Commentaire du 14 octobre 2012 / Pierre Desroches (113e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses Saint-Pierre Claver, Saint-Stanislas de Kostka et de Saint-Enfant-Jésus du Mile-End à Montréal (Québec). Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.

– Gino Fillion : composition et interprète de la musique, caméra, mixage et montage visuel.

« L’expérience de suivre Jésus en est une de dépossession / Les grands biens qui rendent le cœur de l’homme triste / Le Royaume de Dieu ne peut s’acheter / Le salut qui vient de la reconnaissance de la primauté de Dieu / Comme le chameau qui se baisse pour entrer… »

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Évangile : Le jeune homme riche – Tout abandonner pour suivre Jésus (Marc 10, 17-30)
Jésus se mettait en route quand un homme accourut vers lui, se mit à genoux et lui demanda : « Bon maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Jésus lui dit : « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul. Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. » L’homme répondit : « Maître, j’ai observé tous ces commandements depuis ma jeunesse. » Posant alors son regard sur lui, Jésus se mit à l’aimer. Il lui dit : « Une seule chose te manque : va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor au ciel ; puis viens et suis-moi. » Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens. Alors Jésus regarde tout autour de lui et dit à ses disciples : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! » Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Mais Jésus reprend : « Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu. Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. » De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux : « Mais alors, qui peut être sauvé ? »Jésus les regarde et répond : « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. » Pierre se mit à dire à Jésus : « Voilà que nous avons tout quitté pour te suivre. » Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : personne n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre, sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle. » 

1ère lecture : Les trésors de la Sagesse (Sagesse 7, 7-11)

J’ai prié, et l’intelligence m’a été donnée. J’ai supplié, et l’esprit de la Sagesse est venu en moi. Je l’ai préférée aux trônes et aux sceptres ; à côté d’elle, j’ai tenu pour rien la richesse ; je ne l’ai pas mise en comparaison avec les pierres précieuses ; tout l’or du monde auprès d’elle n’est qu’un peu de sable, et, en face d’elle, l’argent sera regardé comme de la boue. Je l’ai aimée plus que la santé et que la beauté ; je l’ai choisie de préférence à la lumière, parce que sa clarté ne s’éteint pas. Tous les biens me sont venus avec elle, et par ses mains une richesse incalculable.

Psaume 89, 12-17

R/ Rassasie-nous de ton amour : nous serons dans la joie.

Apprends-nous la vraie mesure de nos jours :
que nos cœurs pénètrent la sagesse.
Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ?
Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.

Rassasie-nous de ton amour au matin,
que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
Rends-nous en joies tes jours de châtiment
et les années où nous connaissions le malheur.

Fais connaître ton œuvre à tes serviteurs
et ta splendeur à leurs fils.
Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains ;
oui, consolide l’ouvrage de nos mains.

2ème lecture : « Elle est vivante, la parole de Dieu » (Hébreux 4, 12-13)
Elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle pénètre au plus profond de l’âme, jusqu’aux jointures et jusqu’aux moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur. Pas une créature n’échappe à ses yeux, tout est nu devant elle, dominé par son regard ; nous aurons à lui rendre des comptes.

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Commentaire du 14 octobre 2012 (113e) – 28e semaine du Temps Ordinaire (année B)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

Le jeune homme riche : celui qui n’a pas encore dit « oui »

L’abbé Pierre Desroches                 

On se retrouve toujours à Sutton. C’est un plaisir de vous montrer le Mont Sutton qui est très agréable à regarder. On est dans des journées splendides actuellement à l’automne. La Parole d’aujourd’hui me fait toujours penser à Jean Vanier parce que j’ai souvent entendu Jean Vanier commenter cet extrait de l’évangile de Marc, que vous connaissez et que je connais aussi sous le nom du « jeune homme riche ». On va faire route ensemble avec cette parole pour saisir une peu qu’est-ce qu’elle peut nous dire aujourd’hui dans le présent de nos vies.

« Jésus se mettait en route quand un homme accourut vers lui, se mit à genoux et lui demanda : « Bon maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » C’est intéressant déjà, l’ouverture de cette parole qui pose la question : « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle? » Le verbe avoir appartient à la possession comme si on pouvait prendre la vie éternelle, acheter la vie éternelle, et Jésus va lui poser une première question : « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Dieu seul est bon. » Quand Jésus se met en route, il y a toutes les exigences de la route, il y a toutes les exigences de la mission et ce qu’il va expérimenter, ce n’est pas du tout d’avoir davantage mais surtout de se déposséder complètement. Alors l’expérience de suivre Jésus n’est pas une expérience d’acquisition mais une expérience de dépossession. C’est  sûr que, dépendant des lieux, des personnes, de devenir quelqu’un qui est reconnu comme à la suite de Jésus,  ça peut nous apporter certaine reconnaissance. Ça été ainsi pendant longtemps au Québec. On avait mis la vie consacrée et la vocation sacerdotale sur un piédestal. C’est vrai que ces deux vocations s’appuient ou se fondent sur la dignité des personnes qui acceptent de répondre « oui » au Seigneur, mais ce n’est pas pour recevoir davantage, c’est pour se livrer et se donner.

« Pourquoi m’appelles-tu bon? » Et il renvoie son interlocuteur à la bonté même de Dieu et à cette assise qui va faire qu’au moment des épreuves, au moment des renoncements, on ne soit pas dans un grand sentiment d’injustice par rapport à tout ce qu’on a pu apporter. On n’est pas rétribué de manière équivalente. « Tu connais les commandements » et Jésus va les nommer : « Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. » Tous ces commandements, il y en a juste un qui est dit au positif, tous les autres c’est de ne pas faire, et le dernier c’est « honore ton père et ta mère » donc, c’est dans une forme positive, ce n’est pas juste dans une omission mais dans une réalité très concrète qui est celle de l’amour et de la reconnaissance de nos origines. Et l’homme répondit : « Maître, j’ai observé tous ces commandements depuis ma jeunesse. » Jésus est devant un très bon pratiquant, devant quelqu’un qui a été bien élevé, devant quelqu’un qui a été bien éduqué. «  Il pose alors son regard sur lui et  se met à l’aimer. » On pourrait réfléchir longtemps sur cette expression « poser son regard sur lui. » On est encore dans un texte qui est vocationnel et qui va appeler à la suite de Jésus. D’ailleurs c’est un peu  ce que lui laisse entendre. Il veut avoir la vie éternelle, il veut avoir ce qu’on reçoit du don de soi.

Jésus lui dit : « Une seule chose te manque : – Il le centre sur une seule réalité- « va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor au ciel ; puis viens et suis-moi. » On voit dans cette phrase-là que de se mettre à la suite de Jésus, c’est vraiment une  expérience de dépossession. « Va, vends tout ce que tu as »- il ne dit pas « donne-moi tout ce que tu as pour le mettre au service du Royaume »- mais   «  va, vends ce que tu as, » ne reste pas lié ou attaché à aucune acquisition, « donne-le aux pauvres, » donc , affranchis- toi de ta richesse et de tes biens, « et là tu auras un trésor dans le ciel » et tu pourras venir à ma suite pour avoir la vie éternelle, pour connaitre la vie éternelle. « Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens. » C’est presque humoristique, « parce qu’il avait de grands biens, il devient tout triste. » C’est comme si les grands biens – on ne sait plus qui possède qui, est-ce les grands biens qui nous possèdent ou si c’est nous qui possédons les grands biens – rend le cœur de l’homme triste. Et c’est comme si cet appel à le suivre ne peut pas nourrir sa joie ou exalter sa reconnaissance, accueillir cette élection qui vient de Dieu, non ça le plonge dans une immense tristesse.

« Alors Jésus regarde tout autour de lui et dit à ses disciples : Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! » Alors, voyez-vous, le Royaume de Dieu ce n’est pas quelque chose qu’on peut acheter, ce n’est pas quelque chose qu’on peut avoir, le Royaume de Dieu, il nous est donné, c’est gratuit, mais il faut entrer dedans. Ce n’est pas une possession, c’est une accession ; entrer dans le Royaume de Dieu. Ce jeune homme, je le dis souvent, ce n’est pas celui qui a dit « non », c’est celui qui n’a pas encore dit « oui » parce qu’il n’est pas encore capable de s’affranchir de tous ses biens qui le possèdent lui, et il ne peut pas se libérer pour la mission à la suite de Jésus. Jésus va dire à ses disciples qui sont là et qui vont marcher à sa suite et qui vont être appelés à faire l’expérience de cette dépossession pour entrer dans le Royaume : «  Il est plus difficile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu. » L’aiguille était une porte à même le Temple, qui était vers l’arrière où entraient les marchands, et cette porte était passablement plus basse que les autres, et lorsque les chameaux devaient y entrer ils ne pouvaient pas y arriver sans se baisser vraiment pour pouvoir passer, non pas comme un grand, mais comme des tout-petits, texte qu’on a eu à réfléchir il y a quelque temps.

Et là, les disciples sont complètement décontenancés, ils ne saisissent pas, ils ne comprennent pas et se demandaient entre eux : « mais alors, qui peut être sauvé ? » Et c’est très beau, Jésus répond : «  Pour un homme ce n’est pas possible mais rien n’est impossible à Dieu. » Ce ne sont pas par nos forces qu’on va être sauvés, ce n’est pas par nos vertus qu’on va être sauvés, on va être sauvés dans l’accueil d’un don qui ne demande pas de sous, qui demande une chose, une reconnaissance de la primauté de Dieu dans la vie. « Pierre se mit à dire à Jésus : « Voilà que nous avons tout quitté pour te suivre. » Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : personne n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre, sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple, » c’est ce que nous allons recevoir. J’ai très conscience d’avoir renoncé, d’avoir quitté, et je sais très bien aujourd’hui que dans ma vie il y a une multitude de maisons, une multitude de frères et de sœurs qui sont devenus les miens à cause d’un renoncement qui appelait à l’expérience du Royaume qui est maintenant et déjà établi pour tous ceux qui sont capables, comme le chameau, de se baisser pour entrer dans ce don de Dieu.

Évangile : Marc 10, 17-30
1ère lecture : Sagesse 7, 7-11
Psaume 89, 12-17
2e lecture : Hébreux 4, 12-13

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