Commentaire du 20 mars 2011 / Pierre Desroches (27e)

– Transcription écrite du commentaire au bas de la page.

– Pierre Desroches est prêtre des paroisses St-Pierre Claver et St-Stanislas de Kostka de Montréal.
– Gino Fillion : composition, guitare, caméra et montage.

2è dimanche du Carême (année A)

« Heureux les hommes et les femmes qui sont capables de devenir des bénédictions pour leurs frères / Pour Abraham, un pays lui est indiqué mais sans être nommé / L’Esprit de Jésus Christ est là pour nous aider à terrasser la souffrance et de l’offrir / Jésus est branché sur ses racines : Moïse et Élie. »

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Évangile : La Transfiguration (Matthieu 17, 1-9)
Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui. Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. » Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre ; et, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! » Entendant cela, les disciples tombèrent la face contre terre et furent saisis d’une grande frayeur. Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et n’ayez pas peur ! » Levant les yeux, ils ne virent plus que lui, Jésus seul. En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »

1ère lecture : La vocation d’Abraham (Genèse 12, 1-4a)
Abraham vivait alors en Chaldée. Le Seigneur lui dit : « Pars de ton pays, laisse ta famille et la maison de ton père, va dans le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai grand ton nom, et tu deviendras une bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront, je maudirai celui qui te méprisera. En toi seront bénies toutes les familles de la terre. » Abram partit, comme le Seigneur le lui avait dit, et Loth partit avec lui.

Psaume 32, 4-5, 18-19, 20.22

R/ Seigneur, ton amour soit sur nous, comme notre espoir est en toi !

Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ;
il est fidèle en tout ce qu’il fait.
Il aime le bon droit et la justice ;
la terre est remplie de son amour.

Dieu veille sur ceux qui le craignent,
qui mettent leur espoir en son amour,
pour les délivrer de la mort,
les garder en vie aux jours de famine.

Nous attendons notre vie du Seigneur :
il est pour nous un appui, un bouclier.
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous
comme notre espoir est en toi.

2ème lecture : Dieu nous appelle à connaître sa gloire (2 Timothée 1, 8b-10)
Fils bien-aimé, avec la force de Dieu, prends ta part de souffrance pour l’annonce de l’Évangile. Car Dieu nous a sauvés, et il nous a donné une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce. Cette grâce nous avait été donnée dans le Christ Jésus avant tous les siècles, et maintenant elle est devenue visible à nos yeux, car notre Sauveur, le Christ Jésus, s’est manifesté en détruisant la mort, et en faisant resplendir la vie et l’immortalité par l’annonce de l’Évangile.

Textes liturgiques © AELF

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Commentaire du 20 mars 2011 (27e) – 2e dimanche du Carême (année A)
Transcription : Sœur Cécile Petit, s.c.q.

Prends ta part de souffrance : les moines de Tibhirine

L’abbé Pierre Desroches 

Cette semaine du Carême, nous allons avoir une belle parole qui est celle de la Transfiguration. Le premier texte de ce dimanche est tiré de la Genèse qui nous parle d’Abraham, et je voudrais juste souligner que l’invitation qui est faite à Abraham, c’est celle de devenir une bénédiction. « Je ferai de toi une bénédiction ». Heureux les hommes et les femmes qui sont capables d’être des bénédictions pour leurs frères. Ça fait toujours du bien de rencontrer des gens qui peuvent nous dire du bien plutôt que de dire du mal de nous. Mais pour devenir cette bénédiction, notre ami va recevoir un appel, c’est l’appel à quitter. Ça se dit comme ceci : « Pars de ton pays, laisse ta famille, la maison de ton père et va dans la maison que je te montrerai ». Abraham ne connaît pas la carte géographique pour se rendre, il ne l’a pas. Ce n’est pas un pays qui est nommé, c’est un pays qui est indiqué. C’est comme si, jour après jour, il va devoir se faire attentif à la présence de Dieu pour savoir où diriger ses pas. C’est une expérience d’abandon et il semble qu’à l’intérieur de cette expérience d’abandon et cette distanciation de sa famille il va devenir cette bénédiction pour laquelle Dieu l’appelle et il va devenir une bénédiction pour toutes les familles de la terre. Depuis plus de 3,600 ans, les familles de la terre sont bénies par cet homme qui nous apprend à quitter, qui nous apprend à nous affranchir de nos racines biologiques pour se plonger davantage dans nos racines spirituelles et refaire ce lien très intime avec le Père.

J’aime beaucoup comment commence la deuxième lecture qui nous dit : « Fils bien-aimé, avec la force de Dieu, prends ta part de souffrance pour l’annonce de l’Évangile ». Dans la souffrance, on murmure, on a souvent l’impression que Dieu nous oublie, qu’on est comme rejetés ou qu’on n’est pas favorisés, alors que Paul nous dit : « Prends ta part de souffrance » non pas comme quelqu’un qui murmure, mais comme quelqu’un qui veut avoir un chemin pour annoncer la Bonne Nouvelle. Que la souffrance ne nous terrasse pas, elle est faite pour être terrassée. Et on reçoit un esprit de Jésus Christ qui nous rend capables de terrasser cette souffrance et tout au moins de l’offrir pour qu’elle puisse devenir elle aussi une bénédiction pour nos frères.

Dans l’Évangile de la Transfiguration, je pense que c’est un appel à regarder au-delà des premiers traits pour voir s’il y a un autre visage qui veut apparaître à travers la réalité plus immédiate dans laquelle nous sommes plongés. Et ce texte-là va débuter par un échange, par un temps d’intimité, parce que Jésus va amener avec lui Pierre, Jacques et Jean. Et ils vont être sur la montagne. Donc, un lieu de retrait mais aussi un lieu où il est avec des très proches et des gens qui seront témoins des grands moments qui vont venir dans sa vie. Et c’est comme si Jésus veut les préparer. Il discute avec notre ami Moïse et avec notre ami Élie. C’est tout l’échange qu’il fait avec le législateur Moïse, la Loi, et l’Ancien Testament, les prophètes. Probablement que Jésus est en train d’éclairer les événements qu’il voit venir et il les éclaire à partir de ces deux grands personnages qui sont des personnages capitaux dans toute l’expérience du peuple juif. Jésus est vraiment branché sur ses racines, et avec eux, il précise peut-être ce qui va arriver et comment il va se situer. Pierre dit : « Dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie ». C’est comme si Pierre voulait arrêter le temps et pendant qu’il parle, une voix se fait entendre du ciel. C’est intéressant cette voix qui vient alors que lui parle, comme un appel à l’écoute plutôt qu’un appel à dire, un appel à accueillir plutôt que d’essayer de contrôler ou de faire quelque chose.

Je trouve  qu’on est dans une période où l’on peut réfléchir sur la Transfiguration à partir des Moines de Tibhérine. Vous avez sûrement entendu parler de cette communauté de moines d’Algérie qui se sont fait décapiter et qui voyaient très bien venir les événements. Il y a un film qui circule présentement « Des hommes et des dieux », qui relate les événements et qui relate la vie de ces moines qui vont décider, alors qu’ils voient même venir la mort, qu’ils vont décider de rester, de ne pas fuir. Une  des réalités qui les a fait choisir de rester c’est l’appel des frères musulmans du village qui leur disent : « vous pouvez peut-être éviter cette violence, mais nous, on ne peut pas, ne nous laissez pas seuls, restez avec nous ». On voit dans ce film tout le processus de cheminement des moines qui sont maintenant décédés et qui maintenant ne sont plus là.

Pourquoi vous parler ici de la transfiguration ? C’est que si on regarde le premier niveau, on pourrait en faire un procès contre des gens de l’Islam, alors qu’à travers le film, ce qu’on voit ce n’est pas du tout un procès, c’est l’acceptation de s’offrir, de se livrer et de se donner, de faire confiance au Christ et d’accomplir avec son Esprit, sa justice. Ce n’est pas dans les traits premiers, c’est dans le visage qu’on voit transparaître à travers le choix de ces hommes. La transfiguration nous appelle à une vocation qui n’est pas une vocation de condamnation, qui n’est pas une condamnation de jugement mais qui est une vocation lumineuse. On va demander au Seigneur de pouvoir cette semaine, nous exercer pour qu’il puisse transfigurer à travers notre vie et notre histoire, sa lumière.

 

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