Commentaire du 6 novembre 2011 / Pierre Desroches (62e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses St-Pierre Claver et St-Stanislas de Kostka de Montréal. Il est également aumônier du Service de Police de Montréal et du CHSLD Centre-Ville de Montréal.
– Gino Fillion : caméra, montage et musique.

« La Sagesse donne accès à la réalité, elle n’est pas complexe, on la trouve lorsqu’on la désire / La venue de Jésus ressemble à une fête d’épousailles / Sortir de nos peurs qui nous empêchent d’épouser la réalité présente / Puiser nos réserves dans la messe et la parole de Dieu. »

– Références pour les textes bibliques (AELF) :  http://aelf.org/?date_my=06/11/2011

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Évangile : La venue du Fils de l’homme. « Voici l’époux, sortez à sa rencontre » (Matthieu 25, 1-13)
Jésus parlait à ses disciples de sa venue ; il disait cette parabole : « Le Royaume des cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe et s’en allèrent à la rencontre de l’époux. Cinq d’entre elles étaient insensées, et cinq étaient prévoyantes : les insensées avaient pris leur lampe sans emporter d’huile, tandis que les prévoyantes avaient pris, avec leur lampe, de l’huile en réserve. Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. Au milieu de la nuit, un cri se fit entendre : ‘Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre.’ Alors toutes ces jeunes filles se réveillèrent et préparèrent leur lampe. Les insensées demandèrent aux prévoyantes : ‘Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent.’ Les prévoyantes leur répondirent : ‘Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous ; allez plutôt vous en procurer chez les marchands.’ Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva. Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces et l’on ferma la porte. Plus tard, les autres jeunes filles arrivent à leur tour et disent : ‘Seigneur, Seigneur, ouvre-nous !’ Il leur répondit : ‘Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas.’ Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. » 

1ère lecture : La Sagesse vient à la rencontre de ceux qui la cherchent (Sagesse 6, 12-16)
La Sagesse est resplendissante, elle est inaltérable .Elle se laisse aisément contempler par ceux qui l’aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. Elle devance leurs désirs en se montrant à eux la première. Celui qui la cherche dès l’aurore ne se fatiguera pas : il la trouvera assise à sa porte. Ne plus penser qu’à elle prouve un parfait jugement, et celui qui veille en son honneur sera bientôt délivré du souci. Elle va et vient pour rechercher ceux qui sont dignes d’elle ; au détour des sentiers, elle leur apparaît avec un visage souriant ; chaque fois qu’ils pensent à elle, elle vient à leur rencontre.

Psaume 62, 2-8

R/ Mon âme a soif de toi, Seigneur, mon Dieu.

Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube :
mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau.

Je t’ai contemplé au sanctuaire,
j’ai vu ta force et ta gloire.
Ton amour vaut mieux que la vie :
tu seras la louange de mes lèvres !

Toute ma vie je vais te bénir,
lever les mains en invoquant ton nom.
Comme par un festin je serai rassasié ;
la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.

Dans la nuit, je me souviens de toi
et je reste des heures à te parler.
Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l’ombre de tes ailes.

2ème lecture : L’espérance devant la mort (1 Thessaloniciens 4, 13-18)
Frères, nous ne voulons pas vous laisser dans l’ignorance au sujet de ceux qui se sont endormis dans la mort ; il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres, qui n’ont pas d’espérance. Jésus, nous le croyons, est mort et ressuscité ; de même, nous le croyons, ceux qui se sont endormis, Dieu, à cause de Jésus, les emmènera avec son Fils. Car, sur la parole du Seigneur, nous vous déclarons ceci : nous les vivants, nous qui sommes encore là pour attendre le retour du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui se sont endormis. Au signal donné par la voix de l’archange, à l’appel de Dieu, le Seigneur lui-même descendra du ciel, et les morts unis au Christ ressusciteront d’abord. Ensuite, nous les vivants, nous qui sommes encore là, nous serons emportés sur les nuées du ciel, en même temps qu’eux, à la rencontre du Seigneur. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur. Retenez ce que je viens de dire, et réconfortez-vous les uns les autres.

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Commentaire du 6 novembre 2011 (62è) – 32e dimanche du temps ordinaire (année A)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

Les cris de nos nuits qui peuvent conduire à des épousailles

L’abbé Pierre Desroches

Alors, mes amis, cette semaine on a une très belle Parole qui débute notre liturgie et qui vient du livre de la Sagesse, un livre passionnant, un livre qui aborde un regard sur la réalité dans des angles qu’on a toujours besoin parce qu’il est très simple d’être insensé, mais ce qui nous rend sensé, c’est justement cette sagesse qui nous donne de voir dans le fond des choses, dans  le fond de la réalité. « Elle est resplendissante cette Sagesse, elle est inaltérable. » Ça veut dire qu’elle ne se modifie pas d’un siècle à l’autre, elle peut prendre des visages différents, elle peut prendre des couleurs différentes, mais le fond de la sagesse est toujours le même, c’est toujours la même réalité. « Elle se laisse aisément contempler par ceux qui l’aiment. » Donc, elle n’est pas complexe, elle n’est pas difficile à trouver. On la trouve lorsqu’on la désire, lorsqu’on s’engage dans le désir. Il y a beaucoup de tristesse à ne pas être des hommes ou des femmes de désir.  « Elle se laisse trouver par ceux qui veulent la rencontrer. » C’est qu’on sait très bien, on est comme cela nous-mêmes, si quelqu’un veut vraiment nous voir, si quelqu’un qui nous aime désire qu’on puisse avoir une rencontre, un échange, notre porte habituellement s’ouvre facilement.

Et la sagesse, elle est ainsi. « Elle devance leurs désirs en se montrant à eux la première. » Je trouve cela très intéressant, elle aussi elle nous désire et elle nous désire tellement, elle est loin de se cacher, elle vient se présenter. « Celui qui la cherche dès l’aurore ne se fatiguera pas : il la trouvera assise à sa porte. » Elle n’est pas très loin, elle est à notre porte. « Ne plus penser qu’à elle prouve un parfait jugement, et celui qui veille en son honneur sera bientôt délivré du souci. » On voit le cadeau qu’elle peut nous faire, le don qu’elle est en mesure de nous faire. «  Elle va et vient pour rechercher ceux qui sont dignes d’elle ; au détour des sentiers, elle leur apparaît avec un visage souriant. » Elle n’est pas sévère, elle ne fait pas peur, elle ne terrorise pas, elle est d’un abord simple. « Chaque fois qu’ils pensent à elle, elle vient à leur rencontre. » Dans une journée, je ne sais pas combien de fois vous la cherchez, vous l’appelez, vous la désirez ? Mais je sais que chaque jour, j’ai besoin de changer mon regard, chaque jour, j’ai besoin dans les relations qui me sont données de vivre, de trouver la juste attitude pour être à la hauteur de ces visites que Dieu me fait dans les uns et dans les autres et aussi dans les événements. Manquer de sagesse, c’est de ne pas entrer dans l’événement, c’est de se couper de l’événement, c’est de ne pas laisser l’événement ou les personnes devenir pour nous, parole, qui va être lumière.

Et dans notre  deuxième lecture aux Thessaloniciens, Paul va vouloir communiquer cette sagesse-là pour venir éclairer l’ignorance. Il ne veut pas laisser ses frères « dans l’ignorance de ceux qui sont morts ». C’est toujours cette même réalité chrétienne de savoir que ceux qui sont morts ne sont pas détruits, ne sont pas disparus. Ils nous échappent d’une certaine manière mais, ils nous habitent aussi d’une autre. Et ce qui nous habite d’eux continue à grandir, continue à nous faire faire route sur une expérience qui avait débuté avec eux et qui ne peut s’arrêter parce que, tout simplement, ils seraient dans un ailleurs. C’est comme si nos alliances mourraient aussitôt que  quelqu’un déménage. Nos alliances continuent de façon différente. On sait très bien que ce qui nous éclaire est appelé à nous éclairer pour la vie et non pas juste pour le temps d’une présence physique. Alors Paul va faire toute une réflexion sur la mort.

Et j’aime beaucoup le texte de l’Évangile, c’est une image forte. C’est Jésus qui nous parle de sa venue. Il faut comprendre qu’il parle de Lui-même, même si c’est à travers des images, de dix jeunes filles invitées à des noces. La venue de Jésus, ça ressemble à des noces, ça ressemble à une fête d’épousailles. Parmi ces dix jeunes filles, il y en a cinq qui vont prendre leur lampe et s’en aller à la rencontre de l’époux et cinq autres qui veulent aussi aller à la rencontre de l’époux mais, prennent leur lampe sans emporter d’huile. Les premières ont une réserve, les secondes n’en n’ont pas. « Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. » Ça c’est une constante pour les deux groupes, elles s’endorment. « Au milieu de la nuit, un cri se fit entendre. » J’aime particulièrement ce verset : « Au milieu de la nuit un cri se fait entendre. » Comme nous avons des cris dans la nuit qui nous réveillent. Il y a des moments dans notre existence où on s’assoupit, où on est comme pas train de veiller, où c’est comme si on avançait sans trop de conscience. « Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre. »

Quand je pense à certains cris de ma nuit, je vois l’importance de pouvoir prendre une distance de soi et une distance du cri pour sortir de nos peurs, sortir de nos angoisses, sortir ce qui nous empêcherait d’être capables d’épouser la réalité qui se présente. Je me souviens lorsque j’ai été ordonné prêtre. Il faut comprendre que ce n’est pas la masse de ma génération qui est entré pour devenir prêtres. Je vivais un grand sentiment de me couper, de m’extirper de ce monde qui était le mien pour entrer dans une réalité qui m’appartenait moins comme génération. Et je me demandais vraiment quelle était cette sagesse de vouloir marcher vers le sacerdoce. Je me souviens que, intérieurement c’est comme si le Seigneur m’avait tout simplement dit : « Fais-moi confiance, ce n’est pas une coupure de ta génération, fais-moi confiance, tu seras capable de grandir, de faire route avec des personnes de tout âge, même si massivement tu ne seras pas d’abord avec tes semblables ». Je pourrais vous parler de d’autres cris dans la nuit. Lorsque j’ai entendu certaines personnes mettre en doute que j’aurais dû peut-être ne pas adopter mon fils lorsque cela s’est fait à cause de ma condition de prêtre, à cause de cette obéissance que j’avais promis à l’évêque, et certains d’entre eux étaient des autorités. Comme un cri dans la nuit où on se demande si notre paternité est en train d’’être mise en jeu et où on se demande si on s’est trompé, où on se demande si c’est vraiment la volonté de Dieu ou si ça ne l’est pas. Épouser cette réalité-là, la vivre dans la réalité, aller à la rencontre de l’évêque de qui on relève, aller à la rencontre, demeurer ouvert par rapport à ceux qui questionnent, demeurer ouvert  par rapport à ce Dieu qui nous parle à l’intérieur pour être capable de partager cette lumière et cette sagesse.

C’est toute la question de la réserve. Est-ce qu’on a des réserves ? Moi, je pense que les réserves se font peu à peu, elles se font jour après jour, semaine après semaine. Je me souviens de ma réalité d’enfant qui parfois, quittait la maison le dimanche avec des tensions, soit avec mes parents ou soit avec mes frères ou sœurs ou par rapport à des réalités qui m’étaient plus difficiles à vivre, et que je quittais la maison pour aller à la messe. Et je ne revenais jamais de la messe dans le même état que celui duquel j’en étais sorti. Alors, les réserves : accueillir la Parole, méditer la Parole, trouver Dieu au cœur de nos relations, prendre le temps de la visiter, de la trouver toujours  souriante, là, tout près. C’est ce qui fait que, lorsque le cri retentit dans la nuit, on peut avoir une réserve qui va nous permettre de voir l’Époux, de voir qui on a épousé et qui on a à délaisser. Cette réserve, elle ne peut se transmettre, elle n’est pas une matière, elle est un souffle. Comment donner notre souffle à quelqu’un d’autre ? C’est plutôt de le conduire à rencontrer ce Souffle, à se laisser habiter par ce souffle.

Alors, les prévoyantes à cette demande, des insensées : « Donnez-nous de votre huile », elles disent : ce n’est pas possible ! « Allez plutôt vous en procurer chez les marchands. Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous. » La venue du Fils de l’homme ressemble à ces personnes qui sont pleines de ce souffle, pleines de cette réserve et qui sont capables de se laisser épouser comme d’épouser ces cris qui sont des heures de grande libération, de grande expérience de cet amour qui nous sort de nos peurs et qui nous reste bien éveillé dans la reconnaissance de Celui qui est là et qui ne nous quitte jamais. Bonne semaine, mes amis, et que tous les cris de votre semaine puissent être pour vous l’occasion d’une épousailles.

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