Commentaire du 14 avril 2013 / Guylain Prince (6e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

« Les métiers complémentaires des apôtres / Le sens du repas préparé par le Christ / À son triple reniement Pierre fait son triple attachement / Pierre est la figure de l’amour total / Le pardon complet de Jésus pour Pierre / L’affirmation du credo et de l’adhérence totale au Christ. »

– Guylain Prince est franciscain et bibliste résidant à Trois-Rivières. Il a été ordonné prêtre en 2002. En plus de conférences, retraites et formations diverses fondées sur les Écritures, il présente des concerts avec les ensemble vocaux de type Gospel qu’il dirige à Joliette et Trois-Rivières.

– Gino Fillion : caméra, montage visuel et composition pour cordes.

– Références bibliques : http://aelf.org/

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Évangile : Apparition au bord du lac : la pêche miraculeuse (Jean 21, 1-19)
Après cela, Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord du lac de Tibériade, et voici comment. Il y avait là Simon-Pierre, avec Thomas (dont le nom signifie : Jumeau), Nathanaël, de Cana en Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres disciples. Simon-Pierre leur dit : « Je m’en vais à la pêche. » Ils lui répondent : « Nous allons avec toi. » Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, ils passèrent la nuit sans rien prendre. Au lever du jour, Jésus était là, sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui. Jésus les appelle : « Les enfants, auriez-vous un peu de poisson ? » Ils lui répondent : « Non. » Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le ramener, tellement il y avait de poisson. Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » Quand Simon-Pierre l’entendit déclarer que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau. Les autres disciples arrivent en barque, tirant le filet plein de poissons ; la terre n’était qu’à une centaine de mètres. En débarquant sur le rivage, ils voient un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain. Jésus leur dit : « Apportez donc de ce poisson que vous venez de prendre. » Simon-Pierre monta dans la barque et amena jusqu’à terre le filet plein de gros poissons : il y en avait cent cinquante-trois. Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré. Jésus dit alors : « Venez déjeuner. » Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? » Ils savaient que c’était le Seigneur. Jésus s’approche, prend le pain et le leur donne, ainsi que le poisson. C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples. Quand ils eurent déjeuné, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur, je t’aime, tu le sais. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. » Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur, je t’aime, tu le sais. » Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. » Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, est-ce que tu m’aimes ? » Pierre fut peiné parce que, pour la troisième fois, il lui demandait : « Est-ce que tu m’aimes ? » et il répondit : « Seigneur, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis. Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Puis il lui dit encore : « Suis-moi. » 

1ère lecture : Les Apôtres persécutés à Jérusalem (Actes 5, 27-32.40-41)
Il amena les Apôtres devant le grand conseil, et le grand prêtre les interrogea : « Nous vous avions formellement interdit d’enseigner le nom de cet homme-là, et voilà que vous remplissez Jérusalem de votre enseignement. Voulez-vous donc faire retomber sur nous le sang de cet homme ? » Pierre, avec les Apôtres, répondit alors : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus, que vous aviez exécuté en le pendant au bois du supplice. C’est lui que Dieu, par sa puissance, a élevé en faisant de lui le Chef, le Sauveur, pour apporter à Israël la conversion et le pardon des péchés. Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela, avec l’Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent. » On convoqua alors les Apôtres, et, après les avoir fouettés, on leur interdit de parler au nom de Jésus, puis on les relâcha. Mais eux, en sortant du grand conseil, repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus.

Psaume 29, 3-6.12-13 

R/ Je t’exalte, Seigneur, toi qui me relèves.

Quand j’ai crié vers toi, Seigneur,
mon Dieu, tu m’as guéri ;
Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme
et revivre quand je descendais à la fosse.

Fêtez le Seigneur, vous, ses fidèles,
rendez grâce en rappelant son nom très saint.
Sa colère ne dure qu’un instant,
sa bonté toute la vie.

Avec le soir viennent les larmes,
mais au matin, les cris de joie !
Tu as changé mon deuil en une danse,
mes habits funèbres en parure de joie !

Que mon cœur ne se taise pas,
qu’il soit en fête pour toi ;
et que sans fin, Seigneur, mon Dieu,
je te rende grâce ! 

2ème lecture : Gloire à l’Agneau immolé ! (Apocalypse 5, 11-14)
Alors, dans ma vision, j’ai entendu la voix d’une multitude d’anges qui entouraient le Trône, les Vivants et les Anciens : ils étaient des millions, des centaines de millions. Ils criaient à pleine voix : « Lui, l’Agneau immolé, il est digne de recevoir puissance et richesse, sagesse et force, honneur, gloire et bénédiction. » Et j’entendis l’acclamation de toutes les créatures au ciel, sur terre, sous terre et sur mer ; tous les êtres qui s’y trouvent proclamaient :« A celui qui siège sur le Trône, et à l’Agneau, bénédiction, honneur, gloire et domination pour les siècles des siècles. » Et les quatre Vivants disaient : « Amen ! » et les Anciens se prosternèrent pour adorer.

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Commentaire du 14 avril 2013 (140e) – 3e dimanche de Pâques (année C – Saint Luc)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

La pêche miraculeuse et triple attachement de Pierre

Le père Guylain Prince, ofm

Aujourd’hui nous présentons les textes du 3e dimanche de Pâques, et c’est l’un des textes les plus costauds, les plus fournis que nous avons ce dimanche-ci qui commence avec ce récit de pêche miraculeuse après la Résurrection. On connait assez bien le texte de la pêche avant, pendant le ministère publique de Jésus, mais celui après la Résurrection de Jésus on est moins familiers avec ce texte-là. En Terre Sainte, c’est un endroit merveilleux ! Tout près de l’endroit dit de la multiplication des pains, juste à côté il y a un endroit où il est raconté depuis très très longtemps. Imaginez, il y a un récit d’une femme qui fait un pèlerinage en Terre sainte du 2e siècle. Elle décrit : « sur le bord de la mer de Galilée, il y a quelques marches avec une pierre creusée – comme on faisait à l’époque, c’est-à-dire que sur des pierres plates on creusait un espace et là on y mettait quelques branches. La pierre étant chauffée, on y faisait cuire le poisson, la nourriture sur la pierre chaude autour du feu – or elle raconte qu’elle connaît l’endroit, qu’elle l’a visité et on lui a dit que c’était à cet endroit-là, qu’après sa Résurrection (au chapitre 21 de saint Jean, le récit de cette semaine), que Jésus a accueilli ses disciples, leur a préparé un repas où les disciples sont arrivés avec la fameuse pêche des 153 poissons. On cherche depuis longtemps le sens précis de qu’est-ce que ça veut dire ces fameux 153 poissons. Si vous saviez combien il y a d’interprétations, ce n’est pas croyable.

Si on veut résumer ce texte très profond, complexe, c’est ceci : c’est quand Jésus ressuscité retrouve ou rencontre ses disciples dans leur métier. C’est-à-dire que les disciples, parfois on a l’impression qu’ils deviennent soudainement des prédicateurs itinérants comme Jésus et vont se mettre à voyager par montagnes et par plaines pour annoncer l’évangile en tout temps comme un temps plein, on peut dire cela comme ça. Or, ce qu’on constate, c’est que même pour Paul qui est le plus grand des évangélistes, ce sont tous des gens qui exercent un métier. Puis on l’oublie qu’ils avaient des familles, des épouses. Tous les apôtres connus avaient semble-t-il, une famille. On raconte cet événement à l’endroit tout près de l’endroit où l’on sait que Pierre avait sa maison. Même aujourd’hui à Capharnaüm on peut visiter une ruine qui avait été entourée par une église, il y a très longtemps, de l’époque byzantine, et sur les murs de cette maison-là avait de gravé « maison de Pierre ».

Pierre est donc retourné à son travail. Les autres disciples sont des pêcheurs et il y a encore l’expérience du Ressuscité qui se fait, non seulement à la manière de… nous on imagine la manière de l’Ascension ou de la Pentecôte, la rencontre du Ressuscité dont on a assez peu de détails si ce n’est les premières rencontres. Ici ce qui est intéressant, c’est que les disciples sont chez eux. Ils viennent, ils voient, ils expérimentent un Ressuscité qui prend soin d’eux. C’est-à-dire qu’avant même qu’ils arrivent, le Seigneur a apprêté une table d’éternité, c’est-à-dire réalisée par Celui qui est éternel. Il s’offre en communion. Le repas, qui est le geste par excellence par lequel on entre en communion avec quelqu’un, est ici véritablement un parallèle qu’on peut faire très facilement avec l’Eucharistie car s’il y a un côté matériel au repas du pain et du vin, au mémorial, il y a une dimension immatérielle, c’est-à-dire, c’est la rencontre de quelqu’un qui est ressuscité et qui se donne, ce qui est le symbole qu’on retrouve sous le fait que c’est le Christ lui-même qui prépare le repas.

Parfois, je dis souvent que ce qui nuit le plus à l’Eucharistie c’est l’impression que c’est nous qui faisons tout alors, qu’en réalité nous ne répondons qu’à l’invitation ECCLESIA. Même le mot Église c’est le fait d’être appelé de ses activités pour venir à la rencontre de Celui qui nous invite, nous sommes convoqués. Des fois ça semble des mots un peu techniques mais il y a une réalité derrière. On est convoqués, on est appelés à se rassembler autour du Ressuscité qui nous a préparé une table comme le dit très bien le beau psaume 23 « Le Seigneur me prépare des prés d’herbe fraîche où il me fait reposer, une table généreuse. » Au fond, pourquoi on lit cela au moment des funérailles ? C’est pour dire que ce n’est pas seulement une réalité terrestre riche à laquelle nous sommes appelés. On peut dire que le Christ a fait entrer le ciel dans notre vie quotidienne. Et donc, à travers un geste tout à fait banal, voici que le Christ par un repas de poisson qui est le poisson que les disciples apportent, un peu à l’image du pain et du vin, on apporte le pain et le vin mais en réalité le Christ les transforme en signe de sa présence. Et là-dessus, je me permets une petite parenthèse franciscaine, on se trouve en plein cœur de toute la théologie de saint Bonaventure, un grand spirituel qui dit, au fond, la création, c’est le lieu d’échange. Dieu se donne à son peuple et le peuple se donne à Dieu, donc la création c’est la scène où se joue le théâtre de l’éternité, même si ce n’est pas du théâtre, c’est la vérité, c’est ce qui est vrai, c’est ce qui est juste.

Le texte nous dit aussi quelque chose de très beau. Parfois quand on fait la lecture brève, on enlève la portion qui suit qui est extraordinaire parce que Jésus va poser la question à Pierre : « M’aimes-tu ? » et trois fois il va lui dire : « Prends soin de mes brebis ». La traduction on peut la travailler. Des fois on dit : « Pais mes brebis » dans le sens du verbe paître, prendre soin, mais ce qui est très important dans le texte, c’est de comprendre que saint Pierre a renié trois fois. Et voici qu’au triple reniement, il a l’occasion d’affirmer son triple attachement au Christ. Un triple reniement ça ne veut pas juste dire il a renié une fois, ou quatre fois ou cinq fois, ce n’est pas un chiffre, le triple reniement, ça veut dire un complet reniement. Et vous savez parfois on parle beaucoup de la trahison de Judas et puis on en fait vraiment quelque chose de grave, c’est vrai je ne veux pas nier ça, mais il ne faut jamais oublier que la trahison de Pierre, elle, est presqu’aussi grande. Trahison, triple trahison, c’est-à-dire le triple reniement, ce n’est pas qu’il a renié une fois, cinq fois, dix fois ou trois fois, c’est que le trois ici représente un reniement complet. C’est que Pierre aurait eu l’occasion de se reprendre, de se ressaisir, de se dire « qu’est-ce que je suis en train de faire là ? » Non, il ne veut pas que par ricochet, la condamnation de Jésus vienne l’atteindre et donc il va renier 3 fois, et vous avez donc, triple reniement par la gauche mais par la droite ici, dans ce texte, vous avec l’affirmation du triple attachement de Pierre.

Dans l’Évangile de Jean on va dire que l’autre disciple, le disciple que Jésus aimait, est un modèle de foi comme est Marie-Madeleine. Ce sont des modèles de foi. On va dire que Pierre est la figure de l’amour inconditionnel, c’est de l’amour total, entier, qui va faire des erreurs – même dans l’évangile de Jean on le trouve un peu balourd, Pierre est un peu lourd, il ne comprend pas vite –, mais son amour va finalement se manifester dans tout son rayonnement dans le texte que nous avons ici. « Prends soin de mes brebis, pais mes brebis », les traducteurs français n’aiment pas trop répéter trois fois la même phrase, mais en réalité, Pierre se fait poser exactement trois fois la même question. La première fois, ça arrive qu’on puisse dire n’importe quoi. Ça arrive des fois quand on parle avec quelqu’un, il nous pose une question et on lui répond distraitement. Mais si la personne se reprend, puis lui dit « regarde c’est important », est-ce que ? Elle va dire oui, oui, plus sérieusement. Mais là « trois fois » c’est qu’au fond Pierre manifeste clairement son attachement au Christ, un attachement qui ira aussi jusqu’à donner sa vie pour le Christ.

Ce qui est important de saisir aussi c’est que ce texte-là est aussi important pour comprendre le rôle de Pierre dans l’Église primitive que la profession qu’il fait. Par exemple, au milieu des évangiles synoptiques « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », où il fait une profession très forte : « Tu es le Messie », alors qu’à la limite, le Christ n’a pas rien fait encore, c’est-à-dire que le plus grand restait à venir. Mais là, il va dire « oui, je t’aime, je t’aime, je t’aime… ». Tout le ministère de Pierre se fonde sur deux choses. Il se fonde sur une foi qui professe quelque chose contre vents et marées, contre la souffrance, contre ce qui s’en vient, la Passion, il y a l’affirmation de l’identité de Jésus, et dans le texte que nous avons cette semaine, il ne suffit pas de dire Jésus est Christ, il faut dire Jésus est Christ, donc, je me donne à toi tout entier. Donc, je vais m’occuper, je vais faire ce que tu dis, de prendre soin de mes brebis, et dans ce cas-ci dans le texte qui nous préoccupe, c’est vraiment une affirmation qu’il doit prendre soin de l’Église naissante. C’est assez étonnant de la part de quelqu’un qui a renié Jésus. Et c’est là qu’on voit qu’il y a un pardon complet. Désormais, sa foi ne défaillira pas, elle a défailli de façon importante, mais maintenant, je vais prier pour toi, je vais prendre soin de toi, je vais m’occuper de manière à ce que vraiment tu puisses prendre soin de mon peuple et grâce à toi mon peuple va grandir dans cet attachement.

À mon avis, moi la façon dont je me situe dans la vie, c’est que le Credo, la Profession de foi, ça ne nous mène pas tellement loin, s’il n’y a pas une adhésion. Le mot disciple en araméen ce sont des adhérents, ce sont des gens qui collent au Christ. Personnellement j’ai l’impression bien souvent qu’on fait du Credo une espèce de série d’articles de foi un peu détachés sans saisir que c’est une relation qui sous-tend le Credo, c’est une relation et une confiance en Dieu qui sous-tend le Credo. Et ce qui fait la puissance du ministère de Pierre, c’est la combinaison des deux, c’est l’affirmation du Credo et de l’adhérence ou l’adhésion ou l’attachement que Pierre manifeste à son Seigneur et c’est ça qui fait qu’il doit prendre soin de ses brebis. Très beau texte. Il aurait tant de choses à dire encore, mais n’oubliez pas, il y a plus de dimanches de Pâques qu’il y a de dimanches de Carême, ce n’est pas pour dire que la Passion n’est pas importante mais pour dire que l’éblouissement de Pâques est largement plus grand que celui de la souffrance et de la mort, et les conséquences on les voit avec Pierre aujourd’hui dans une adhésion au Christ qui est sans contrainte, toute entière. Je vous souhaite avec l’arrivée de la Pentecôte bientôt de pouvoir adhérer au Christ de toute votre âme, de tout votre cœur, de tout votre être et que cette vie-là puisse prendre en vous toute sa pleine mesure.

Évangile : Jean 21, 1-9

1ère lecture : Actes 5, 27-32. 40-41

Psaume 2e lecture : 29, 3-6.12-13

Apocalypse 5, 11-14

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