Commentaire du 2 octobre 2011 / Pierre Desroches (56e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

 – Pierre Desroches est prêtre des paroisses St-Pierre Claver et St-Stanislas de Kostka de Montréal. Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.
– Gino Fillion : caméra, montage et guitare.

« Une époque où le monde s’est transformé / Le Seigneur est-il déçu de sa vigne? / Le rôle social de l’Église s’est transformé / Un temps de passage / La paroisse doit être d’abord un corps / La fidélité de la bâtisse ou du service? / Ouvrir nos portes / Les organismes laïcs qui ont remplacé le travail des communautés religieuses. »

– Références pour les textes bibliques (AELF) :  http://aelf.org/?date_my=02/10/2011

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Évangile : Parabole des vignerons meurtriers (Matthieu 21, 33-43)
Jésus disait aux chefs des prêtres et aux pharisiens : « Écoutez une autre parabole : Un homme était propriétaire d’un domaine ; il planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et y bâtit une tour de garde. Puis il la donna en fermage à des vignerons, et partit en voyage. Quand arriva le moment de la vendange, il envoya ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de la vigne. Mais les vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l’un, tuèrent l’autre, lapidèrent le troisième. De nouveau, le propriétaire envoya d’autres serviteurs plus nombreux que les premiers ; mais ils furent traités de la même façon. Finalement, il leur envoya son fils, en se disant : ‘Ils respecteront mon fils.’ Mais, voyant le fils, les vignerons se dirent entre eux : ‘Voici l’héritier : allons-y ! tuons-le, nous aurons l’héritage !’ Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. Eh bien, quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? » On lui répond : « Ces misérables, il les fera périr misérablement. Il donnera la vigne en fermage à d’autres vignerons, qui en remettront le produit en temps voulu. »  Jésus leur dit : « N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. C’est là l’oeuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux ! Aussi, je vous le dis : Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple qui lui fera produire son fruit. » 

1ère lecture : Le Seigneur est déçu par sa vigne bien-aimée (Isaïe 5, 1-7)
Je chanterai pour mon ami le chant du bien-aimé à sa vigne. Mon ami avait une vigne sur un coteau plantureux. Il en retourna la terre et en retira les pierres, pour y mettre un plant de qualité. Au milieu, il bâtit une tour de garde et creusa aussi un pressoir. Il en attendait de beaux raisins, mais elle en donna de mauvais. Et maintenant, habitants de Jérusalem, hommes de Juda, soyez donc juges entre moi et ma vigne ! Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n’ai fait ? J’attendais de beaux raisins, pourquoi en a-t-elle donné de mauvais ? Eh bien, je vais vous apprendre ce que je vais faire de ma vigne : enlever sa clôture pour qu’elle soit dévorée par les animaux, ouvrir une brèche dans son mur pour qu’elle soit piétinée. J’en ferai une pente désolée ; elle ne sera ni taillée ni sarclée, il y poussera des épines et des ronces ; j’interdirai aux nuages d’y faire tomber la pluie.  La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël. Le plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda. Il en attendait le droit, et voici l’iniquité ; il en attendait la justice, et voici les cris de détresse.

Psaume 79, 9-10, 13-16a, 19-20

R/ Regarde ta vigne, Seigneur, viens sauver ton peuple

La vigne que tu as prise à l’Égypte,
tu la replantes en chassant des nations.
Tu déblaies le sol devant elle,
tu l’enracines pour qu’elle emplisse le pays.

Pourquoi as-tu percé sa clôture ?
Tous les passants y grappillent en chemin ;
le sanglier des forêts la ravage
et les bêtes des champs la broutent.

Dieu de l’univers revient !
Du haut des cieux, regarde et vois :
visite cette vigne, protège-la,
celle qu’a plantée ta main puissante.

Jamais plus nous n’irons loin de toi :
fais-nous vivre et invoquer ton nom !
Dieu de l’univers, fais-nous revenir ;
que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés !

2ème lecture : Dieu donne sa paix à ceux qui sont fidèles (Philippiens 4, 6-9)
Frères, ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, dans l’action de grâce priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer, gardera votre coeur et votre intelligence dans le Christ Jésus. Enfin, mes frères, tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges, tout cela, prenez-le à votre compte. Ce que vous avez appris et reçu, ce que vous avez vu et entendu de moi, mettez-le en pratique. Et le Dieu de la paix sera avec vous.

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Commentaire du 2 octobre 2011 (56è) – 27e dimanche du temps ordinaire (année A)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

Que se passe-t-il avec la vigne du Seigneur ?

 L’abbé Pierre Desroches

Mes amis, on se retrouve pour faire route ensemble dans la Parole. De ne pas vous voir ça me manque parce que souvent, pour adresser une Parole, j’aime bien voir les visages de ceux à qui je parle. C’est comme si les visages m’indiquaient dans quelle direction je dois poursuivre. Alors, aujourd’hui, je vais faire comme si vous étiez mes paroissiens et je vais vous commenter cette Parole qui me parle beaucoup, qui me parle d’une réalité qui m’est très proche depuis le début de mon ministère. Vous savez, je suis un homme d’ici, un homme de Montréal. Ma vie je l’ai passée entièrement dans cette cité, et dans une époque où le monde s’est transformé. On dit souvent l’Église, mais le monde s’est transformé. On va dire : « l’Église a beaucoup vieillie », mais le peuple québécois a beaucoup vieilli aussi. C’est comme si ce qui arrive dans une dimension arrive aussi dans l’autre.

La première parole qui va nous être adressée, c’est celle qui dit que le Seigneur est déçu par sa vigne. C’est un sentiment très humain d’être déçu. Et le Dieu que je fréquente, je ne peux pas dire que j’ai l’impression que c’est un Dieu qui se déçoit. J’ai l’impression que ce sentiment-là appartient à nous. Moi, dans mon expérience d’Église – c’est sûr que je suis né à une période où l’Église du Québec, particulièrement l’Église catholique avait encore de grands pouvoirs, de grandes forces, de grands moyens. Je peux dire  que comme prêtre, je n’ai pas eu à servir dans cette réalité-là. J’ai beaucoup connu la décroissance, j’ai beaucoup connu l’appauvrissement. Notre rôle social s’est profondément transformé et je pourrais dire que la tentation parfois d’être déçu par cette Institution pouvait venir me surprendre. C’est une réalité qui est très humaine, mais je n’ai jamais entendu que le Seigneur, Lui, était très déçu. Ce qui nous fait peur ne le trouble pas et si on reste à la recherche du mystère, essayer d’accueillir ce qui nous est transmis, ce qui nous est communiqué, on peut saisir que nous sommes dans des temps de passage. Et ces fameuses heures de passage, ça devrait être la grande expérience de l’Église puisque  que le cœur de notre foi, c’est le passage, c’est  la Pâque, c’est de passer de la mort à la vie.

Mes paroissiens me demandent souvent : « Père, est-ce qu’on va rester ouverts ou on va fermer? La paroisse va-t-elle continuer ? » C’est quoi une paroisse ? Toute la question est là. Je disais à mes paroissiens : « si on a le cœur ouvert, on va rester ouverts; si on a le cœur fermé, on va fermer. » Mais c’est quoi une paroisse ? Une paroisse est-ce d’abord un temple, une institution, ou c’est un peuple, un corps ? Pour moi, foncièrement, une paroisse c’est un corps. Un des défis dans une paroisse comme ici où on va célébrer peut-être cent vingt-cinq dans un espace qui a été prévu pour deux mille, c’est de dire : est ce que l’on croit que durer c’est de continuer à célébrer cent vingt-cinq, cent-dix, cent-vingt, quatre-vingt dans un même espace de deux mille ? Est-ce que dans la réalité ecclésiale et sociale qui est la nôtre, est-ce que nous, on pourrait dire, qui sommes en abondance d’espaces, nous avons à les replier sur nous-mêmes ou être attentifs à tous ceux qui sont en manque d’espaces ?  Sur la Plateau Mont-Royal ici, dans les dernières  années, les maisons se sont multipliées, les condos. On a voulu faire vite de l’argent avec la terre et on se retrouve devant une réalité où il n’y a presque plus de place pour héberger les groupes communautaires qui vont voir leurs loyers doubler lorsque leur bail va être à l’échéance. À quelle fidélité Dieu nous appelle ? Est-ce qu’Il nous appelle à la fidélité de la bâtisse ou s’il nous appelle à la fidélité du service ? Dans une société que j’ai connue, chrétienne, catholique à plus de 95%, je sais très bien qu’actuellement, à Montréal, avec toutes les vagues de transformation, de changement, on ne peut plus parler du même taux. Est-ce qu’on va s’attendre à ce que les mêmes appareillages puissent continuer à servir uniquement pour le culte catholique ? Est-ce que le Seigneur ne nous invite pas à avoir un autre culte, le culte de ces hommes et de ces femmes que nous sommes appelés à accueillir, ouvrir nos portes, et être à l’écoute de ce qu’ils sont en train, eux aussi, de vivre pendant ce passage et cette transformation.

Un jour j’avais dit à une de mes connaissances qui était supérieure générale des Sœurs Grises, qu’on avait pris leur institution, qu’elles avaient léguée au gouvernement et elles étaient en deuil de toute cette vie de service, de toutes ces propriétés avec lesquelles elles avaient vécues avec beaucoup de pauvres. Je lui avais dit : « Avez-vous remarqué, au moment où on vous a envoyées, peu de temps après, on a renvoyé ceux qui occupaient vos bâtisses et ils se sont retrouvés pour plusieurs dans la rue ? Et dans cette rue, le Seigneur vous avait placées pour continuer la fidélité à ceux pour lesquels vous vous êtes consacrées. Et combien les Sœurs de la Providence ont continué à s’impliquer, à investir de leur temps, de leurs sous, mais à le faire aussi avec des organismes laïcs qui ont comme continué pour un autre temps la mission qui avait été la leur pendant très longtemps. Il nous faut être attentif à ce que le Seigneur veut transformer et ne pas penser qu’il ne nous choisit plus. Il nous appelle, il nous choisit et il nous invite autrement, d’une manière différente, à continuer ce pour quoi il nous avait fait signe.

On retrouve cela dans les textes de cette semaine où on dit qu’il va donner à quelqu’un d’autre, la mission. « Vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël. Le plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda. Il en attendait le droit, et voici l’iniquité ; il en attendait la justice, et voici les cris de détresse. » Alors il va confier à d’autres de donner les signes, de donner les fruits pour la mission. Et je pense que ce sont des réalités que nous vivons très actuellement dans notre monde occidental qui se transforme de façon incroyable et où on peut entendre beaucoup de cris de détresse qui montent. Ne serait-ce que si on s’ouvre et qu’on reconnaît cette violence qui prend des proportions auxquelles on n’était pas habitués. Et bien d’autres réalités par rapport aux enfants, bien d’autres réalités par rapport aux femmes, par rapport aux hommes. Alors, comment la justice va se réaliser et s’incarner ? C’est entre nos mains et c’est dans notre cœur, mais un cœur qui est appelé à être habité.

Dans l’évangile, on nous parle de tous ces envoyés qui ont été maltraités. On peut se poser la question, même ici au Québec, comment on traite les envoyés, qu’est-ce qu’on a à dire de ceux qui pendant des siècles ont porté ici l’éducation, les soins ? Qu’est-ce qu’on a à dire de leurs péchés ? On est scandalisé par le péché de ceux qui pour un temps on avait cru parfaits parce qu’on s’était peut-être illusionné, mais qu’est-ce qu’on a à dire, est-ce qu’on a à les juger, est-ce qu’on a à reconnaître, est-ce qu’on a à voir encore aujourd’hui comment ces envoyés sont un levain qui est vraiment dans la pâte. Dans l’Évangile, on nous dit qu’on va tuer le fils pour avoir l’héritage. Souvent notre cœur est perverti parce qu’on veut tout prendre pour soi et on est prêt à prendre n’importe quel moyen pour y parvenir. Ce que le Seigneur a d’étonnant, c’est que même des gestes de mort que nous allons poser, il va en faire un chemin de résurrection. C’est mon espérance et c’est ma certitude que notre monde est en plein temps de résurrection.

 

 

 

 

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