Commentaire du 10 mars 2013 / Guylain Prince (5e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

– Guylain Prince est franciscain et bibliste résidant à Trois-Rivières. En plus de conférences, retraites et formations diverses fondées sur les Écritures, il présente des concerts avec les ensemble vocaux de type Gospel qu’il dirige à Joliette et Trois-Rivières.

– Gino Fillion : caméra, montage visuel et guitares sur une chanson de Guylain Prince « Ma petite voix » sur l’album PAR-DELÀ LES FRONTIÈRES disponible sur : http://www.maisonintercd.com/

« Les paraboles de miséricorde de Jésus sont d’abord adressées aux pharisiens qui jugent l’attitude de Jésus / Même avec l’imperfection de son repentir, le fils cadet est accueilli par le père / Une parabole ouverte car nous ne savons pas si le fils aîné va entrer dans la maison / Se réconcilier avec l’agir de Dieu. »

– Références bibliques : http://aelf.org/

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Évangile : Parabole du père et de ses deux fils (Luc 15, 1-3.11-32)
Les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : ‘Père, donne-moi la part d’héritage qui me revient.’ Et le père fit le partage de ses biens. Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il gaspilla sa fortune en menant une vie de désordre. Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans cette région, et il commença à se trouver dans la misère. Il alla s’embaucher chez un homme du pays qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien. Alors il réfléchit : ‘Tant d’ouvriers chez mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je vais retourner chez mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d’être appelé ton fils. Prends-moi comme l’un de tes ouvriers.’ Il partit donc pour aller chez son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de pitié ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : ‘Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d’être appelé ton fils…’ Mais le père dit à ses domestiques : ‘Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller. Mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds. Allez chercher le veau gras, tuez-le ; mangeons et festoyons. Car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.’ Et ils commencèrent la fête. Le fils aîné était aux champs. A son retour, quand il fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des domestiques, il demanda ce qui se passait. Celui-ci répondit : ‘C’est ton frère qui est de retour. Et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a vu revenir son fils en bonne santé.’ Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père, qui était sorti, le suppliait. Mais il répliqua : ‘Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais désobéi à tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est arrivé après avoir dépensé ton bien avec des filles, tu as fait tuer pour lui le veau gras !’ Le père répondit : ‘Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait bien festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ! »

1ère lecture : L’arrivée en Terre Promise et la célébration de la Pâque (Josué 5, 10-12)
(Après le passage au Jourdain) les fils d’Israël campèrent à Guilgal et célébrèrent la Pâque le quatorzième jour du mois, vers le soir, dans la plaine de Jéricho. Le lendemain de la Pâque, ils mangèrent les produits de cette terre : des pains sans levain et des épis grillés. A partir de ce jour, la manne cessa de tomber, puisqu’ils mangeaient les produits de la terre. Il n’y avait plus de manne pour les fils d’Israël, qui mangèrent cette année-là ce qu’ils récoltèrent sur la terre de Canaan. 

Psaume 33, 2- 7

R/ Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur.

Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !

Magnifiez avec moi le Seigneur,
exaltons tous ensemble son nom.
Je cherche le Seigneur, il me répond :
de toutes mes frayeurs, il me délivre.

Qui regarde vers lui resplendira,
sans ombre ni trouble au visage.
Un pauvre crie ; le Seigneur entend :
il le sauve de toutes ses angoisses. 

2ème lecture : Réconciliés avec Dieu par le Christ (2 Corinthiens 5, 17-21)
Si donc quelqu’un est en Jésus Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné pour ministère de travailler à cette réconciliation. Car c’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui ; il effaçait pour tous les hommes le compte de leurs péchés, et il mettait dans notre bouche la parole de la réconciliation. Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui, en fait, vous adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous le demandons, laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché des hommes, afin que, grâce à lui, nous soyons identifiés à la justice de Dieu.

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Commentaire du 10 mars 2013 (135e) – 4e dimanche du Carême (année C – Saint Luc)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

La parabole du père miséricordieux et de ses deux fils

Le père Guylain Prince

Cette semaine, nous sommes au quatrième dimanche du Carême et nous avons véritablement ce qu’on appelle : l’évangile ou le dimanche de la miséricorde. Tout est axé sur ce chef d’œuvre de l’évangile, le chapitre 15 de l’évangile de Luc. J’ai pensé attirer votre attention sur certains points de cette parabole que la plupart d’entre vous vous connaissez abondamment, si bien que je vais plutôt m’attarder surtout aux premiers versets du chapitre 15, les versets 1 à 3 et ensuite je vais aller surtout sur le fils ainé qu’on tente à oublier.

Le contexte du chapitre 15 avec les trois paraboles, la pièce de monnaie retrouvée, la brebis perdue, puis la parabole du père et des deux fils qui est l’objet de ce dimanche-ci; ces trois paraboles ont un contexte. Et le contexte, il est très précis et heureusement on l’a gardé dans le Lectionnaire : « Les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole ». On oublie presque toujours de souligner que les paraboles de la miséricorde sont dans un contexte de jugement. On oublie que Jésus raconte ça pour les pharisiens qui sont présents et qui sont portés à juger durement l’accueil que j’ai fait aux personnes dites « publicains, publicaines, » c’est-à-dire des personnes reconnues pécheresses publiquement. Il peut y avoir beaucoup de choses là-dedans, ce ne sont pas seulement – les gens pensent parfois pécheurs publics, ce sont les prostituées – il y avait là-dedans presque tous ceux qu’on excluait à cause de maladies graves en qui on reconnaissait un péché grave aussi parce que leur maladie était le signe pour les gens d’un péché grave. Mais les grandes fautes de famille qui, des fois des grandes choses qui sont arrivées dans les familles, ces familles-là étaient marquées, mais aussi, tout simplement, un personnage comme Zachée, lui, un homme riche, c’est un juif qui collabore avec l’ennemi, avec les Romains, c’était un publicain aussi.

Jésus donc, mange en compagnie des publicains et la façon dont le texte est écrit, c’est qu’il nous dit que ce n’est pas une chose qui n’est arrivé qu’une fois, c’est une manière d’être. Jésus, c’est comme ça qu’il est. Il mange avec les publicains. On est en face d’une façon de faire de Jésus qui choque les gens, qui choque en particulier les pharisiens, et ceux-ci, scribes et pharisiens,  ont le réflexe de se dire : « il ne doit pas comprendre qui ils sont, où encore que Dieu, il n’approuve pas ça, c’est certain, parce que nous qui connaissons la Parole, qui l’appliquons fiévreusement ou avec beaucoup de zèle, les coutumes et les consignes que l’on comprend de la Parole, nous on sait que ce n’est pas comme ça qu’un saint homme devrait agir. » Les publicains et les pharisiens, beaucoup d’entre eux avaient en plus, une impureté rituelle, c’est-à-dire de prendre un repas avec eux, de les toucher rendait Jésus impur indirectement, c’est-à-dire qu’il devait passer par un cycle de purification avant de se retrouver à la synagogue. Jésus mange avec des publicains, c’est quelque chose parce que les scribes et les pharisiens qui sont dans la même salle ne touchent pas les meubles, ne touchent pas les plats, ne touchent pas la nourriture que les publicains touchent afin de se garder rituellement purs pour pouvoir exercer leur foi normalement.

La parabole : je n’aime pas du tout le titre du fils prodigue. D’abord, ma formation m’oriente complètement vers autre chose, c’est-à-dire que ce n’est pas le fils qui est prodigue, le fils n’est pas généreux, c’est ça que veut dire le mot « prodigue », c’est quelqu’un qui donne généreusement qui ne regarde pas à la dépense; c’est ça le prodigue. Ce n’est pas ça le fils : le fils est dépensier, il n’est pas prodigue, il dépense de façon irraisonnée tous les biens que son père a. Ce qu’il faut comprendre, comme il y a des serviteurs, comme il y a un veau, comme il y a des champs, on comprend que c’est une propriété énorme. Le fils cadet n’a pas dépensé rien du tout ou encore de petites sommes, c’est une fortune qu’il a dépensée. Bien sûr, très rapidement dans la prédication on parle du repentir du fils cadet. Le fils cadet ne se repend pas du tout, il a faim et il retourne vers son père. C’est justement l’imperfection du repentir qui est le contenu. C’est justement cela que Jésus veut expliquer. Ça ne veut pas dire que les publicains qui sont autour de moi ont un repentir parfait, mais, ils sentent un appel à retourner vers le Père. Et la perfection du repentir, je dirais à la limite, ce n’est surtout pas l’exemple à donner à des enfants pour expliquer le pardon du Seigneur ou alors, ce que vous voulez expliquer, c’est que « même si tu n’es pas repentant toi, le bon Dieu, il te pardonne pareil ». C’est que tu veux insister sur comment Dieu agit même devant le repentir imparfait du pénitent. Ce n’est pas certainement une bonne base pour parler du sacrement du pardon ou d’autres démarches, mais c’est une bonne base de miséricorde par exemple. Le fils cadet, dans le fond, il se laisse réconcilier, il se laisse serrer, repris par son père, redresser par son père et il ne faut pas oublier que ce n’est pas terminé, il intègre la maison de son père, il est dans la maison, il retrouve sa maison, il est avec son père, avec sa famille.

Le problème, ce n’est pas le fils cadet dans l’histoire, c’est le fils aîné. C’est-à-dire que Jésus ne raconte pas une histoire pour le fils cadet, Jésus raconte l’histoire parce qu’il y a des pharisiens et des scribes qui eux jugent l’attitude de Jésus, cette attitude d’accueil, entière, totale, généreuse. Ils ne sont pas d’accord avec cette attitude-là puis c’est ce que fait le fils aîné, il n’est pas d’accord avec l’attitude du père, il fait un reproche à son père, il n’est même pas capable de dire « mon frère », il va dire « ton fils ». Lui, ce n’est plus son frère, et il juge son père parce que celui-ci est bon. Pour eux, ce n’est pas l’attitude que le père devrait avoir, ce n’est pas comme cela qu’il devrait fonctionner et les pharisiens c’est exactement ce qu’ils font : « cet homme fait bon accueil aux pécheurs ». Au fond ils disent : « Jésus est à côté de la trac », en bon québécois. Il ne fait pas ce qu’il devrait faire, et quelque part ce qui est sous-entendu c’est ; « il ne peut pas être le Messie ». Ce n’est pas lui, il n’agirait pas comme ça s’il était un vrai homme de Dieu. Or le texte, ce qui est très intéressant, c’est une parabole qu’on appelle « ouverte ». C’est-à-dire, que le fils cadet, il est parti, il est revenu parce qu’il avait faim, il s’est laissé réconcilier, et il est entré dans la maison. Donc, on peut dire que l’histoire du fils cadet connaît un début, un milieu et une fin. Dans le cas du  fils aîné on n’est pas devant la même chose du tout. On est devant une histoire où lui, réagit au retour du fils cadet en étant très désagréablement surpris et, remarquez que le fils aîné n’entre pas dans la maison. Il reste à l’extérieur de la maison si bien que le père aussi doit sortir, pas juste pour le cadet, il est pris aussi pour aller chercher son ainé. Mais l’histoire finie et on ne sait pas si le fils aîné va entrer dans la maison ? On ne sait pas s’il va se laisser réconcilier ? Le récit est une parabole ouverte en ce sens que la question est posée à ceux qui écoutent. Comment l’histoire va finir pour vous ? Indirectement ceux qui sont visés ce sont les scribes et les pharisiens, du début du chapitre 15, qui ont à se dire, comment moi, vais-je la faire finir l’histoire ? Parce qu’en jugeant les publicains, en jugeant ceux que Jésus accueille, je me garde moi-même à l’extérieur de la maison. C’est que je suis en train de pécher. Le jugement, saint Jacques le dit très clairement, le jugement que l’on exerce sur son prochain, c’est comme si on se situait au-dessus de la Loi et ultimement dans ce texte-là, au-dessus de Jésus et au-dessus du Père. Comme le fils aîné, les publicains font un reproche à Dieu lui disant comment il devrait agir. Mais entre vous et puis moi, c’est qu’en fait la clé c’est de se réconcilier avec l’agir même de Dieu et de devenir soi-même des acteurs dans le sens du Royaume de Dieu et non pas de reprocher à Dieu de ne pas faire le Royaume comme moi je voudrais qu’il soit.

C’est un complet retournement parce que Jésus interpelle les scribes et les pharisiens à s’ajuster à sa vision du Royaume. Il n’est pas Messie n’importe comment, le Père n’est pas Père n’importe comment, le Royaume dont il parle ce n’est pas n’importe quoi, le Royaume dont il parle c’est l’intimité avec le Père, si bien que pendant que tu juges ton frère, tu te gardes à l’écart du Père, tu restes en dehors de la maison, tu restes en dehors de la fête, tu n’es plus dans le Royaume. Ultimement c’est une parabole qui semble bien anodine mais qui pose une question solide aux scribes et aux pharisiens les invitant comme à poser un jugement à l’extérieur d’eux, c’est ce que permet la parabole, pour en arriver ensuite à appliquer à soi. Je vous souhaite durant cette période de carême de prendre le temps qu’il faut, non pas pour reprocher à Dieu de ne pas être ce que vous voulez qu’il soit, mais bien de choisir de vous ajuster au Royaume que Dieu veut construire, vous, vous ajuster à Dieu et non l’inverse. De cette façon-là on va être bien prêts d’accueillir le salut, la mort, la résurrection de Jésus qu’on vivra dans quelques semaines avec la fin de semaine pascale. Bonne route à vous !

Évangile : Luc 15, 1-3.11-12

1ère lecture : Josué 5, 10-12

Psaume 33, 2-7

2e lecture : 2 Corinthiens 5, 17-21

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