Commentaire du 13 mars 2011 / Pierre Desroches (26e)

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses St-Pierre Claver et St-Stanislas de Kostka de Montréal.
– Gino Fillion : composition, guitare, caméra et montage / Subir Dev : Tabla.

 » Être bien préparé à mener le combat qui fera de nous des humains dans la plénitude du mot / Quand un fruit nous est refusé c’est comme si l’ensemble des fruits nous est refusé / On fait souvent plus confiance à l’enseignement du monde / Dieu se sent toujours concerné par l’homme qui s’égare « .

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Évangile : La tentation de Jésus (Matthieu 4, 1-11)
Jésus, après son baptême, fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le démon. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Le tentateur s’approcha et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. » Mais Jésus répondit : « Il est écrit : Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Alors le démon l’emmène à la ville sainte, à Jérusalem, le place au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » Jésus lui déclara : « Il est encore écrit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » Le démon l’emmène encore sur une très haute montagne et lui fait voir tous les royaumes du monde avec leur gloire. Il lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si tu te prosternes pour m’adorer. » Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, et c’est lui seul que tu adoreras. »  Alors le démon le quitte. Voici que des anges s’approchèrent de lui, et ils le servaient.

1ère lecture : La création de l’homme. Le péché (Genèse 2, 7-9; 3, 1-7a)
Au temps où le Seigneur Dieu fit le ciel et la terre, il modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. Le Seigneur Dieu planta un jardin en Éden, à l’orient, et y plaça l’homme qu’il avait modelé. Le Seigneur Dieu fit pousser du sol toute sorte d’arbres à l’aspect attirant et aux fruits savoureux ; il y avait aussi l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Or, le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que le Seigneur Dieu avait fait. Il dit à la femme : « Alors, Dieu vous a dit : « Vous ne mangerez le fruit d’aucun arbre du jardin »» La femme répondit au serpent : « Nous mangeons les fruits des arbres du jardin. Mais, pour celui qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : ‘Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sinon vous mourrez.’ » Le serpent dit à la femme : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » La femme s’aperçut que le fruit de l’arbre devait être savoureux, qu’il avait un aspect agréable et qu’il était désirable, puisqu’il donnait l’intelligence. Elle prit de ce fruit, et en mangea. Elle en donna aussi à son mari, et il en mangea. Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus.

Psaume 50, 3-4, 5-6ab, 12-13, 14.17
R/ Pitié, Seigneur, car nous avons péché.

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

Oui, je connais mon péché,
ma faute est toujours devant moi.
Contre toi, et toi seul, j’ai péché,
ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait.

Crée en moi un coeur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.

Rends-moi la joie d’être sauvé ;
que l’esprit généreux me soutienne.
Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche annoncera ta louange.

2ème lecture : Là où le péché s’était multiplié, la grâce a surabondé (Romains 5, 12-19)
Frères, par un seul homme, Adam, le péché est entré dans le monde, et par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, du fait que tous ont péché. Avant la loi de Moïse, le péché était déjà dans le monde. Certes, on dit que le péché ne peut être sanctionné quand il n’y a pas de loi ; mais pourtant, depuis Adam jusqu’à Moïse, la mort a régné, même sur ceux qui n’avaient pas péché par désobéissance à la manière d’Adam. Or, Adam préfigurait celui qui devait venir. Mais le don gratuit de Dieu et la faute n’ont pas la même mesure. En effet, si la mort a frappé la multitude des hommes par la faute d’un seul, combien plus la grâce de Dieu a-t-elle comblé la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ. Le don de Dieu et les conséquences du péché d’un seul n’ont pas la même mesure non plus : d’une part, en effet, pour la faute d’un seul, le jugement a conduit à la condamnation ; d’autre part, pour une multitude de fautes, le don gratuit de Dieu conduit à la justification. En effet, si, à cause d’un seul homme, par la faute d’un seul homme, la mort a régné, combien plus, à cause de Jésus Christ et de lui seul, régneront-ils dans la vie, ceux qui reçoivent en plénitude le don de la grâce qui les rend justes. Bref, de même que la faute commise par un seul a conduit tous les hommes à la condamnation, de même l’accomplissement de la justice par un seul a conduit tous les hommes à la justification qui donne la vie. En effet, de même que tous sont devenus pécheurs parce qu’un seul homme a désobéi, de même tous deviendront justes parce qu’un seul homme a obéi.

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Commentaire du 13 mars 2011 (26è) –  1er dimanche du Carême (année A)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

C’est à l’heure de la fragilité qu’arrive le Tentateur

L’abbé Pierre Desroches

On entre cette semaine en Carême. On a un décor peut être un peu plus austère; une belle boiserie qui rappelle un passé un peu différent d’aujourd’hui. C’est une très belle stèle où les curés qui ne présidaient pas, mais qui étaient présents à l’Eucharistie, pouvaient s’asseoir avec deux acolytes pendant que se déroulait la célébration et qu’ils siégeaient au milieu de leur peuple. Je vous avoue que je n’ai jamais eu à vivre cette réalité et probablement que je ne l’expérimenterai jamais. Mais en ce temps de Carême nous sommes appelés à une réalité qui est un peu différente. Vous savez que l’expression « carême » vient d’un terme qui signifie quarante. Quarante, ça nous rappelle les quarante ans du peuple au désert et dans l’évangile on va être devant les quarante jours de Jésus qui, lui aussi, sera au désert pour se préparer à sa mission. Nous sommes invités à ce temps de quarante jours pour nous disposer et nous préparer à bien mener le combat que nous aurons à mener pour être un humain dans la plénitude du mot et de la création que Dieu a fait lorsqu’il a appelé l’humanité à l’existence.

Et le premier texte que la liturgie nous propose est un des textes qui est parmi ceux qui sont les plus connus et qui va nous parler de la création de l’humanité quand Dieu va placer au jardin d’Éden l’homme et la femme et qui va les inviter à… – je vous lis l’expression – « alors il fit pousser du sol toute sorte d’arbres à l’aspect attirant et aux fruits savoureux ; il y avait aussi l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal. » Le Seigneur dit dans cette parole « qu’il fit le ciel et la terre et qu’il modela l’homme avec la poussière tirée du sol et qu’il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. »  On devrait peut-être traduire plus heureusement « et l’humanité devint un être vivant ». C’est une humanité qui n’est pas encore différenciée; il n’y a pas encore d’homme et de femme, il y a l’humanité, il y a l’être vivant. Cette traduction nous le traduit par le mot simple « d’homme », ce qui veut dire fondamentalement la dame, la terre, le terreux, donc cette dimension qui vient de la terre et cette autre dimension qui vient du souffle. Et le souffle vient du Seigneur. « Il lui insuffla une haleine  de vie. » Il y a dans la réalité humaine une double dimension qui est à la fois très terrestre et une dimension qui est à la fois très céleste et c’est le souffle. « Dieu planta un jardin en Éden, à l’orient, et y plaça l’homme qu’il avait modelé. » Cette image est très significative pour ce peuple qui vit toujours dans des déserts sous un soleil torride. Alors c’est très idyllique, un jardin qui va être plantureux, avoir plein d’eau. C’est tout ce qui leur manque au quotidien. C’est une manière de nous dire que Dieu place cette humanité dans un lieu rempli de bienfaits et il fait pousser toutes sortes d’arbres, des fruits qui sont savoureux : ça doit représenter un peu tous les rêves et les images qu’ils se faisaient dans la sécheresse et dans le manque. Et « il y avait au milieu du jardin un arbre de vie et il y avait l’arbre de la connaissance du bien et du mal ». Alors il y a deux arbres : un qui est l’arbre de vie et l’autre qui est l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Le serpent qui était très rusé – on va nous le dire dans cette parole – dit à la femme : « Dieu vous a dit : <Vous ne mangerez pas le  fruit d’aucun arbre du jardin. > » Et la réponse de la femme est très intéressante : « Nous mangerons les fruits des arbres du jardin. Mais pour celui qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : <Vous n’en mangerez pas…> »

La première interprétation que propose le serpent, c’est que Dieu a mis un interdit sur tous les fruits. Et c’est comme si – Ève va rectifier et elle va dire – « non, ce n’est pas ça qu’il nous a dit. Il nous a dit qu’on peut en manger de tous, sauf un. » Mais souvent, dans l’humanité, quand un fruit nous est refusé, c’est comme si l’ensemble des fruits nous était refusé. Et ce que le serpent veut laisser croire à notre amie Ève c’est que Dieu ne les aime pas parce qu’il veut conserver les biens pour lui. Donc, il n’est pas un Dieu aimant de cette humanité qu’il crée. Et la femme dit : « Dieu nous a dit : « Si vous touchez à cet arbre, vous allez mourir. » Et là le serpent va dire « pas du tout, vous ne mourrez pas. » Vous ne pouvez pas faire confiance en ce Dieu qui se trompe pour vous maintenir dans le fond, dans une attitude, pour vous maintenir sous sa domination. Et  le serpent dit : « Il sait très bien qu’un jour vous en mangerez, vous deviendrez son égal et Dieu ne veut pas que vous soyez son égal. »  Et là notre amie Ève va manger du fruit parce que, finalement, elle va faire confiance davantage en la parole du serpent qu’en la Parole de Dieu.

C’est une très belle symbolique qui nous dit d’une certaine manière comment on fait souvent plus confiance à la catéchèse du monde qu’à la catéchèse de l’Église, comment on est plus ouvert à l’enseignement qui nous invite à ne pas craindre  Dieu, à  penser que Dieu est contre nous plutôt qu’avec nous et que si nous allons par notre  volonté nous allons nous réaliser davantage. C’est une très belle catéchèse qui est très ancienne qui vient de ce livre qui nous est donné en ce premier dimanche du Carême. Peut-être que le grand combat, la grande lutte que nous avons à mener dans le Carême c’est de savoir quelle est la catéchèse qui va davantage nous inspirer pour guider notre vie et pour se réaliser. Est-ce qu’on veut se réaliser à la manière du serpent ou est-ce qu’on veut se réaliser à la manière que Dieu nous propose en accueillant tous ses dons qui sont extraordinaires ?

Dans la deuxième lecture qui est tirée de l’épître aux Romains, notre ami Paul va nous faire une comparaison. Dans la première lecture, toute l’humanité condamnée par le choix d’un seul homme; on pourrait trouver que c’est une grave injustice. Et notre ami Paul va nous dire « que par l’obéissance d’un seul, tous nous sommes sauvés. Il refait une espèce d’équilibre où il nous fait prendre conscience que le salut, il nous vient de l’Unique, il nous vient de Jésus Christ et que nous sommes loin d’être condamnés pour l’éternité. Sans cesse, Dieu a voulu accompagner son peuple pour qu’il puisse faire l’expérience de son salut, de son amour, de la vie qu’il nous donne en abondance et qu’il continue de nous donner même quand nous, on a fait le choix de ce qui est mortel.

Quand j’étais jeune enfant, on nous a beaucoup parlé des péchés véniels et des péchés mortels. Les péchés véniels c’était ceux qui n’étaient pas très graves, c’est comme si on pouvait les faire sans trop de conséquences, mais que les péchés mortels c’était ceux qui nous faisaient perdre le ciel et qui nous coupaient de la vie éternelle. Cette image était souvent terrible pour nous parce que nous avions l’impression que cette perte-là elle était pour l’éternité. Je pense que dans l’expérience qu’on voulait nous transmettre,  ou qu’on voulait nous inviter à saisir, c’est qu’il y avait certains gestes qu’on posait ou certaines attitudes qu’on épousait qui nous coupaient de la Source et pas après notre mort physique, mais dès maintenant. Et Dieu connaît très bien cette condition de l’homme et il se sent toujours concerné par l’homme qui s’égare. Et, il veut toujours lui donner toutes les opportunités pour qu’il puisse se retrouver dans une relation avec lui qui a toujours cette sagesse qui nous fait constamment sortir de tous les pièges de mort dans lesquelles notre pauvre nature peut s’égarer.

Dans l’Évangile, c’est le très beau texte de la tentation de Jésus au désert. Dans ce texte, ce qui m’a toujours touché, je vous en lis la première phrase : « Jésus, après son baptême, fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le démon ». C’est comme  si le démon était une expérience spirituelle. C’est « poussé par l’Esprit qu’il s’en va au désert », et ce qu’il va expérimenter, c’est cette tentation qu’on a très bien décrite d’une manière très imagée dans la première lecture que je vous ai commentée un peu tantôt.

« Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Et le tentateur s’approche et lui dit…». C’est à l’heure de la fragilité que nous arrive le tentateur. Ça peut être relativement facile de croire à Dieu, mais je me souviens d’une de mes amies qui croyait en Dieu mais qui a perdu sa foi en Dieu le jour où son père est mort. Elle avait été beaucoup fragilisée parce que cet homme-là avait été pour elle quelqu’un de très bienveillant, de très accueillant, de très significatif. Et la mort de son père faisait naître en elle une grande révolte. Ici, le tentateur va apparaître au bout de quarante jours quand Jésus n’a pas mangé depuis quarante jours. Et donc, son corps est en grande fragilité. Puis il lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. » Dans notre vie il est fort possible qu’il y ait des pierres, des réalités qui soient dures et qu’on veuille les transformer pour que, de cette dureté on puisse aller chercher certaines facilités ou certaines satisfactions immédiates. Et à cette tentation Jésus va répondre « que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » et que dans les duretés, il faut être capable d’être nourri par cette présence qui va éviter qu’on dévie de notre être profond et qu’on puisse accomplir cette croissance et de mener à bien le combat. Que chacune des tentations que nous allons voir dans le texte de cette semaine, nous fasse saisir qu’elles sont bien présentes dans chacune de nos existences. Je vous laisse méditer sur les deux prochaines. Je vous souhaite un excellent carême et je suis heureux de faire route avec vous pour cette parole et dans ces paroles qui vont faire de nous d’authentiques fils et des filles de Dieu.

 

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