Commentaire du 1er mai 2011 / Pierre Desroches (33e)

– Transcription du commentaire au bas de la page.

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses St-Pierre Claver et St-Stanislas de Kostka de Montréal. Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.
– Gino Fillion : Arrangement pour cordes de la chanson PAR-DELÀ LES FRONTIÈRES de l’album du même titre. Composition de Guylain Prince : www.maisonintercd.com

« Les apôtres ne peuvent plus avoir d’illusions sur une forme d’immortalité du corps de Jésus / Le christianisme est une nouvelle semaine / On a souvent peur du monde et on coure le danger de rester enfermé dans nos petits cénacles / Jésus s’identifie par sa fragilité – ses mains, ses pieds et son côté  sont troués / Le Père a envoyé Jésus, très vulnérable, pauvre et inconnu dans le monde. »

-Références pour les textes bibliques : http://aelf.org/?date_my=01/05/2011

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Évangile : Apparition du Christ huit jours après Pâques (Jean 20, 19-31)
C’était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. » Or, l’un des Douze, Thomas (dont le nom signifie : Jumeau) n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »Thomas lui dit alors : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » 1l y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre. Mais ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom.

1ère lecture : La communauté fraternelle des premiers chrétiens (Actes des Apôtres 2, 42-47)
Dans les premiers jours de l’Église, les frères étaient fidèles à écouter l’enseignement des Apôtres et à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à participer aux prières. La crainte de Dieu était dans tous les coeurs ; beaucoup de prodiges et de signes s’accomplissaient par les Apôtres. Tous ceux qui étaient devenus croyants vivaient ensemble, et ils mettaient tout en commun ; ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, pour en partager le prix entre tous selon les besoins de chacun. Chaque jour, d’un seul coeur, ils allaient fidèlement au Temple, ils rompaient le pain dans leurs maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité. Ils louaient Dieu et trouvaient un bon accueil auprès de tout le peuple. Tous les jours, le Seigneur faisait entrer dans la communauté ceux qui étaient appelés au salut.

Psaume 117, 1.4, 13-14, 19. 21-25
R/ Éternel est son amour !

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !

On m’a poussé, bousculé pour m’abattre ;
mais le Seigneur m’a défendu.
Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ;
il est pour moi le salut.

Ouvrez-moi les portes de justice :
j’entrerai, je rendrai grâce au Seigneur.
Je te rends grâce car tu m’as exaucé :
tu es pour moi le salut.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’oeuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.

Voici le jour que fit le Seigneur,
qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !
Donne, Seigneur, donne le salut !
Donne, Seigneur, donne la victoire !

2ème lecture : L’espérance des baptisés (1 Pierre 1, 3-9)
Béni soit Dieu, le Père de Jésus Christ notre Seigneur : dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître grâce à la résurrection de Jésus Christ pour une vivante espérance, pour l’héritage qui ne connaîtra ni destruction, ni souillure, ni vieillissement. Cet héritage vous est réservé dans les cieux, à vous que la puissance de Dieu garde par la foi, en vue du salut qui est prêt à se manifester à la fin des temps. Vous en tressaillez de joie, même s’il faut que vous soyez attristés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves ; elles vérifieront la qualité de votre foi qui est bien plus précieuse que l’or (cet or voué pourtant à disparaître, qu’on vérifie par le feu). Tout cela doit donner à Dieu louange, gloire et honneur quand se révélera Jésus Christ, lui que vous aimez sans l’avoir vu, en qui vous croyez sans le voir encore ; et vous tressaillez d’une joie inexprimable qui vous transfigure, car vous allez obtenir votre salut qui est l’aboutissement de votre foi.

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Transcription du commentaire du 1er mai 2011 (33è) par Sœur Cécile Petit, s.c.q.
2e dimanche de Pâques (année A)

Nos peurs n’empêchent pas Jésus de se tenir au milieu de nous

Pierre Desroches

Bonjour mes amis !
On est dans l’octave de Pâques et la première lecture qui va nous être proposée est un récit des Actes des Apôtres. J’aime beaucoup le début qui dit ceci : « Dans les premiers jours de l’Église, les frères étaient fidèles à écouter l’enseignement des Apôtres ». Pour nous c’est difficile d’imaginer les premiers jours de l’Église puisqu’ils sont à deux mille ans de nous. Nous sommes nés dans un contexte où l’Église avait déjà une longue histoire et au Québec elle avait beaucoup d’influence. Au moment où moi je suis né, l’Église d’ici était très influente dans la société. Dans les premiers jours de l’Église, il en était tout autrement pour les fidèles parce qu’ils étaient un tout petit groupe isolé et même craintif. Dans d’autres textes on va lire qu’ils étaient au Cénacle et qu’ils avaient peur. D’ailleurs dans l’évangile de cette semaine c’est exactement ce qu’on va vivre avec eux. Alors, ils se mettent à écouter l’enseignement des Apôtres. J’imagine qu’ils avaient un grand besoin de recevoir cette lumière-là parce qu’ils portaient toutes sortes de questions et comme l’ombre commençait à se dissiper, ils devaient avoir une faim énorme. Je ne sais pas si vous avez déjà bâti de nouvelles réalités ou initié de nouveaux commencements, que ce soit des communautés nouvelles ou un projet nouveau, il y a une ferveur qu’on retrouve dans ces premières heures. Si vous n’avez pas connu cela, vous avez probablement connu, ou rencontré une personne nouvelle qui est venue transformer votre vie ; alors on aime beaucoup parler, se rencontrer, se mettre à l’écoute. C’est ce qu’on retrouve dans le Livre des Actes des Apôtres et tous ne voulaient pas s’éloigner de Dieu; c’est ça la crainte du Seigneur.  Il y avait beaucoup de signes que les Apôtres, dans cette nouvelle vigueur qu’ils avaient, accomplissaient, et on voyait s’accroître l’Église jour après jour.

Dans la seconde lecture qui est une lettre de Pierre, on nous dit qu’on a reçu un héritage qui va faire en sorte qu’on ne peut plus être détruits. J’aime bien vivre avec ce sentiment. On ne passe pas à côté des épreuves de la vie, on ne passe pas à côté des difficultés, mais de porter en soi la conviction qu’elles ne peuvent pas nous détruire parce qu’à travers elles,  Dieu va se manifester et va nous éclairer, il va nous apprendre des chemins qui font qu’on peut se mettre debout. C’est beaucoup plus vivant,  beaucoup plus encourageant que de s’écraser. Et voilà que dans l’évangile on se retrouve dans  l’évangile avec Thomas. « C’était après la mort de Jésus ». Je ne peux jamais rester indifférent à cette introduction parce qu’elle porte tout un réalisme. On est souvent enfermés dans un idéalisme, on n’est pas dans la réalité, on est dans le rêve, on enjolive la réalité et ce n’est pas cela qui est beau. Ce qui est beau, c’est ce qui est vrai. Et là, ils ne peuvent plus avoir d’illusions sur une forme d’immortalité du corps de Jésus puisqu’ils ont tous assisté à sa mort. Et là on nous dit : « C’était après la mort de Jésus. » On n’a plus le même type d’apôtres avant la mort qu’après la mort. Qu’est-ce qui s’est passé le soir du premier jour de la semaine ? Le soir, ça évoque un temps où la lumière baisse, où tout n’est pas clair. Mais c’est le premier jour de la semaine de cette semaine nouvelle, que je dirais inaugurale, qui va être une nouvelle semaine de création qui répond comme en écho à la première semaine qu’on trouve dans le Livre de la Genèse. Ce qu’il va y avoir de tout à fait nouveau dans cette semaine c’est l’avènement des chrétiens. Le christianisme est un jour nouveau, est une semaine nouvelle dans le fait qu’on bâtit un monde qui a maintenant vu le Fils de l’Homme se promener sur la terre et qui est en train d’en faire l’expérience de sa Résurrection.

« Les disciples avaient verrouillé les portes». C’est intéressant parce qu’ils ont peur, ils s’enferment, ils barrent, ils se protègent et probablement que ce ne sont pas seulement les portes qui sont verrouillées  mais il y a de grandes chances que leurs cœurs le soient aussi et probablement leur esprit. « Ils avaient peur des Juifs ». Ils sont dans un état tout à fait naturel. « Jésus vint, et il était là au milieu d’eux ». Parfois ce premier temps de cette communauté me fait beaucoup penser à notre réalité actuellement dans nos Églises. On a souvent peur du monde, on ne sait pas trop comment aller annoncer au monde la Bonne Nouvelle. On aime bien s’enfermer dans nos petits cénacles qui nous rassurent, être entre nous, mais « Jésus est là, il se tient au milieu d’eux. » Nos peurs, nos craintes n’empêchent pas Jésus de se tenir au milieu de nous. Et il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Ils en ont beaucoup besoin.  Je me souviens, il y a des moments où j’ai rencontré des gens qui venaient d’apprendre qu’ils avaient un cancer, ou qu’on devait leur couper une jambe; ils  ont besoin d’entendre : « La paix soit avec vous ! » Leur angoisse a besoin d’être visitée par une Parole qui les appelle à un ailleurs, un ailleurs qui est déjà en eux, non pas comme une exigence, non pas comme une négation de ce qu’ils sont en train de vivre ou de traverser,  mais comme un appel de le faire dans la confiance. Et c’est ce que Jésus fait. « Il leur montre ses mains et son côté. » Jésus s’identifie par sa fragilité. Dans ses mains et son côté qui sont troués,  on peut voir sa vulnérabilité. La mission de l’Église, ce n’est pas d’être forte et intouchable, c’est d’être vulnérable et dans la confiance.

Et notre ami Jésus leur dit à nouveau : « La paix soit avec vous ! Et comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie.» Parfois, pour  peut-être partir pour aller annoncer la Bonne Nouvelle, on voudrait avoir toutes sortes de ressources, toutes sortes de moyens, on voudrait être sûr de pouvoir s’imposer, de réussir et d’accomplir la mission telle qu’on la rêve, mais de même que le Père a envoyé Jésus, très vulnérable, pauvre, inconnu au milieu d’un monde qui a constamment interrogé sur l’identité, de la même manière « que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Et on sait très bien que le chemin qu’a pris Jésus, est loin d’être un chemin inaccessible pour nous parce que c’est un chemin d’humilité, un chemin de petitesse, c’est un chemin d’amour qui a reconnu les hommes dans ce qu’ils étaient profondément, des êtres reconnus, des êtres élus, aimés pour recevoir, accueillir l’amour éternel du Père, dans l’Esprit et avec la présence du Fils. « Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. » Moi, l’écho que fait dans mes oreilles cette deuxième partie, ce n’est pas un écho de pouvoir, ce n’est pas Jésus qui me dit que j’ai le pouvoir de maintenir. Il me dit que si je ne remets pas les péchés, l’humanité demeure et est maintenue dans son mal. Ce n’est pas une invitation à maintenir dans le mal, c’est une invitation à remettre les péchés. C’est une expérience tout à fait humaine, tout à fait quotidienne, ne pas retenir contre ceux qui sont proches de nous, ne pas retenir le mal qu’ils nous ont fait, ne pas les tenir dans ce mal mais être capables d’aller dans un ailleurs avec eux. Ceci n’est possible que dans le souffle de l’Esprit Saint.  « Recevez l’Esprit Saint ».

Thomas n’est pas avec eux, et lorsque les Apôtres lui annoncent la Bonne nouvelle, ils ne doivent pas être excellents parce qu’il ne la reçoit pas, puis il leur dit « si moi je ne vois pas, je ne touche pas, je ne croirai pas ». Et on va voir la semaine d’après, Jésus va revenir. La semaine d’après, c’est encore un premier jour, c’est toujours le dimanche, il revient donc dans ce Cénacle, dans cette première Église alors que les portes sont toujours verrouillées, qu’ils ont toujours peur des Juifs, « Jésus se tient encore au milieu. » On peut être frileux, enfermés, repliés, Il vient et Il se tient au milieu de la communauté. Et il s’approche de Thomas, lui montre ses plaies et Thomas va se prosterner, va reconnaître celui qu’il aime et qui l’aime aussi, il va retrouver son espérance. Alors Jésus dit cette béatitude qui s’ajoute aux autres qui sont peu nombreuses : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » C’est la seule possibilité qui existe pour nous parce qu’il y a deux mille ans on n’a pas pu faire l’expérience de la connaissance de Jésus dans son corps et dans sa chair puisque nous n’y étions pas. Thomas ressemble à toutes ces générations de chrétiens qui sont appelés à se prosterner dans la reconnaissance et tout le don de cet être vulnérable qui, dans sa fragilité qui l’a laissé habiter par l’amour du Père, a traversé la mort. Nous sommes invités nous aussi, dans notre vulnérabilité qui est habitée à être témoins de la mort vaincue par le souffle de cette Église que nous constituons et qui fait que nous sommes le Corps du Christ qui Lui, aujourd’hui, est bien présent et se déplace dans les rues et parmi toutes les nations.  Alors, l’Église n’a qu’une réalité à proposer, elle a un pain à donner, elle a une vie à livrer, et elle a à proposer une foi, une confiance dans un Dieu qui n’abandonne jamais cette terre qu’il a à cœur et pour laquelle il se donne, générations après générations. Amen.

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