Commentaire du 16 septembre 2012 / Pierre Desroches (109e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses St-Pierre Claver et St-Stanislas de Kostka de Montréal. Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.
– Gino Fillion : caméra et montage.

« La souffrance doit faire partie de notre conscience pour apprendre à ne pas se révolter / Se faire justice à soi, c’est souvent créer des injustices plus graves / Si nous ne sommes pas mort à nos fausses idées messianiques, on ne peut connaître Jésus le Christ / La croix est toujours un scandale pour notre temps.»

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Évangile : Confession de foi de saint Pierre et première annonce de la Passion (Marc 8, 27-35)
Jésus s’en alla avec ses disciples vers les villages situés dans la région de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il les interrogeait : « Pour les gens, qui suis-je ? » Ils répondirent : « Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. » Il les interrogeait de nouveau : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre prend la parole et répond : « Tu es le Messie. » Il leur défendit alors vivement de parler de lui à personne. Et, pour la première fois, il leur enseigna qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Jésus disait cela ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile la sauvera. » 

1ère lecture : Prophétie du Serviteur souffrant (Isaïe 50, 5-9a)
Parole du Serviteur de Dieu : Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats. Le Seigneur Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. Il est proche, celui qui me justifie. Quelqu’un veut-il plaider contre moi ? Comparaissons ensemble. Quelqu’un a-t-il une accusation à porter contre moi ? Qu’il s’avance ! Voici le Seigneur Dieu qui vient prendre ma défense : qui donc me condamnera ? 

Psaume 114, 1-6. 8-9

R/ Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants.

J’aime le Seigneur :
il entend le cri de ma prière ;
il incline vers moi son oreille :
toute ma vie, je l’invoquerai.

J’étais pris dans les filets de la mort,
j’éprouvais la tristesse et l’angoisse ;
j’ai invoqué le nom du Seigneur :
« Seigneur, je t’en prie, délivre-moi ! »

Le Seigneur est justice et pitié,
notre Dieu est tendresse.
Le Seigneur défend les petits :
j’étais faible, il m’a sauvé.

Il a sauvé mon âme de la mort,
gardé mes pieds du faux pas.
Je marcherai en présence du Seigneur
sur la terre des vivants. 

2ème lecture : Pas de vraie foi sans les actes (Jacques 2, 14-18)
Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, alors qu’il n’agit pas, à quoi cela sert-il ? Cet homme-là peut-il être sauvé par sa foi ? Supposons que l’un de nos frères ou l’une de nos sœurs n’aient pas de quoi s’habiller, ni de quoi manger tous les jours ; si l’un de vous leur dit : « Rentrez tranquillement chez vous ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim ! » et si vous ne leur donnez pas ce que réclame leur corps, à quoi cela sert-il ? Ainsi donc, celui qui n’agit pas, sa foi est bel et bien morte, et on peut lui dire : « Tu prétends avoir la foi, moi je la mets en pratique. Montre-moi donc ta foi qui n’agit pas ; moi, c’est par mes actes que je te montrerai ma foi. »

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Commentaire du 16 septembre 2012 (109e) – 24e semaine du Temps Ordinaire (année B)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

Jésus veut aussi guérir notre surdité et notre mutisme spirituel

L’abbé Pierre Desroches

Alors mes amis, je suis très heureux cette semaine de vous recevoir avec ces paroles que je trouve d’une sagesse et d’un concret tout à fait déroutant. Je vous lis le début. Moi, je suis très ému d’une Parole comme ça, je ne peux pas lire ça sans que ça me rejoigne jusque dans le fond de mes entrailles. « Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats. » Vous comprendrez qu’il n’y a pas beaucoup de monde qui m’ont arraché la barbe parce qu’elle est là pas mal abondante, mais c’est évidemment une image. Et ce n’est pas parce que c’est une image que ce n’est pas une réalité. Et je pense que dans cette prophétie du Serviteur souffrant qu’on trouve dans le Livre d’Isaïe, dont le deuxième paragraphe dit : «  Le Seigneur Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. » Ce texte-là est en train de nous dire qu’il est devenu dur; il a rendu son visage dur comme pierre. Dans le fond, est-ce qu’on est lucide lorsqu’on pense que la vie peut être vécue, accomplie et traversée sans la traversée de la souffrance ? Est-ce que lorsqu’on devient prêtre on pense que notre Église ne peut être que source de joie, que nos communautés ne  peuvent qu’être source de joie ? C’est la même chose lorsqu’on se marie : est-ce que la souffrance fait partie de notre conscience ?

Il y a deux termes dans cette lecture qui pour moi est excessivement importante, ce sont : « Je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé, » mais il y a une troisième dimension qui dit : « je ne me suis pas fait justice. » Comme on a la révolte facile, comme on est souvent pris dans des luttes pour se faire justice, alors que Celui qui nous fait justice, le seul qui peut nous rendre justice, c’est Dieu. C’est pour ça qu’il nous appelle, c’est pour ça qu’il nous engage et nous responsabilise parce que c’est dans la mesure où on est capable de se lier profondément à Lui, de le laisser passer en premier qu’on va voir le salut. Sinon, on va se perdre, sinon on va s’égarer et on va même se révolter par rapport à ce qui nous est confié, au sentiment profond d’injustice qu’on aura. Et souvent lorsqu’on veut rétablir la justice pour nous-mêmes on fait de plus graves injustices.

Et dans la deuxième lecture : « Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, alors qu’il n’agit pas, à quoi cela sert-il ? » Si on a juste une foi qui n’amène pas des engagements… je vous dirais… quand j’étais plus jeune et que j’ai senti l’appel à adopter mon garçon qui était atteint de paralysie cérébrale et qui l’est toujours d’ailleurs, qui a maintenant 42 ans, qui avait déjà connu sept endroits à sept ans, j’étais le huitième placement. C’est sûr que c’est une joie immense que de prendre en charge un enfant de sept ans, mais de découvrir que cet enfant qui a été profondément blessé par une histoire qui a été difficile, avec beaucoup de sentiments de rejet et d’abandon, tu ne pourras pas l’aimer aimer concrètement, tu ne pourras l’aimer dans le réel, dans la fidélité si un jour tu ne te laisses pas atteindre et si tu n’entres pas dans la souffrance et que sa souffrance va te donner. Ce sont des moments excessivement difficiles et pour être capable de continuer ce projet d’amour, il faut vraiment se tourner  vers un ailleurs qui va nous montrer comment nous mettre debout alors que nous on est écrasé et qui va venir nous parler, alors que nous on va se dire des mots, on va se donner des paroles qui ne sont pas nécessairement des paroles de lumière, qui vont nous enfermer dans des ténèbres et qui vont nous tromper et qui vont nous égarer de ce qui est une source de vie pour nous parce  le Seigneur nous attend toujours dans nos alliances. On change souvent nos alliances avec beaucoup de facilité, mais que de rompre une alliance c’est de mettre fin à un cheminement dont on avait probablement besoin puisqu’on s’était lié et engagé dedans.  Il y a toute une manière de faire lorsqu’on prend des distances, lorsqu’on transforme parce que, si on ne veut pas échapper l’essentiel il faut le faire avec beaucoup de lucidité. La foi est là pour nous aider à faire ces passages et ces changements avec plus de souffle que de haine et de colère.

Dans l’évangile on va assister à la confession de foi de Pierre. On sait très bien que ce ne sera pas la dernière fois qu’il va faire cette profession de foi. À ce moment-là, Jésus était à Césarée de Philippe et il interroge ses disciples sur son identité.  « Pour vous, qui suis-je ? »  Et Pierre va répondre : « Tu es le Messie. » Et là, c’est étonnant de ce que Jésus va lui dire. Il va défendre de parler de Lui à personne, parce que l’expérience qu’ils n’ont pas encore du Messie, ils ont la reconnaissance du Messie, mais ils n’ont pas l’expérience de la mort du Messie. Et tant et aussi longtemps qu’on n’est pas mort à nos fausses idées messianiques, on ne peut connaître Jésus le Christ. Et Jésus le Christ, ce  n’est pas dans la gloire du monde, ce n’est pas ce qu’il y a de superbe en ce monde qu’il va réaliser cette vocation de Messie, c’est dans l’humilité, c’est sur la croix, c’est dans l’obéissance et la confiance au Père, c’est dans un amour inconditionnel de cette humanité qui n’est pas toujours dans sa manière d’être, si aimable que ça, alors cette invitation que Jésus fait de ne dire à personne qui il est, c’est : ne trompez pas les autres sur mon identité tant et aussi longtemps que vous ne la reconnaîtrez pas dans toute sa grandeur, sa profondeur, sa petitesse et sa simplicité.

Et puis il commence à leur annoncer sa passion qui va être pour les apôtres un scandale et qui est  pour nous toujours un scandale. Combien d’hommes et de femmes ont rejeté la foi en Dieu à cause du mal qui triomphe partout sur notre planète. Comment peut-il exister un Dieu bon avec de telles horreurs ? C’est le scandale de la Passion, le scandale de la croix, c’est la folie. Et cette folie, le chrétien est appelé à l’épouser, il est appelé à y entrer, à y engager son être et sa chair pour que, non pas avec la raison, avec la logique, avoir nos pouvoirs humains, croire que ce mal va être vaincu.  Le mal va être vaincu par un amour qui se donne  en chair et en os et qui se donne jusqu’au bout. C’est ce qu’a accompli pour nous  Jésus Christ et c’est le  chemin sur lequel on est appelés à le suivre. Et l’Évangile se termine aujourd’hui par : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. » On peut comprendre qu’une multitude n’a absolument pas le goût de le suivre parce que renoncer à soi-même c’est peut-être le premier pas qui nous fait beaucoup hésiter à se mettre à son école. Mais cette école a fait ses preuves parce qu’il a vraiment, en renonçant à lui-même, vaincu la mort et nous a vraiment ouvert les portes pour qu’on puisse bâtir dans le présent un Royaume qui s’érige avec ces disciples qui acceptent de devenir sel de la terre. Bonne mission mes amis et si vous avez besoins d’être nourris, vous connaissez le chemin.

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