je vous bénis au nom du Père et du Fils et du saint Esprit. Bonne semaine mes amis.

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1 commentaire

  1. Godart dit :

    MAGNIFIQUE!!!..Merci Pierre pour votre bénédiction.

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