Commentaire du 14 juillet 2013 / Guylain Prince (9e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

– Guylain Prince est franciscain et bibliste résidant à Trois-Rivières. Il a été ordonné prêtre en 2002. En plus de conférences, retraites et formations diverses fondées sur les Écritures, il présente des concerts avec les ensemble vocaux de type Gospel qu’il dirige à Joliette et Trois-Rivières. : http://www.maisonintercd.com

– Gino Fillion : caméra et montage visuel.

« Une question sur le cœur de l’éthique juive \ L’image du Samaritain ‘hérétique’ présenté en modèle de la miséricorde de Dieu \ Quand la Loi est utilisé pour s’éloigner des gestes d’amour \ Rien dans ce monde subsiste sans l’amour de Dieu \ La façon de se comporter à la manière du Christ. »

– Références bibliques : http://aelf.org/

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Évangile : La loi d’amour : le bon Samaritain (Luc 10, 25-37)

Pour mettre Jésus à l’épreuve, un docteur de la Loi lui posa cette question : « Maître, que dois-je faire pour avoir part à la vie éternelle ? » Jésus lui demanda : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Que lis-tu ? » L’autre répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même. » Jésus lui dit : « Tu as bien répondu. Fais ainsi et tu auras la vie. » Mais lui, voulant montrer qu’il était un homme juste, dit à Jésus : « Et qui donc est mon prochain ? » Jésus reprit : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ; ceux-ci, après l’avoir dépouillé, roué de coups, s’en allèrent en le laissant à moitié mort. Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l’autre côté. De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l’autre côté. Mais un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de pitié. Il s’approcha, pansa ses plaies en y versant de l’huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, et les donna à l’aubergiste, en lui disant : ‘Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai.’ Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme qui était tombé entre les mains des bandits ? » Le docteur de la Loi répond : « Celui qui a fait preuve de bonté envers lui. » Jésus lui dit : « Va, et toi aussi fais de même. »

1ère lecture : La loi de Dieu dans le cœur de l’homme (Deutéronome 30, 10-14)
Moïse disait au peuple d’Israël : « Écoute la voix du Seigneur ton Dieu, en observant ses ordres et ses commandements inscrits dans ce livre de la Loi ; reviens au Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme. Car cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte. Elle n’est pas dans les cieux, pour que tu dises : ‘Qui montera aux cieux nous la chercher et nous la faire entendre, afin que nous la mettions en pratique ?’ Elle n’est pas au-delà des mers, pour que tu dises : ‘Qui se rendra au-delà des mers nous la chercher et nous la faire entendre, afin que nous la mettions en pratique ?’ Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur afin que tu la mettes en pratique. »

Psaume 18, 8-11

R/ Ta parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance !

La loi du Seigneur est parfaite,
qui redonne vie ;
la charte du Seigneur est sûre,
qui rend sages les simples.

Les préceptes du Seigneur sont droits,
ils réjouissent le coeur ;
le commandement du Seigneur est limpide,
il clarifie le regard.

La crainte qu’il inspire est pure,
elle est là pour toujours ;
les décisions du Seigneur sont justes
et vraiment équitables :

plus désirables que l’or,
qu’une masse d’or fin,
plus savoureuses que le miel
qui coule des rayons.

2ème lecture : Primauté du Christ dans la création et dans l’Église (Colossiens 1, 15-20)
Le Christ est l’image du Dieu invisible, le premier-né par rapport à toute créature, car c’est en lui que tout a été créé dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles et les puissances invisibles : tout est créé par lui et pour lui. Il est avant tous les êtres, et tout subsiste en lui. Il est aussi la tête du corps, c’est-à-dire de l’Église. Il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, puisqu’il devait avoir en tout la primauté. Car Dieu a voulu que dans le Christ toute chose ait son accomplissement total. Il a voulu tout réconcilier par lui et pour lui, sur la terre et dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix.

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Commentaire du 14 juillet 2013 (153e) – 15e dimanche du temps ordinaire (année C – Saint Luc)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

Le bon Samaritain; une maître-parabole

Le père Guylain Prince, ofm

Alors en ce beau mois de juillet 2013, nous sommes heureux de vous accueillir dans les jardins de Notre-Dame-du-Cap encore une fois. On est au beau milieu de l’été. Les gens viennent beaucoup. Nous sommes à l’endroit de ce qu’on appelle ici le chemin de croix et derrière nous,  ce qu’il y a, c’est la représentation du saint Sépulcre à Jérusalem, si bien que l’on peut dire, ce qui est intéressant sur l’endroit spécifique où l’on se trouve, c’est le Père Frédéric lui-même, donc le tout premier directeur du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap qui est béatifié, qui est en voie d’être canonisé. Comme il avait été en Terre Sainte pendant une douzaine d’années avant, a mesuré avec beaucoup de soin, la hauteur du Calvaire, la distance qu’il y a entre le lieu-dit de la crucifixion et le tombeau. Et c’est exactement à l’échelle de ce qui se trouve présentement dans la Basilique du St-Sépulcre à Jérusalem. Il n’y a que trois chemins de croix qui sont construits comme ça et tous les trois ont été faits par le Père Frédéric.

Nous avons choisi cet emplacement pour parler d’un texte magnifique cette semaine, celui du bon Samaritain. Et il arrive en plein été et mériterait d’être place au beau milieu de très beaux dimanches, bien populeux. Pourquoi? Parce que ce texte-là, cette parabole arrive après une question très importante. Dans l’évangile de Luc, il y a plusieurs textes qui prennent du relief, soit à cause de leur situation dans l’Évangile, soit à cause de la question de la mise en situation. C’est le cas cette semaine lorsque, disons, un enseignant, un scribe vient voir Jésus et lui pose la célèbre question stéréotypée. Il y en avait deux : la première : qu’est-ce qui est le plus important dans la Parole de Dieu ? L’autre, c’est : « Que dois-je faire pour avoir la vie en héritage ? » Ça c’est une traduction un peu plus littérale. Qu’est-ce  dois-je faire pour avoir la vie en héritage ? C’est une question que l’on pose à un rabbin à l’époque de Jésus pour lui demander de résumer le cœur de l’éthique chrétienne ou le comportement religieux, le comportement relationnel avec les autres mais qui s’inspire d’une foi chrétienne. Alors Jésus répond comme un bon rabbin, c’est-à-dire par : « Qu’est-ce que tu lis, qu’est-ce que tu as ? C’est quoi la réponse que tu donnes à cela ? » À une question un rabbin répond par une question pour savoir où la personne se situe, pour jauger où elle se trouve. Aujourd’hui on dirait une attitude  pastorale qui prend les personnes non pas là où on voudrait qu’elles soient mais là où elles sont en pratique. Lui répond – remarquez que ce n’est pas Jésus – il répond en disant : « C’est le double commandement de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain ». Et là Jésus lui dit : « Voilà, tu as ta réponse, fais cela et tu vivras. » Mais l’autre n’est pas satisfait, et le texte nous dit : « voulant montrer sa justice », est-ce parce qu’il voulait être juste, parce qu’il voulait se montrer juste, on ne sait pas trop parce que ça peut avoir les deux sens. Quoi qu’il en soit il pose la question : «  mais oui, mais qui est mon prochain », jusqu’où doit aller l’amour du prochain ? Et c’est dans ce contexte-là que Jésus raconte la parabole du bon Samaritain.

Il y aurait tant à dire sur le vocabulaire de ce texte-là parce qu’il est parlant et sur les trois personnages qui s’en viennent et qui sont fascinants. Dans la culture des pharisiens, c’est normal qu’on dise que ceux qui ont le mauvais rôle, c’est le prêtre, le lévite. C’est normal. Après le prêtre, arrive le lévite, le troisième aurait dû être un bon Juif, fervent, si possible, de tendance pharisienne. Le choc que les gens ont quand Jésus dit « Samaritain » est l’équivalent d’ongles sur un tableau, c’est-à-dire que les gens frissonnent en entendant le mot ‘Samaritain’ parce que tout le monde sait que le troisième personnage qui va entrer en scène est un personnage qui va être présenté en modèle. Or on présente comme modèle, un hérétique, quelqu’un qui a, à l’occasion – c’est très lointain cette division entre les Juifs et les Samaritains parce que ça remonte jusqu’en exil, ce n’est pas récent. Eux, ils ont adopté des pratiques qui venaient  d’un peu partout, ils ont une Parole de Dieu qui est un petit peu différente, une traduction par moments, ils sont perçus comme des gens vraiment méprisables par beaucoup de gens de l’époque de Jésus. Or, Jésus prend justement cet homme-là comme modèle de la miséricorde, parce que si on compte le nombre d’actions qu’il fait, il y a les sept actions du bon Samaritain, ça veut dire, la perfection de la miséricorde qui vient de ce retournement du sein maternel qu’on retrouve seulement à trois endroits dans l’Évangile de Luc : la résurrection du fils de la veuve de Naïm, la parabole du père et des deux fils dont le cœur est retourné, dont le sein maternel est retourné, c’est la même chose pour le bon Samaritain. Jésus prend un ‘hérétique’ pour illustrer le comportement de la parfaite miséricorde, de la parfaite compassion qui est celle même de Dieu. Sous les traits du Samaritain, c’est Dieu qui vient servir l’humanité jusqu’au risque d’être méprisé, marginalisé, exclu comme on le verra plus tard. C’est-à-dire que Jésus va prendre soin de celui même qui peut le rejeter. C’est assez exceptionnel comme image. L’autre chose qui est très intéressante dans ce texte-là, c’est le fait que le prêtre et le lévite se situent par rapport à un lieu et contournent – l’expression est très précise pour dire qu’il y a un  mouvement où ils s’éloignent et où ils passent tout droit. Le vocabulaire grec est très beau là-dessus pour dire que, vraiment, il y a un détour qui est fait et on continue plus loin.

Le Samaritain ce n’est pas par rapport à un lieu, lui, il se situe immédiatement à la personne qui souffre et il réagit de façons instinctive sans se poser de question. Et c’est là qu’on voit la belle expression qu’on utilise peut-être un peu trop mais  qui est très exacte, de Dieu qui est père au cœur de mère. C’est que le mouvement du sein maternel qui est mis au service de la personne, un mouvement instinctif de protection et de vouloir que l’autre soit bien et en santé le mieux possible. Tout cela fait que le Samaritain se situe par rapport à la personne souffrante tandis que les autres utilisent des prescriptions de pureté rituelle pour ne pas faire ce qu’ils devraient faire, alors qu’ils descendent de Jérusalem à Jéricho; ils ne montent pas. S’ils montaient ça suggérerait qu’ils s’en vont officier au Temple, et dans un sens ce serait compréhensible qu’ils ne veulent pas contracter pas une impureté rituelle lorsqu’ils se rendent pour servir au Temple de Jérusalem, parce que chez les prêtres et les lévites il y avait un système de rotation. Mais là dans le texte on nous suggère qu’ils descendent de Jérusalem à Jéricho, c’est-à-dire qu’ils ont quitté le service. Ils auraient pu prendre soin de cet homme-là sans aucune conséquence mais se servant d’une coutume et d’une règle de pureté rituelle, ils en profitent en fait pour garder une certaine dureté de cœur une certaine distance par rapport à la personne souffrante.

Ce qui est très intéressant dans les textes que nous avons cette semaine, c’est qu’il y a dans le texte de l’épître aux Colossiens deux naissances dans le Christ : « la création tout entière est issue du Fils de Dieu et donc, le Christ est la tête de toute la création », ce sont les premiers versets des lectures de cette semaine. Mais la deuxième naissance, c’est qu’il prend aussi la direction du Corps qui est l’Église. Donc la création qui est entière, et tout être humain – c’est pour ça que saint François d’Assise reconnaît dans la création tout entière la trace de Dieu qui est à regarder, à aimer, à observer. Même on peut aller plus loin, il s’agit de décoder dans la création comment Dieu est magnifié, célébré, pour entrer nous aussi dans cette célébration qui est naturelle. Et c’est un peu ça que Paul dans l’épître aux Romains va reprocher… il va dire : même les païens par la création auraient eu accès s’ils s’étaient en un sens laissé enseigné par la nature. Mais l’autre élément ici qui est très intéressant c’est le fait qu’il y a en plus une révélation du fils de Dieu qui va donner naissance à l’Église où là, une profession de foi dans celui qui sauve et encore plus dans celui qui crée, car si l’Église prend connaissance d’abord de Celui qui sauve l’humanité, elle doit aussi faire le chemin qui l’amène jusqu’à Celui qui donne naissance à la création tout entière, si bien qu’il n’y a rien dans ce monde qui subsiste sans l’amour de Dieu. Ça va très loin le texte. Le texte aussi de la Sagesse dans la première lecture. Ça va très très loin car déjà l’existence est signe de l’amour, ce qui veut dire qu’il n’y a rien, je dirais le croyant, n’est en aucun cas justifié, de mépriser, de marginaliser ou d’exclure la moindre des créatures et encore moins le moindre des êtres humains. Même l’être humain le plus blessé est issu du vouloir de Dieu d’abord comme être créé, mais il y a plus que ça, même le plus blessé, le plus éloigné des êtres humains à nos yeux est infiniment aimé par le Christ qui ira jusqu’à le servir. Et ça c’est un deuxième niveau. Il ne s’agit pas seulement de reconnaître la vérité d’être créé, mais aussi il en résulte un comportement inspiré par le Maître et ce comportement n’est pas aussi bien illustré que par la parabole du Bon Samaritain. Cette parabole, à cause de la question qui est posée par le scribe, n’est pas une parabole parmi d’autres, je dirais que c’est une maître-parabole tout comme le texte de Jésus à Nazareth au tout début de son ministère public, c’est un texte-clé pour comprendre tout le ministère public de Jésus. La parabole du Bon Samaritain, c’est le texte-clé pour comprendre le comportement qui naît d’un cœur qui a compris le monde créé mais qui comprend aussi que le Christ veut faire renaître sa création dans une relation renouvelée. Donc, il y a véritablement dans les textes de cette semaine deux créations : le Christ qui prend la tête de l’univers entier mais aussi de son Église et qui lui indique un comportement venu du monde créé.

Alors, frères et sœurs, tout ce qui nous entoure est animé, est issu de l’amour de Dieu, est aimé par Dieu, mais dans le Christ, on apprend le comportement qui en résulte, ce n’est seulement quelque chose à savoir c’est qu’il y a une façon de se comporter qui en résulte : le Christ est notre maître en comportement et nous nous tournons vers lui pour le servir, pour servir la création mais encore plus pour servir chaque être humain à la manière du Christ.

Évangile : Luc 10, 25-37

1ère lecture : Deutéronome 30, 10-14  

Psaume 18, 8-11

2e lecture : Colossiens 1, 15-20

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