Commentaire du 15 avril 2012 / Pierre Desroches (86e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page. 

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses St-Pierre Claver et St-Stanislas de Kostka de Montréal. Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.

Comédiens :
ANNE-SYLVIE GOSSELIN – narratrice
JEAN-FRANÇOIS LÉPINE – Jésus
JEAN-FRANÇOIS GASCON – Disciples 

Réalisation : GINO FILLION – direction des comédiens, voix additionnelles, composition de la musique, montage sonore et visuel. 

Texte – 4 évangiles en 1 récit :
À partir de la version de l’AELF, adaptation réalisée par Gino Fillion avec la supervision finale de Réjean Vautour, théologien. http://www.aelf.org

IMAGES tirées de l’excellent film :
THE GOSPEL OF JOHN – 2003 (PHILIP SAVILLE – Réalisateur)

« L’unité des premières communautés / La notion de propriété / Nos avoirs ne sont-ils que pour nous ? / La timidité de nos annonces de la foi / La Parole exige-t-elle qu’on se dépossède de tous nos biens ? / Le partage des biens pour la communauté / Nos peurs n’empêchent pas Jésus de se tenir au milieu de nous. »

– Références pour les textes bibliques (AELF) : http://aelf.org/?date_my=15/04/2012

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Évangile : Apparition du Christ huit jours après Pâques (Jean 20, 19-31)
C’était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. » Or, l’un des Douze, Thomas (dont le nom signifie : Jumeau) n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » Thomas lui dit alors : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » 1l y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre. Mais ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom.

1ère lecture : Le partage dans la communauté des premiers chrétiens (Actes 4, 32-35)
La multitude de ceux qui avaient adhéré à la foi avait un seul cœur et une seule âme ; et personne ne se disait propriétaire de ce qu’il possédait, mais on mettait tout en commun. C’est avec une grande force que les Apôtres portaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus, et la puissance de la grâce était sur eux tous. Aucun d’entre eux n’était dans la misère, car tous ceux qui possédaient des champs ou des maisons les vendaient, et ils en apportaient le prix pour le mettre à la disposition des Apôtres. On en redistribuait une part à chacun des frères au fur et à mesure de ses besoins.

Psaume 117, 1.4, 16-17, 22-25

R/ Éternel est son amour !

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !

Le bras du Seigneur se lève,
le bras du Seigneur est fort !
Non, je ne mourrai pas, je vivrai,
pour annoncer les actions du Seigneur.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle ;
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.

Voici le jour que fit le Seigneur,
qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !
Donne, Seigneur, donne le salut !
Donne, Seigneur, donne la victoire !

2ème lecture : Celui qui croit est né de Dieu (1 Jean 5, 1-6)
Tout homme qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est vraiment né de Dieu ; tout homme qui aime le Père aime aussi celui qui est né de lui. Nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu lorsque nous aimons Dieu et que nous accomplissons ses commandements. Car l’amour de Dieu, c’est cela :garder ses commandements. Ses commandements ne sont pas un fardeau, puisque tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde. Et ce qui nous a fait vaincre le monde, c’est notre foi. Qui donc est vainqueur du monde ? N’est-ce pas celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? C’est lui, Jésus Christ, qui est venu par l’eau et par le sang : pas seulement l’eau, mais l’eau et le sang. Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit, car l’Esprit est la vérité.

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Commentaire du 15 avril (86è) –  2e semaine de Pâques (année B)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

La difficulté de Thomas à recevoir le témoignage des apôtres

L’abbé Pierre Desroches

Mes amis, c’est une belle fidélité pour plusieurs d’entre vous et moi-même de se retrouver, semaine après semaine pour méditer ensemble ou accueillir une Parole. C’est un peu un cadeau que vous me faites que je puisse m’exprimer comme ça chaque semaine, dans le sens que si je ne le faisais pas, je ne prendrais pas le temps pour scruter cette Parole qui m’apporte la vie. Je le ferais pour mon homélie du dimanche, mais là maintenant je le fais pour l’homélie du dimanche, mais je le fais aussi pour vous, l’ayant déjà fait une autre fois pour écrire un commentaire. Ce qui me fait scruter trois fois la Parole. C’est une grâce qui, je pourrais dire, qui vient m’éclairer et m’aider à  passer des ténèbres de l’épaisseur du quotidien à la lumière du Christ ressuscité.

Et cette semaine la première lecture va nous parler des premières communautés chrétiennes : « La multitude de ceux qui avaient adhéré à la foi avait un seul cœur et une seule âme. » C’est très touchant parce que ça nous dit que cette multitude était dans une unité. Ce n’est pas l’UNITÉ qui est le propre que la communauté humaine. C’est beaucoup plus facile pour nous de nous vivre divisés que de nous vivre dans l’unité. « Et personne ne se disait propriétaire ». Je prends bien mon temps pour vous dire un petit mot sur l’état de propriétaire. S’ils ne se disaient pas propriétaires, c’est qu’ils avaient déjà fait un long chemin de dépossession. Il est très facile pour nous de sentir que tout nous est dû, que tout nous appartient, et que tout existe pour notre propre service. Alors eux, ne se disaient pas propriétaires de ce qu’ils possédaient : leur avoir ne leur appartenait plus. Qu’en est-il de vos avoirs et qu’en est-il de mes avoirs ? Est-ce que je crois qu’ils ne sont que pour moi puisque je les ai gagnés, puisque je les ai acquis ? Et « ils mettaient tout en commun ». Il faut avoir une grande sécurité pour mettre les choses en commun, parce que mettre nos choses en commun c’est de perdre le pouvoir sur nos choses. On a une nature de pouvoir plutôt « naturelle » et de se mettre dans la vulnérabilité, de se déposséder et de ne plus pouvoir contrôler ou d’utiliser uniquement selon notre pensée, nos biens, exige vraiment une conversion assez profonde.

« Et c’est avec grande force que les Apôtres portaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus. » Dans nos sociétés où on dit que la foi est privée, et que nous n’avons pas trop à faire d’écho public de cette résurrection de Jésus, on ne pourrait pas dire que les chrétiens, spontanément, sont en train d’annoncer avec grande force… c’est souvent grand silence, souvent timidité, souvent inquiétude. « Et la puissance de la grâce était sur eux tous. » C’est un beau cadeau que de recevoir cette puissance, cette puissance qui est très gratuite et qui nous permet d’annoncer à nos frères et à nos sœurs qu’il y a une force qui peut les faire se mettre debout dans ce qui, actuellement, les menace et les inquiète parce que ça pourrait les détruire. Mais de dire qu’il y a cette grande puissance qui nous fait nous mettre debout dans ce qui peut nous écraser et ce qui peut écraser nos frères, c’est un cadeau inestimable.

Et là on nous dit : « Aucun d’entre eux était dans la misère, car tous ceux qui possédaient des champs ou des maisons les vendaient et ils en apportaient le prix pour le mettre à la disposition des Apôtres. » Il y a beaucoup de gens que je connais qui font de la culpabilité par rapport à cette Parole. Est-ce que la Parole qui est ici exige de nous, de nous déposséder de tout ? Un de mes bons amis qui est un homme qui a certains moyens financiers qui a été excessivement proche de Mère Térésa, dont plusieurs peut-être connaissent parce qu’il a donné son témoignage à travers le monde et sur des réseaux publics ici, un jour était allé à Calcuta pour voir Mère Térésa. Il n’avait qu’une seule question. « Mère Térésa, est-ce que je dois tout distribuer mes biens, est-ce que je dois donner tout ce qui m’appartient pour répondre à l’appel de Dieu ?  Elle a dit à Monsieur Ouimet qui est le directeur ou le propriétaire des usines Cordon bleu : « Vous ne pouvez rien donner parce que vous n’avez rien, il n’y a rien qui vous appartienne, il n’y a que des biens qui vous ont été confiés et qui ne sont pas les vôtres mais qui sont ceux  de Dieu. Et votre première responsabilité c’est de partager ces biens avec votre famille qui est votre premier appel et votre première responsabilité ». Et elle lui a donné toute une hiérarchie de partage de ses biens qui étaient les biens de Dieu et non pas les siens, et de lui dire aussi qu’il devait les mettre au service de ces personnes qui travaillaient pour lui dans les usines et aussi de leurs familles en les rémunérant de façon juste et en étant capable de partager les profits de cette entreprise avec ces derniers.

On voit ça ici : « ils les mettaient à la disposition des Apôtres, ils partageaient le bien pour la communauté et on « redistribuait une » part à chacun des frères au fur et à mesure des besoins. » Ce n’était pas pour les gaver, ce n’était pas pour les gâter, ni pour les perdre, c’était dans le respect des besoins. Il y a tout une sagesse qu’on s’aperçoit qu’on doit mettre en œuvre lorsqu’on parle de la distribution des biens. Se défaire de ce qui nous a été confié pourrait être, si on le fait trop vite, une manière d’être irresponsable de ce qui nous est confié.

Dans l’Évangile, qui est l’Évangile de Thomas. « C’était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. » J’aime toujours cette introduction parce que tant et aussi longtemps que Jésus a été là, on a pu s’illusionner sur ce que serait la mission de Jésus et les fruits de sa mission, mais lorsqu’il a été élevé de terre, mis en croix et qu’il est mort, il y a toutes ces illusions qui nécessairement sont tombés. Et ceux qui l’avaient suivi, ses disciples, étaient confrontés vraiment à une réalité qu’ils n’avaient pas prévue. Nous étions le premier jour de la semaine, ce qui veut dire qu’on était vraiment dans le tout début de ce qu’on pourrait dire de l’Église chrétienne et « les disciples avaient verrouillé les portes, ils avaient peur. » Est-ce qu’on a peur de vivre notre christianisme ? Est-ce qu’on est à l’aise ? Est-ce qu’on est ouvert ? Est-ce qu’on est fermé ? « Les portes étaient verrouillées dans le lieu où ils se tenaient. »  Et ils avaient peur des Juifs, du monde différent, de ceux qui n’avaient pas fait la même expérience de Jésus qu’eux. « Il vint et il était au milieu d’eux. »  C’est extraordinaire, on peut être fermé,  enfermé dans nos peurs, on peut avoir peur du monde, mais ça n’empêche pas Jésus de venir se tenir au milieu de nous. Et il leur dit : « La paix soit avec vous. » Ils avaient grand  besoin d’entendre cette salutation très habituelle chez les Juifs dans ce pays parce qu’ils étaient tout à fait dans l’angoisse et dans l’inquiétude. Il leur montre ses mains et son côté pour qu’on le reconnaisse, pour qu’on voit bien qu’il avait de vraie marques, de vraies souffrances, c’est bien Lui, ce n’est pas un autre.

« Et les disciples sont remplis de joie en voyant le Seigneur. » Ils  sont rassurés, il était à nouveau au milieu d’eux, ils sentent qu’ils peuvent se mettre à son école. Cependant Jésus leur dit : « La paix soit avec vous, de même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Il ne veut plus qu’ils se mettent  tout à fait, à son école, il veut qu’ils soient l’école. Donc, il les envoie justement dans ce monde dont ils ont très peur, il les envoie de la même manière qu’il a été envoyé, je dirais, sans grande puissance, sans argent, mais avec une force extraordinaire, celle de savoir que le Père, à travers maintenant Jésus, les envoie. Sommes-nous heureux d’être des envoyés? « Il répand sur eux son souffle, » voici le grand don, le souffle du Ressuscité, celui qui a traversé la mort. Quelle mort avons-nous traversée pour avoir une expérience de ce souffle ? Au-delà de quelle peur avons-nous acceptée d’aller parce que nous avons entendu Celui qui nous a envoyés ?

Dans cette Parole extraordinaire, on dit comme première mission « Tout homme à qui vous remettrez les péchés ils seront remis; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront retenus. » Je ne sais pas si vous connaissez le nombre de personnes dont les péchés ont été retenus. Je ne sais pas si vous connaissez dans votre vie vos  péchés qui ont été retenus, mais si personne ne vient pour vous les remettre, alors vous êtes condamnés à être enfermés dans le péché, alors que vous êtes appelés, avec votre péché, à rencontrer Dieu. Première mission de l’Église de donner ces conditions de liberté pour que la mort du péché soit vaincue et que les hommes et les femmes de ce temps retrouvent leur condition initiale d’être en lien avec Jésus. Thomas va recevoir difficilement ce témoignage des apôtres, il va douter, il va exiger de mettre ses mains dans les plaies de Jésus et huit jours plus tard, dans des conditions similaires où ils sont encore dans la peur, où ils sont encore enfermés, cette visite de Jésus lui permettra de recevoir l’invitation de mettre ses mains dans son côté et dans ses plaies. On va demander que vous puissiez vous aussi, être capables d’accueillir cette invitation du Christ à aller par les chemins apporter une Bonne Nouvelle et de le faire, non pas en exigeant d’expérimenter nécessairement toutes les plaies, mais dans la confiance d’un témoignage que vous allez recevoir par ceux qui encore aujourd’hui, sont les témoins de cette Bonne Nouvelle.

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2 commentaires

  1. Clmaire Godart dit :

    Merci encore à Pierre pour ses homélies passionnantes . Cela me permet d’avoir ce commentaires particulièrement agréable à entendre les dimanches où je travaille.
    C’est encore mieux quand le plaisir est partagé.

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